Après la reconnaissance en juillet 2002 du cornique comme langue minoritaire par les autorités du Royaume-Uni, la langue bretonne, parlée en France par 225 000 locuteurs[1], reste la seule langue celtique moderne à ne pas avoir de statut officiel dans sa zone culturelle.
L'un des traits les plus caractéristiques est l’amuïssement du p à l'initiale et entre voyelles. Ainsi, l'indo-européen *ph₂tḗr « père » (> latin pater, anglais father) devient *ɸatīr en celtique commun, d'où vieil irlandais athair, athir > irlandais athair, gaulois *atir (nominatif), ater (vocatif) ou encore *pŗto- / *pértus « le gué » (> latin portus, anglais ford) devenant *ɸritus en celtique commun, d'où *rrɨd en brittonique (vieux breton rit; vieux cornique rid; vieux gallois rit > gallois rhyd), *rito- en gaulois comme dans l'ancien nom de Limoges, dont la dénomination gallo-romaine est Augustoritum « le gué d'Auguste » ou encore Chambord de *camborito-, le gué sur la courbe du fleuve[2]. Le b n'existant pas à date ancienne, le gʷ i.e. passe généralement à b comme dans le nom du bœuf, irlandais bó, breton buoc'h[2].
Les langues celtiques dans leur ensemble sont affectées par la modification phonétique qui porte le nom de lénition (affaiblissement des consonnes qui se trouvent entre deux voyelles). Ainsi, le mot irlandais beatha « vie » se prononce /ˈbʲahə/[2].
le celtibère, langue bien attestée, autrefois parlé entre autres dans l'actuelle Aragon et en Castille-Léon avec une extension possible au nord ouest de la péninsule Ibérique, aucune langue celtique dont le gallaïque n'étant attesté dans ces régions, certains linguistes y incluent aussi le lusitain (attesté au Portugal et en Galice), bien que les travaux les plus récents l'exclue du groupe celtique ;
le galate, langue non attestée, autrefois parlé en Galatie (une région de la Turquie actuelle) (Jérôme de Stridon écrit: « Les Galates parlent la même langue que les Trévires ») ;
le norique, non attesté, la langue supposée du Norique (province romaine, à peu près l'Autriche d'aujourd'hui) et de la Slovénie ; bien que les preuves soient pratiquement inexistantes.
On mentionne parfois le shelta (la langue des nomades irlandais) (Irish Travellers) comme une langue celtique, mais ce rattachement est impropre : en effet, s'il est exact que le vocabulaire de cette langue présente un fort fond issu de l'irlandais, la grammaire de cette langue est basée sur l'anglais ; ceci en fait plutôt une langue germanique à fort apport lexical gaélique.
Les langues brittoniques (terme créé au XIXe siècle) dérivent de la langue bretonne antique parlée dans l'île de Bretagne par les Bretons, dès avant la conquête romaine jusqu'à l'invasion saxonne, et de son éclatement en plusieurs dialectes, puis langues, un peu sur le modèle du latin et des langues romanes.
Les langues brittoniques sont généralement réduites à trois :
le cornique, parlé comme langue communautaire en Cornouailles jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (cette langue était considérée comme éteinte, mais elle connaît de nos jours un renouveau) ;
le breton, langue traditionnellement pratiquée en partie occidentale de la Bretagne. Proche cousin du cornique, il est classé comme langue celtique insulaire. Bien qu'une influence historique du gaulois sur le breton soit possible, on ne saurait vraiment le prouver.
Il ne faut cependant pas oublier :
le cambrien dans le Gododdin, le Rheged, l'Elmet et le Strathclyde, royaumes de l'Écosse du sud-ouest et de l'Angleterre du nord-ouest, jusqu’au Moyen Âge. La littérature d'Aneurin et Taliesin, poètes de ces contrées, est souvent assimilée à de la littérature galloise, puisque le gallois n'est à l'origine que le nom donné à la langue brittonique de Galles ;
D'autres cas sont mentionnés par les spécialistes :
d'après une hypothèse de T. F. O'Rahilly, l'ivernique dans le Leinster en Irlande, parlé dans l’Antiquité ;
le picte, si tant est qu'il n'existait qu'une seule langue picte, est considéré également par certains chercheurs (d'autres y voient une langue pré-celtique non indo-européenne) comme une langue brittonique, mais la question est encore très controversée[réf. nécessaire]. Les Gallois nomment d'ailleurs le picte Brithwr.
Taxinomie des langues celtiques
Le schéma présenté ci-dessus[4] ne représente qu'une possibilité taxinomique. La division des langues celtiques modernes en deux catégories, gaélique et brittonique, est certaine. Mais un nombre de celticistes défend une hypothèse selon laquelle le brittonique et le gaulois constitueraient un groupe à part (les langues celtiques-P), laissant le celtibère et le gaélique dans un groupe celtique-Q. Cette notation est fallacieuse car la lettre Q n'existe ni en irlandais ni en gaélique écossais. Cette classification repose essentiellement sur le traitement du *kw hérité de l'indo-européen : en celtique-P ce phonème devient /p/, tandis qu'en celtique-Q demeure / kw/. On illustre cette différence par les mots pour « tête » : penn en breton, ceann en irlandais (où ‹ c › note /k/).
