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Christian Godard (né le à Paris) est un auteur de bande dessinée français. Ayant travaillé dans la quasi-totalité des hebdomadaires et mensuels francophones pour la jeunesse des années 1950 aux années 1980, il a créé de nombreuses histoires dans presque tous les genres. Il est le créateur de Norbert et Kari, Martin Milan et scénarise entre autres Le Vagabond des Limbes (avec Julio Ribera), La Jungle en folie (avec Mic Delinx), Toupet (avec Albert Blesteau). Il a une cinquantaine de séries à son actif. Son activité est toujours présente dans son blog.
Reconnu pour la qualité de son dessin comme pour la sensibilité et les qualités d'imagination dont témoignent ses scénarios, « il s'impose parmi les principaux représentants de la bande dessinée classique franco-belge[1] ».
Né en 1932 à Paris d'un père métreur-conducteur de travaux et d'une mère ouvrière d'imprimerie qui tiendra ensuite une boutique de confiserie puis de fleuriste, Christian Godard grandit dans un quartier populaire de la capitale, près de la Porte de Saint-Ouen. Il se plonge dans les périodiques de l'époque, tels Robinson et L'Intrépide et réalise ses premières bandes dessinées. Sa famille connaissant des difficultés financières, il décide, alors qu'il est très bon élève, d'arrêter ses études à l'âge de 17 ans et souhaite se lancer dans le dessin mais il ne peut s'inscrire aux Beaux-Arts de Paris puisqu'il n'a pas passé son baccalauréat. Il enchaîne alors des petits boulots dans le secteur du bâtiment tout en pratiquant beaucoup de sport. En 1954, il est appelé à effectuer son Service militaire à Rabat, au Maroc, alors protectorat français, où il dispense des cours d'éducation physique aux appelés, ce qui lui laisse du temps libre pour s'adonner au dessin. Christian Godard réalise ainsi plus de 300 dessins humoristiques, signés du pseudonyme Ème, et une seule planche de bande dessinée, qu'il propose aux rédactions des grands journaux humoristiques après sa démobilisation en 1954. Contre toute attente, c'est son unique planche de bande dessinée qui intéresse l'éditeur Rouff, qui lui demande de réaliser un premier récit complet destiné à être publié dans un fascicule en petit format[2].
C'est ainsi que Christian Godard débute dans la bande dessinée en 1954 avec la publication des fascicules des Aventures de Pip et Joc, signés du pseudonyme Ème, puis l'année suivante, des aventures de Bicoto marmiton, toujours pour les éditions Rouff, dont il dira « Tout ça était fait à toute vitesse, sans prétention aucune, mais ça m'a permis de gagner ma vie »[2]. La carrière de Christian Godard est en bonne voie puisqu'entre 1954 et fin 1956, il va publier, outre ces deux séries, nombre de récits dans divers périodiques et petits formats : Poupette dans Fillette, Les Aventures de Fut-Fut et Teuf-Teuf dans Franc Jeux, Les Aventures de Flicoto dans Hoppy, des strips dans Jocko et Poustiquet, Pépin Miro dans Coq hardi, Benjamin et Benjamine dans Benjamin, Choupy et Choupinette dans Lisette, Titi Volcan, détective privé dans Pierrot Champion et L'Agence Flick contre Fantomuch dans Biribu[3]. Cette dernière série est interrompue par la mobilisation de Christian Godard en Algérie pendant 7 mois[2].
À son retour d'Algérie en 1957, les dizaines de pages qu'il accumule à cette époque l'ayant fait remarquer par la rédaction de Vaillant, il débute en 1957 dans cette revue avec Gil Bagout (jusqu'en 1962), avant de créer en 1959 sa première série connaissant un certain succès : Pipsi, publiée jusqu'en 1962. Parallèlement, il reprend, à la suite de Will, le dessin des strips hebdomadaires de Lili mannequin dans Paris Flirt, écrits par René Goscinny, lequel lui laisse l'occasion d'écrire lui-même le scénario d'un grand nombre de ces strips, et crée pour IMA, l'ami des jeunes la série Tim et Anthime qui sera reprise brièvement en 1966 dans Tintin. Dès cette époque, sa production est déjà très diversifiée, de l'humour au réalisme, pour les enfants ou les adultes, sans être de grande qualité[4].
