Un abri pour sous-marins (U-Boot-Bunker en allemand) est un bunker spécialement conçu pour protéger les sous-marins de l'attaque aérienne. Le terme est généralement appliqué aux bases sous-marines construites pendant la Seconde Guerre mondiale, en particulier en Allemagne et dans les pays occupés. Ces abris sont également appelés les abris U-Boote ou encore abris U-Boats, d'après l'expression « U-Boot » désignant les sous-marins allemands.
Parmi les premières formes de protection des sous-marins, on trouve des abris à parois ouvertes avec des fondations partielles en bois qui ont été construits pendant la Première Guerre mondiale. Ces structures ont été construites à l'époque où les bombes étaient assez légères pour être larguées à la main depuis le cockpit. Dans les années 1940, la qualité des armes aériennes et les moyens de les larguer s'étaient nettement améliorés[1].
Au milieu des années 1930, le Bureau de la construction navale de Berlin s'est penché sérieusement sur le problème. Diverses factions de la marine étaient convaincues qu'il fallait protéger la branche en expansion des U-boots. Un raid de la Royal Air Force (RAF) sur la capitale en 1940 et l'occupation de la France et le refus de la Grande-Bretagne de se rendre ont suffi à déclencher un programme massif de construction d'enclos pour sous-marins et d'abris contre les raids aériens.
À l'automne 1940, la construction du bunker Elbe II à Hambourg et du Nordsee III sur l'île d'Heligoland était en cours. D'autres suivirent rapidement.
Un projet de construction d'une telle ampleur dépassait le cadre des capacités de la Kriegsmarine. L'Organisation Todt (OT) était chargée de superviser l'administration de ces chantiers. L'approvisionnement local en sable, en agrégats, en ciment et en bois était difficile. L'acier nécessaire était principalement importé d'Allemagne. Les positions respectives des Français et des Norvégiens étaient différentes. En France, le recrutement des hommes et l'approvisionnement en machines et en matières premières ne posait généralement pas de difficulté. En Norvège, la population locale était réticente à aider les Allemands.
Le terrain choisi pour la construction des bunkers posait souvent des difficultés : se trouvant généralement à la tête d'un fjord, les fondations et les semelles devaient être taillées dans le granit[2]. De nombreux ouvriers étaient des travailleurs forcés, en particulier les détenus des camps de concentration fournis par les Schutzstaffel en puisant dans les camps situés à proximité des chantiers.
Les raids aériens incessants ont gravement perturbé le projet, entravant l'approvisionnement en matériel, détruisant les machines et menaçant les travailleurs. Les machines telles que les pelles, les batteurs de pieux, les grues, les projecteurs et les pompes à béton (technologie encore récentes dans les années 1940) manquaient de fiabilité ; et s'agissant des équipements à vapeur, étaient fort bruyantes[3].
Les bunkers devaient pouvoir accueillir plus que des U-Boote ; il fallait trouver de l'espace pour les bureaux, les installations médicales, les communications, les toilettes, les générateurs, les ventilateurs, les canons anti-aériens, le logement du personnel clé comme les membres d'équipage des submersibles, les ateliers et leurs techniciens, les stations d'épuration d'eau, les équipements électriques et les installations de communications et de radio. Il fallait également des espaces de conservation des pièces de rechange, des munitions et des explosifs, ainsi que du pétrole.
Quatre types de bunkers ont été construits :
La présence d'un bunker souterrain à Fuerteventura, aux Canaries, est une rumeur infondée. Une version similaire concerne Havre, en France, et proviendrait de récits de sous-mariniers d'U-Boote capturés, interrogés par les Britanniques[4].
Les enclos d'abris renforcés pour sous-marins allemands ont été construits dans les ports côtiers du nord du Reichde même que dans de nombreux pays envahis par les Allemands.
Des enclos protégeant la construction du sous-marin de type XXI étaient situés à Hambourg (Blohm & Voss), Brême (AG Weser) et Dantzig (F. Schichau)[5],[6],[7].
Le bunker Hornisse a été commencé en 1944 à Brême ; il n'a jamais été achevé[8].