Les opposants à l'hypothèse du celtique insulaire répondent que l'évolution du kw en /p/ est assez superficielle et n'empêcherait pas en tout cas l'intercompréhension. Ils considèrent comme plus profondes les particularités du celtique insulaire : les prépositions fléchies, les mutations consonantiques ou encore l'ordre syntaxique VSO (voir plus bas). Un important substrat afro-asiatique (ibère, berbère) a aussi été proposé par John Morris-Jones pour expliquer l'évolution particulière du brittonique, ce qui a été appuyé par plusieurs autres linguistes connus (Julius Pokorny, Heinrich Wagner, et Orin Gensler). Shisha-Halevy et Theo Vennemann ont poursuivi avec d'autres travaux à ce sujet[réf. incomplète].
On a autrefois classé les langues celtiques avec les langues italiques dans une famille dite italo-celtique pour des raisons de proximité diverses (utilisation de désinences pronominales au sein des flexions nominales thématiques, par exemple). Cependant, cette taxonomie est maintenant contestée[5]. Il peut s'agir de coïncidences ou d'effets d'interférence linguistique.
Particularités des langues celtiques modernes
Bien qu'il existe une diversité considérable au sein des langues celtiques, on note plusieurs traits communs dont l'association est très caractéristique des langues celtiques insulaires :
deux genres grammaticaux, masculin et féminin (le brittonique ancien et le vieil-irlandais avaient aussi un neutre), dont la distinction est largement assurée par les mutations consonantiques
l'existence d'une forme impersonnelle spécifique dans la conjugaison
un ordre des mots fondamental dans la phrase typiquement verbe-sujet-objet (VSO), surtout dans les langues gaéliques et dans les formes anciennes des langues brittoniques
l'usage d'un article défini sans qu'existe article indéfini en regard (sauf en breton, où l'article indéfini s'emploie essentiellement au singulier) ;
l'absence d'un verbe équivalent à « avoir » : la possession est plutôt exprimée par des périphrases figées avec le verbe « être » associé à des prépositions et des pronoms ;
Jean Markale, homme de lettres très controversé, sans publication scientifique, écrit qu'environ 1 200 mots celtiques sont connus, dont 200 se sont transmis au français[7]. Sont cités en tant qu'exemples : bief, if, bille, soc, ruche, claie, barque, chemin, lieue, lande, grève, roche, char, bec, jarret, briser, changer, border, petit et dru. Pierre-Yves Lambert donne à la fin de son ouvrage de référence[8] une liste de termes d'origine gauloise bien documentés, dont la présentation est plus scientifique. Xavier Delamarre présente des listes de mots gaulois qui ont une postérité dans la langue française[9]. Pierre Gastal présente dans son 2e ouvrage, p. 251-257[10], deux listes de près de 800 mots français d'origine gauloise, une liste alphabétique et une liste classée par racines. Jean-Paul Savignac présente lui aussi des mots gaulois dans un dictionnaire de langue gauloise issu des toponymies et textes anciens[11]. Jacques Lacroix, les recherches dans l'onomastique (composition des noms) et la toponymie[12]. Joseph Monard propose un Dictionnaire de Celtique Ancien, croisant les différentes recherches érudites avec les langues celtiques contemporaines, pour reconstituer un vocabulaire épais[13].
Personnalités
Les linguistes spécialistes des langues celtiques sont appelés celtistes ou celtisants. Parmi les plus notables :
Mots communs avec les langues tchoukotko-kamtchatkiennes
Les langues tchoukotko-kamtchatkiennes forment une famille de langues parlées en Sibérie. Jäger (2015) remarque quelques mots communs avec les langues celtiques, qui ne sont pas partagées avec les autres langues indo-européennes, ce qui indiquerait qu'il ne s'agit ni de cognats, ni d'emprunts. Or, selon lui, les langues indo-européennes et tchoukotko-kamtchatkiennes ne formeraient pas un clade, les ressemblances seraient plutôt fortuites[14].
Mots communs en celtique et en tchoukotko-kamtchatkien
↑ ab et cAndré Martinet, Des steppes aux océans : l'indo-européen et les indo-européens, Paris, Payot, 1986, p. 94-99
↑Hervé Abalain, Histoire des langues celtiques, Jean-Paul Gisserot, , 127 p. (lire en ligne)
↑(en) Peter Forster et Alfred Toth, « Toward a phylogenetic chronology of ancient Gaulish, Celtic, and Indo-European », Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, vol. 100, no 15, , p. 9079–9084 (PMID12837934, DOI10.1073/pnas.1331158100).
(en) Robert D. Borsley & Ian Roberts (ed.), The Syntax of the Celtic Languages: A Comparative Perspective. Cambridge: Cambridge University Press, 1996 (ISBN0521481600).
(en) R. Gray et Q. Atkinson, « Language-tree divergence times support the Anatolian theory of Indo-European origin », dans la revue Nature du .
Henriette Walter, « L'Aventure des mots français venus d'ailleurs », Livre de Poche, Paris, 1999.
Henriette Walter, « L'aventure des langues en Occident », Livre de Poche, Paris, 1996.
(en) Martin J. Ball et James Fife, The Celtic Languages, Londres, New York, Martin J. Ball et James Fife, coll. « Routledge Language Family Descriptions », (réimpr. 2005), XI-682 p., broché (ISBN978-0-415-28080-8, LCCN91038316, lire en ligne)
I. C. Zeuss, Grammatica celtica e monumentis vetustis tam Hibernicae linguae quam Britannicarum dialectorum Cambriacae Cornicae Aremoricae comparatis Gallicae priscae reliquis construxitI. C. Zeuss, Phil. Dr. Hist. Prof., editio altera curavit. H. Ebel, .Ph.Dr., Acad. Reg. Hib. Soc. Hon., Acad. Reg. Boruss. Adi. Comm. Epist. Berolini, Apud Weidmannos MDCCCLXXI (1871).