Il cesse cependant de collaborer à l'hebdomadaire en 1963 pour se consacrer à ses séries de Pilote. En effet, son ami René Goscinny lui propose de participer à l'aventure Pilote dès le premier numéro du magazine en lui écrivant Jacquot le mousse, puis en 1962 Les Aventures de Tromblon et Bottaclou. Cette collaboration permet à Godard de mieux charpenter ses récits, découper les actions et construire ses gags[4]. Jean-Michel Charlier lui demandant de réaliser lui-même quelques histoires, Christian Godard crée Les Missions de l'Agent secret É.1000 en 1962, œuvre au comique grinçant où les qualités d'humoriste pur de Godard apparaissent au grand jour, bien que son dessin reste « du Greg assaisonné d'emprunts à Uderzo »[5]. Auteur très présent dans Pilote et Vaillant, Christian Godard n'est cependant pas encore très connu.
Le succès vient avec Norbert et Kari, série humoristique d'apparence classique mais dotée d'une originalité thématique (le duo de héros est composé d'un enfant polynésien et d'un métropolitain paresseux) et d'une atmosphère onirique qui la font se distinguer des autres publications de Pilote[6]. De 1963 à 1969, Godard réalise une vingtaine d'histoires de cette série dans l'hebdomadaire puis de 1968 à 1970 dans son supplément Super Pocket Pilote, l'arrêt de la série dans l'hebdomadaire originel ayant été décidé.
Accaparé pendant deux ans par sa nouvelle série, Christian Godard veut cependant éviter de s'y laisser enfermer et, après avoir tenté sans succès de s'imposer dans Spirou en 1965 avec deux histoires de Toupet, il entre l'année suivante à Tintin grâce à Greg, qu'il a connu à la rédaction de Pilote et qui vient d'être nommé rédacteur en chef de Tintin, lequel lui propose d'y reprendre quelques épisodes de Tim et Anthime[2], une de ses séries des années 1950, et lui fait les honneurs de la couverture du numéro dans lequel débute la publication de La Secte de l'hippocampe (no 5 du pour l'édition belge et no 908 de l'hebdomadaire du pour l'édition française[7]).
Greg lui laissant « carte blanche », Christian Godard crée, l'année suivante pour l'hebdomadaire jeunesse, Martin Milan[2], sa deuxième série à succès, qu'il développe dans un premier temps jusqu'en 1973.
En 1969, sur l'instigation de Greg, il aide Mittéï à trouver des idées pour Indésirable Désiré puis reprend avec le même auteur Modeste et Pompon[2], une création d'André Franquin, ce qui lui permet de se roder comme scénariste.
En 1973, il met un premier arrêt à sa collaboration avec Tintin.
C'est qu'entre temps il est également devenu un pilier de Pif Gadget, non pas tant pour son éphémère reprise de la série titre (1970-1971) que pour La Jungle en folie, série de récits courts et gags illustrés par Mic Delinx et publiés dans l'hebdomadaire communiste de 1969 à 1983. À la même époque, Godard montre son attrait grandissant pour l'écriture en publiant aux Presses de la Cité son premier roman, Pavane pour un catcheur défunt.
Par leur liberté de forme et de ton, les histoires qu'il a publiées dans ces hebdomadaires font partie de celles qui « ont fait basculer la bande dessinée d'une mythologie enfantine vers des tentatives démystificatrices, encore timides[8] ».
1975: Le vagabond des limbes. Godard publie directement en album chez Hachette[Note 1] le premier album d'Axle Munshine, dessiné par Julio Ribera, sa première série réaliste pour adultes à succès, qui mêle science-fiction, aventure, humour. Il se consacre alors de plus en plus à l'écriture de scénario, travaillant avec Pierre Le Guen puis Florenci Clavé en 1977-1978 dans Circus, et produisant à rythme soutenu les aventures du Vagabond (31 albums et 3 albums parallèles sont publiés de 1975 à 2003).
En 1977, il renoue avec Martin Milan pour Le journal de Tintin, deux séries sont réalisées, la dernière histoire date de 1997.
En 1981, il réalise une aventure de Norbert et Kari pour Gomme ! avant un dernier album en 1989. Pour son assistant Henri Dufranne (qui avait dessiné certains Martin Milan), Godard invente pour Tintin en 1978 Pamphile et Philéas. Cependant, ces hebdomadaires jeunesse connaissent de moins en moins de succès, et cessent les uns après les autres de publier régulièrement les séries de Godard ; celui-ci se spécialise alors dans le scénario de bande dessinée pour public adulte et adolescent.
Les chroniques du temps de la vallée des Ghlomes sont créés dans Circus en 1985 avec Ribera.
Deux albums Les dossiers de l'archange avec Clavé paraissent en 1987-1989.
1988, Godard crée avec Julio Ribera la maison d’édition du Vaisseau d'argent, lui permettant de mettre en valeur de nouveaux, d’anciens albums et d'autres auteurs. Seize séries seront diffusées, le catalogue est issu en partie de chez Dargaud. Le Vagabond des Limbes est imprimé en version luxe (album no 1 à 13) et classique du no 16 à 21.