Le Valentin était le plus grand bunker d'Allemagne. Commencé en 1943, il a été construit comme usine de fabrication des sous-marins de type XXI. Il n'a jamais été achevé. Après la guerre, il a été brièvement utilisé comme site d'essai pour les bombes britanniques et américaines (la plupart des dommages infligés au bunker l'ont été à cette époque[9]) avant de devenir une installation d'entrepôt de la marine allemande. La main d'œuvre nécessaire à sa construction était fournie par des camps de concentration locaux tels que Neuengamme à Hambourg.
La ville accueillait deux sites, Elbe II et Fink II. Le bunker Finkenwerder a été construit par 1 700 travailleurs esclaves en quatre années. Après sa prise, il a été démoli avec 32 tonnes de bombes[10].
Le bunker Nordsee III à Heligoland était l'un des plus anciens enclos de sous-marins, puisque mis en service en 1940. Laissé à l'abandon jusqu'à la fin de la guerre, il a été bombardé par la RAF et, comme la plupart des installations de l'île, complètement détruit. Il a également servi après la fin de la guerre à expérimenter de nouvelles armes. Aucune trace de l'enclos n'a survécu[11].
Cette ville a été constamment bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, les cibles étant souvent les bunkers de sous-marins Kilian et Konrad. Ils ont été mis en service respectivement en 1941 et en 1942. Ce dernier a été utilisé pour la construction des sous-marins de poche Seehund[12].
C'est à Kilian que le U-4708 a probablement été le seul sous-marin allemand à être détruit dans un bunker. Des bombes malencontreuses provenant d'un raid aérien visant la ville ont provoqué un fort mouvement des eaux traversant la Förde et entrant dans le bunker. L'Oberleutnant zur See Hans-Gerold Hauber, le capitaine du U-170, avait attiré le ridicule en ordonnant la fermeture de toutes les écoutilles de son bateau, pourtant dans le bunker. Cette simple précaution a évité à l'U-170 de couler à quai, à côté de l'U-4708[13].
Un bunker pour U-Boot était prévu à Wilhelmshaven, mais il n'a jamais dépassé le stade préliminaire[14].
Les forces d'occupation allemandes ont construit de nombreux parcs protégés pour U-Boote dans les ports français de l'Atlantique à : Bordeaux, à Brest, à La Rochelle-La Pallice, à Lorient, à Saint-Nazaire, ou de Méditerranée : à Marseille et à Toulon. Près de 4,4 millions de mètres cubes de béton ont été utilisés [15].
Un bunker sans nom et une écluse adjacente ont été construits à Bordeaux, la quatrième ville française au début de la guerre. Les deux structures ont été commencées en 1941 ; l'écluse du bunker n'était pas terminée à la fin de la guerre. Le bâtiment principal était plus grand que ceux des autres sites, afin de permettre aux bateaux de ravitaillement et aux mouilleurs de mines de l'utiliser. La Regia Marina (Marine royale italienne) établit la base Betasom (Bordeaux Sommergibile) à Bordeaux.
Le port a été la cible d'un raid de commando britannique - les Cockleshell Heroes[16].
Le port de Bretagne n'avait qu'un seul bunker, mais c'était le plus grand (Lorient étant la plus grande des bases sous-marines allemandes) ; il n'était pas nommé[17]. Commencé en 1941, ses plans ont été modifiés à de nombreuses reprises avant qu'il soit achevé un an plus tard.
En février 1942, la RAF ne montrait pas intérêt pour la région ; la plus grande partie de la ville avait déjà été détruite et la RAF ne possédait pas de bombes assez puissantes pour menacer sérieusement le bunker. Entre février 1942 et le début de 1943, à part les bombardements de quelques avions américains, l'endroit fut laissé à lui-même. La garnison allemande se rendit aux forces américaines en septembre 1944. Elle disposait de suffisamment d'explosifs pour paralyser le bunker, inemployés en raison de la proximité d'un hôpital[18].
Seulement six kilomètres séparent La Rochelle de La Pallice : les deux sites sont généralement considérés comme un seul port. Un bunker sans nom a été construit à La Pallice (base sous-marine de La Rochelle) ; il a été mis en service en avril 1941[19]. Des techniques de construction similaires à celles utilisées à Saint-Nazaire ont été employées. En raison de la relative facilité de construction, la structure principale était prête pour ses premiers U-Boote six mois plus tard. Une écluse à soute a été commencée en juin 1942. Elle a été achevée en mars 1944. Les scènes des films Das Boot [19] et Les Aventuriers de l'arche perdue de 1981 ont été tournées à La Pallice[20].
