Fondé en 1852[1] sous Louis-Napoléon Bonaparte, ce bagne était situé sur l'anse du Chaton, non loin de la pointe de Buzaré, à Cayenne, en Guyane. Les installations du pénitencier étaient constituées de trois baraquements désignés sous le nom de « Europe », « Afrique » et « Asie ». Il comprenait 4 dortoirs, 19 prisons et 77 cellules, ainsi qu'une infirmerie, des cuisines et des logements pour le personnel pénitentiaire.
Après son coup d'État, Napoléon III y envoie 3 000 prisonniers politiques[2], ce sont les « déportés »[3]. Si la peine des bagnards est supérieure à 8 ans de bagne, un lopin de terre leur est attribué pour les obliger à rester en Guyane, ils sont alors appelé les « relégués »[3]. Si elle est inférieure ce sont les « transportés »[3].
Le bagne est fait de plusieurs camps pénitenciers différents selon la catégorie des prisonniers (déportés, relégués, transportés) et selon leur métier[3]. Le plus important de ces camps est celui de Saint Laurent du Maroni[3]. Les relégués sont amenés au camp de Saint Jean du Maroni[3]. Les plus dangereux détenus sont envoyés à l'île Royale[3].
Du fait du climat et des maladies tropicales, la mortalité des Européens y est très forte : plus de 40 % meurent dans leur première année. Pour cette raison, on n'envoie plus de condamnés européens en Guyane (mais en Nouvelle-Calédonie) de 1867 à 1887. La loi du le réinstaure pour :
Deux condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion ;
Une des condamnations énoncées ci-dessus et deux condamnations soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, outrage public à la pudeur, excitation habituelle de mineurs à la débauche ; vagabondage ou mendicité ;
Quatre condamnations, soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes ; soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour les délits spécifiés au paragraphe 2 ;
Sept condamnations dont deux au moins prévues par les deux paragraphes précédents, et les autres, soit pour vagabondage, soit pour infraction à interdiction de résidence, à la condition que deux de ces autres condamnations soient à plus de trois mois d’emprisonnement [4].
La publication par Albert Londres d'un reportage (découpé en plusieurs articles) sur le bagne de Cayenne à partir du mercredi 8 août 1923 dans Le Petit Parisien mettra l'institution du bagne en sursis[4],[5]. En 1936, le Front populaire décide d'interrompre le transfert des forçats vers la Guyane[4]. À la chute du Front populaire, Gaston Monnerville envoie un dernier convoi au bagne en 1938[4]. « Si le bagne fut officiellement supprimé en 1938, ce n'est qu'en 1953 que les derniers forçats rentrèrent en métropole[6]. »
En tout, 15 000 hommes et femmes ont été « relégués » et 52 000 « transportés » au bagne[4].
Le bagne a pour surnom la « guillotine sèche »[7] : les violences et châtiments, la malaria, et la « dépravation » y sont légion. Sur 17 000 hommes envoyés à Cayenne entre 1854 et 1867, il n'y a que 7 000 survivants[8]. Les bagnards sont employés soit dans les travaux publics (assainissement des marais ou entretien des installations portuaires, construction de routes) soit au service des particuliers.
Les conditions sanitaires déplorables font qu'un taux de mortalité important y est enregistré. Ainsi, l'espérance de vie moyenne ne dépasse pas les 3 à 5 ans. Les infections sexuellement transmissibles y sont très répandues, car des relations sexuelles se pratiquent entre certains bagnards[9], bien qu'elles soient réprimées par le règlement intérieur du bagne. De plus, des bagarres y sont fréquentes et leur issue parfois fatale pour les protagonistes.
Après avoir purgé leur peine, les transportés sont assignés à résidence (doublage)[10] en Guyane pour un temps équivalent à la peine qu'ils ont purgée si celle-ci est inférieure à 8 ans. Pour toute peine supérieure ou égale à 8 ans, le condamné se voit interdire à vie tout espoir de retour en métropole et est assigné à la résidence perpétuelle en Guyane. En échange, des concessions et lopins de terre peuvent leur être attribués avec un double objectif : se débarrasser des populations « indésirables » en métropole et assurer le peuplement de la Guyane.
↑ abcdef et gHélène Taillemite, « La vie au bagne », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines, (ISSN2108-6907, lire en ligne, consulté le ).
↑ abcd et eJean-Lucien Sanchez, « La relégation (loi du 27 mai 1885) », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines, (ISSN2108-6907, lire en ligne, consulté le )
Albert Londres, Au bagne, Éditions Le serpent à plumes, 1923.
Roger Flotat, Au plus chaud de l'enfer du Bagne, Éditions du Scorpion, 1957. Ex surveillant Chef des pénitenciers de Guyane. Le seul récit écrit par un surveillant, il s'était spécialisé dans la recherche des évadés en forêt, et avait réprimé, avec son épouse, la révolte de Lanio, à Saint Joseph en 1934.
René Belbenoît, (Prisonnier No. 46635) Dry Guillotine, 1938. 2:ême version, Bantam, 1949: I escaped from Devil's Island. Remarquable récit des cruautés commises par un pays européen au XXe siècle, sanction sur des jeunes gens coupables de divers méfaits. Brutalisés et violés par les prisonniers "forts" et homosexuels. Un jugement, déjà sévère de 8 ans de déportation doublé par 8 ans d'exil en Guyane, était effectivement un arrêt de mort. Ce récit a inspiré Henri Charrière pour son livre Papillon.
Jean-Claude Michelot, La guillotine sèche : Histoire du bagne de Cayenne, Éditions Fayard, 1981, 361p. (ISBN2213011052) (ISBN978-2213011059)
Jean Lefevre, Le Bagne à la casse, Éditions France Empire, 1981
Alain Dalotel, De la Chine à la Guyane. Mémoires du Bagnard Victor Petit 1879-1919, La Boutique de l'Histoire Éditions, Paris, 1996, 324p.
Pierre-Philippe Robert, Des galères au bagne, Les Chemins De La Mémoire, 2003, 108 p. (iconographie)
Michel Valette, De Verdun à Cayenne, Éditions des Indes Savantes, 2007. Le livre est l'histoire vraie de Robert Porchet, militant pacifiste qui, après avoir déserté au cours de la Première Guerre mondiale, fut condamné et envoyé au bagne de Cayenne.
Bernadette Pécassou-Camebrac, La Dernière Bagnarde, Flammarion, 2011. Roman historique
Odile Krakovitch, « Les archives des bagnes de Cayenne et de Nouvelle-Calédonie : la sous-série colonies H aux archives nationales. », Revue d'histoire du XIXe siècle 1 | 1985, mis en ligne le 26 août 2006 [lire en ligne].
[PDF] Le Bagne grand reportage de Pierre Martineau dans Détective, n°553, 1er juin 1939. Sur le site Criminicorpus.org.