À la suite de difficultés financières le Vaisseau d'argent disparaît en 1991.
Une partie des séries sont reprises par les éditions Dargaud. Le stock des albums édités par Vaisseau d'argent (Le Vagabond des Limbes, Martin Milan et Norbert et Kari) est de nouveau commercialisé, mais un autocollant « Dargaud » recouvre le nom de l'éditeur.
En 1987, Christian Godard entre à Spirou, où il n'avait pas réussi à percer vingt ans plus tôt ; Toupet, cette fois dessiné par Albert Blesteau, y est publié jusqu'en 2004 et fait l'objet de dix-sept albums. Il y scénarise également pour Clarke[Note 2] Les Baby-sitters" ( de 1994 à 1999). À l'arrêt de Toupet, il reprend seul La Jungle en folie dans le nouveau Pif Gadget, mais doit s'arrêter avec la fin du magazine en 2008.
En 1998, il scénarise la reprise d’Achille Talon, série créée par Greg : Achille Talon à la main verte, avec aux dessins Roger Widenlocher.
Parallèlement à cette activité jeunesse, Godard devient le scénariste de très nombreux albums et séries : avec Ribera (Le Grand Scandale, Le Bras du démon, etc.), Erik Juszezak (Oki, souvenirs d'une jeune fille au pair, 1998-2003), Claude Plumail (Le Cybertueur, 1999-2004 ; Dédales, depuis 2007), Achdé (Doc Véto, 1999-2001).
En 2002-2004, il publie les quatre volumes d’Une folie très ordinaire, série dans laquelle à chaque personnage correspond un dessinateur différent, afin de mieux mettre en valeur la multiplicité des points de vue.
À partir de 2000, Godard réalise de nombreux travaux alimentaires, comme Les Postiers chez Bamboo (2006-2008), Jungle (scénario de Comment s'envoyer en l'air sans s'ennuyer ?, 2008), les guides chez Vents d'Ouest (en tant que dessinateur de 2003 à 2005, puis scénariste depuis 2009).
En 2015, les éditions Fordis, qui rééditent les œuvres de Jean-Michel Charlier, publient le premier épisode de la série Michel Brazier, dessiné par André Chéret et indiquent vouloir poursuivre la série en en confiant le scénario à Christian Godard[9]. André Chéret, frappé par la maladie, met un terme à sa carrière avant d'avoir pu dessiner ce nouvel épisode. C'est finalement Mankho qui dessine le scénario de Godard pour ce second tome de Michel Brazier, intitulé Rendez-vous avec la mort, qui paraît en . Un nouvel album est annoncé pour 2020[10]. Ce troisième tome paraît en fait en novembre 2019, dans lequel Christian Godard n'est pas crédité comme scénariste. Pour une raison inconnue, Godard a abandonné la série et seul Jean-Michel Charlier est mentionné comme scénariste[11].
Contrairement à la plupart des auteurs jeunesse des années 1950-1970, Christian Godard a toujours refusé la logique du genre : Le Vagabond des Limbes comporte de nombreux passages humoristiques, tandis que parfois, dans Martin Milan, « l'émotion nous piège au tournant »[12]. Ces « désamorçages » sont cependant limités au ton des histoires et n'interviennent pas au niveau de la narration elle-même, ce qui leur permet de rester efficaces[13].
Dès la fin des années 1950, Godard a développé un humour propre : contrairement à René Goscinny, dont les scénarios ne s'apprécient bien que mis en rapport avec des champs culturels préexistants, Godard laisse au récit son autonomie, et le fait fonctionner grâce aux jeux langagiers et aux situations humoristiques : « En maints endroits, c'est le signifiant qui produit du signifié, et non le contraire[5]. » Cette inventivité en fait un de ceux qui, dans les années 1960, ont tenté de « réengager les codes mêmes de la bande dessinée » mais, n'ayant ni systématisé sa loufoquerie, ni trouvé un générique commun à ses histoires courtes, il n'a pu atteindre le succès d'un Gotlib avec sa Rubrique-à-brac[8].
Christian Godard indique que sa vie a toujours été placée sous le signe du nombre 13 : son père s'appelait Gustave Godard (13 lettres) et sa mère Ginette Godard (13 lettres). Lorsqu'il a cherché un pseudonyme à ses débuts, il a choisi Ème, phonétique de M, treizième lettre de l'alphabet, en espérant que cela lui porterait chance. Plus tard, il s'est aperçu que Norbert et Kari comporte treize lettres, ce qui n'était pas volontaire. C'est en revanche volontairement qu'il nomme son personnage Martin Milan, un double M, donc[14],[2].
Pour cette bibliographie ont été utilisés Cance (1984), le site BDoubliées et le BDM Trésors de la bande dessinée.