La plus grande base d'U-Boote était la base sous-marine de Lorient en Bretagne (celle de Brest possédant le plus grand bunker). Trois bunkers, Keroman I, II et III, le bunker Scorff et deux bunkers Dom (Cathédrale), à l'est et à l'ouest, ont tous été commencés en 1941. Deux autres étaient en cours de planification.
Le Keroman I était unique en ce sens qu'il exigeait que les U-Boote soient hâlés hors de l'eau, placés sur un véhicule spéciale (buggy) à multiples roues puis transportés dans le bunker par un système de pont coulissant. Ce système aurait pu être vulnérable aux raids aériens, mais les dommages furent minimes et l'U-Boot entrait en maintenance avec l'avantage de se passer de cale sèche. Le Keroman II, étant enclavé, était desservi par le même système.
Keroman III était plus conventionnel, tout comme le bunker Scorff. Les deux bunkers Dom (appelés ainsi en raison de leur ressemblance avec l'édifice religieux, Dom signifiant « cathédrale » en allemand) étaient situés autour d'une table tournante massive qui alimentait les U-Boote dans les baies de réparation couvertes.
Karl Dönitz, chef de la flotte des U-Boote et plus tard chef de la Kriegsmarine, avait son quartier général à Kernevel, tout près de Lorient.
La construction de la base sous-marine de Saint-Nazaire a commencé en 1941, y compris une écluse protégée[12] (ailleurs dans la référence, il est indiqué que « les fouilles » pour l'écluse protégée ont commencé en octobre 1942)[21].
Les abris n'ont pas été touchés par le raid des commandos britanniques au cours de l'Opération Chariot en mars 1942, dont l'objectif principal était la destruction de la forme Joubert, seul bassin sur toute la façade Atlantique dans lequel le Tirpitz pouvait venir réparer.
La base de sous-marins de Toulon accueille la 29. Unterseebootsflottille, provenant de La Spezia (Italie), à partir du mois d' ; quelques bateaux de cette flottille se rendent soit à Marseille soit à Salamine en Grèce.
La Norvège est dans une certaine mesure gouvernée par son climat. La construction d'enclos pour sous-marins est souvent entravée par la neige et la glace ; le terrain a peut-être été choisi, mais l'occupation de la France quelques mois seulement après la reddition de la Norvège a plutôt éclipsé le pays scandinave en ce qui concerne les bunkers pour les U-boote. Néanmoins, un besoin de protection a été identifié. Avec la libération de la France en 1944, la Norvège a retrouvé son importance, mais pendant à peine un an.
Les bunkers norvégiens de Bergen et de Trondheim ont été conçus à l'origine pour avoir deux étages, le plus bas pour les U-boote, le plus haut pour les logements, les ateliers et les bureaux. Cependant, le projet ayant pris six mois de retard, les plans du deuxième étage ont été abandonnés[22].
Le contrôle du projet de Bergen relève de l'arsenal maritime allemand. La construction de Bruno a commencé en 1941, sous la direction d'une entreprise munichoise. Le manque de main-d'œuvre, l'acquisition de matières premières en quantité suffisante et le mauvais temps allaient toujours poser des problèmes. Des machines spécialisées doivent être importées, de même que des logements capables de résister à l'hiver rigoureux norvégien.
Afin d'accroître sa protection, le bunker est recouvert de blocs de granit d'environ un mètre cube chacun, placés sur son toit. La pénurie de ciment a fait que les blocs n'ont pas pu être correctement collés[23].
Dora I a été lancée en 1941, peu après l'opération Barbarossa, l'invasion de l'Union soviétique. Elle a été construite par des prisonniers de guerre soviétiques. Malgré les nombreuses précautions prises lors de la pose des fondations, Dora I a développé un affaissement notable de 15 cm. Cela ne semble pas avoir dérangé les sous-mariniers autant que les constructeurs. Les travaux sur Dora II ont commencé en 1942, mais ils n'étaient pas terminés à la fin de la guerre[24].
Les installations de protection des U-Boote sont devenues une priorité de bombardement en mars 1941[25] et de nouveau pendant l'offensive de bombardement combinée (en anglais : Combined Bomber Offensive - CBO). Les bunkers ont moins souffert que leur environnement jusqu'en août 1944, lorsqu'un nouveau type de bombe a été utilisé contre eux, la bombe Tallboy[26].
Les chantiers et les abris pour U-Boote étaient les principaux objectifs de la 8e armée de l'air américaine de la fin 1942 au début 1943[27],[28]. Au cours de la guerre, les Alliés ont utilisé diverses tactiques et armements contre les enclos pour U-Boote allemands. Par exemple, l'United States Army Air Forces (Forces aériennes de l'armée américaine), dans le cadre de l'opération Aphrodite, ont utilisé des avions radiocommandés conçus et exploités par les États-Unis, des bombes guidées Bat. Alors que le RAF Bomber Command a utilisé des bombes assistées par fusée Disney conçues par la Royal Navy, et Barnes Wallis a conçu des bombes à pénétration profonde Tallboy et Grand Slam.
Une cible en béton pour U-Boote avait été construite dans le champ de tir d'Ashley Walk dans la New Forest, dans le Hampshire, pour préparer les aviateurs à ces missions. Elle consistait en un toit de béton recouvrant trois « enclos » peu profonds. Après la guerre, elle a été enterrée dans un monticule de terre, bien que ses bords soient à nouveau visibles par endroits en raison des intempéries.
À l'extrémité nord de la baie de Porto Palermo en Albanie se trouve une ancienne base sous-marine de la marine albanaise avec un bunker de sous-marin construit dans la montagne, clairement visible depuis le château et la route côtière. Lorsque l'Union soviétique a mis fin à sa présence militaire en Albanie en 1960/61 et que l'Albanie s'est ensuite alignée sur la République populaire de Chine, la construction du tunnel sous-marin a commencé à la fin des années 1960 avec l'aide de la Chine. Cependant, la Chine s'est rapidement retirée de l'entreprise commune, de sorte que l'Albanie a achevé la construction de son côté[29]. Le tunnel fait plus de 650 mètres de long et 12 mètres de haut et offre de la place pour quatre sous-marins de classe Whiskey de 75 mètres de long. À l'intérieur se trouvaient toutes les installations d'approvisionnement nécessaires. Aujourd'hui, les casernes associées sont en grande partie vides et dans un état assez délabré. Le bunker, à l'exception de la clôture, n'existe pratiquement plus. On ne sait rien de l'état du bunker du sous-marin.
L'Armée populaire yougoslave a également utilisé des sous-marins et un bunker de sous-marins est situé sur l'île de Vis. Il est taillé dans la roche et n'est pas utilisé aujourd'hui. Il est librement accessible à pied ou depuis la mer. (Coordonnées 43° 04′ 41,26″ N, 16° 10′ 53,01″ E )
Sur la péninsule de Luštica, la marine yougoslave a construit un autre bunker de sous-marin.
Pendant la guerre froide, l'OTAN a fait construire un bunker de sous-marin sur le Ramfjord norvégien à la base militaire d'Olavsvern. Il a été fermé par le gouvernement norvégien en 2009 et vendu à l'homme d'affaires Gunnar Wilhelmsen en 2013. Plus tard, la base navale de Wilhelmsen a été louée à une société privée russe.
Dans les années 1960, la marine soviétique a vraisemblablement fait construire une quinzaine de tunnels pour les sous-marins afin de les protéger des premières frappes américaines.
Près de Sébastopol, la base principale de la flotte de la mer Noire, l'Union soviétique a construit le bunker de sous-marin Balaklava comme base secrète et à l'épreuve des bombes nucléaires après la Seconde Guerre mondiale. Il contient un canal sous-marin d'environ 600 mètres de long dans un tunnel avec accès à la mer ainsi qu'une cale sèche avec des ateliers et un stockage d'armes nucléaires.
La marine soviétique a construit un bunker sous-marin près de Fokino (kraï du Primorie) pour la flotte de sous-marins du Pacifique dans la baie de Pavlovsky [30].
Base sous-marine Yagelnya Guba (Gadjievo), Mourmansk, péninsule de Kola pour la flotte du Nord
Pendant la guerre froide, le port naval de Muskö était une base navale secrète et souterraine sur l'île du même nom, sur la côte est de la Suède.
Sur l'île de Hainan, la République populaire de Chine maintient la base navale de Sanya près de la ville de Yulia. Les installations souterraines sont également utilisées pour abriter des sous-marins.
Un autre bunker de sous-marin a été construit près de Jianggezhuang dans la province de Qingdao.