Le Codex Bezae Cantabrigensis, ou Codex de Bèze, aussi connu sous le sigle D 05, est, avec les quatre grands onciaux – les codex Alexandrinus (A 02, Ve siècle), Vaticanus (B 03, IVe siècle), Ephraemi rescriptus (C 04, Ve siècle) et Sinaïticus (א 01, IVe siècle) –, un témoin scripturaire essentiel du Nouveau Testament grec. C'est un manuscrit bilingue, grec et latin, écrit en onciales sur vélin, contenant les évangiles dans un ordre propre et qu'il partage avec le Codex Washingtonianus ou Codex de Freer : après Matthieu, vient Jean, puis Luc (le seul qui soit complet) et Marc ; après une lacune de 67 ff., le manuscrit reprend avec la Troisième épître de Jean et en fin, les Actes des Apôtres jusqu'au chapitre 22. Il comporte 406 folio (l'original en avait peut-être 534). Chacune des marques des neuf correcteurs qui travaillèrent sur ce manuscrit entre le VIe et le XIIe siècle, a été repérée et cataloguée par F. H. A. Scrivener qui en édita le texte (en cursives) en 1864.

Datation et histoire

Jean 3,26-4,1 (Grec)

Ses onciales, une majuscule qui eut cours du IIIe au VIIe siècle, ont pu être datées des années 380 à 420 au plus tard. Il aurait été rédigé soit à Lyon, pendant longtemps son lieu de conservation, soit à Arvernis, l'actuelle Clermont-Ferrand, en Auvergne[1].

Sa présence est attestée à Lyon (Rhône) de manière documentée du IXe au XVIe siècle[réf. nécessaire]. Il fut restauré dans l'atelier de Florus à Lyon au IXe siècle comme le révèle l'usage d'une encre particulière, employée pour les pages restaurées. Il a été gardé précieusement pendant des siècles dans le monastère Saint-Irénée de Lyon. En 1562, il aurait disparu lors du sac de la ville si Théodore de Bèze, qui allait devenir le successeur de Calvin à Genève, n'avait assuré sa sauvegarde. Il le fit retirer du couvent Saint-Irénée avant que celui-ci ne soit détruit par les flammes et l'adressa à la bibliothèque de l'université de Cambridge en 1581, où il est conservé depuis lors sous l'intitulé Codex Bezae Cantabrigiensis.

F. H. A. Scrivener lui assignait le Sud de la Gaule pour région d'origine en considération de la langue latine de la traduction. D'autres provenances ont été envisagées : l'Italie du Nord, la Sicile, Beyrouth ou Constantinople, mais des comparaisons proposées aucun argument décisif n'a émergé. Les leçons qui lui sont propres ont souvent fait l'objet de notes dans l'apparat critique du texte standard Nestle-Aland réédité tout au long du XXe siècle.

Ce manuscrit est la copie fidèle d'un texte plus ancien que citait déjà Justin de Naplouse (qui fut martyrisé vers 165 à Rome), et Irénée de Lyon dans son traité Contre les hérésies. C'est vraisemblablement le texte le plus ancien des évangiles qui nous soit parvenu. Irénée vint évangéliser en Gaule. Il était arrivé à Lyon dans les années 170, venant de Smyrne, où il avait été disciple de Polycarpe de Smyrne qui avait connu dans sa jeunesse Jean l'Ancien. Aussi Scrivener pensait qu'Irénée avait amené en Gaule « l'ancêtre » du Codex de Bèze, qui fut recopié sur parchemin au début du Ve siècle, pour assurer sa pérennité.

Le texte grec

Texte grec du Codex Bezae

Manuscrit contient lecture en Luc 6.5 :

« Le même jour, voyant un homme qui travaillait pendant le sabbat, il lui dit: Homme, si tu sais ce que tu fais, tu es béni; sinon, tu es maudit, tu transgresses la loi. »

Le livre des Actes est appuyé notamment par le Papyrus 38 (vers 300). Sinon, les leçons propres du codex Bezae sont partagées par les vieilles versions latines (antérieures à la Vulgate), par les versions syriaques et arméniennes et plus encore par un manuscrit copte qui conserve le texte d'Actes 1-15.

Quelques variantes

On ne peut présenter un catalogue complet des variantes du Codex de Bèze par rapport aux autres manuscrits, tant elles sont nombreuses, mais en voici quelques-unes.

Évangile selon Matthieu

Évangile selon Jean

Évangile selon Luc

Évangile selon Marc

Actes des apôtres

Le texte latin

Texte latin du Codex Bezae

Le texte latin, sur la page de droite, est la traduction ligne à ligne de son correspondant grec, sur la page de gauche. Néanmoins, en de très nombreux endroits, il ne suit pas le texte grec, le traducteur lui ayant gardé un modèle vieux-latin qui devait lui être familier.

Importance du texte

L'importance du Codex Bezae est significative ; en , un colloque s’est tenu à Lunel (Hérault) qui s’y est entièrement consacré. On y a longuement discuté des questions qu'il pose pour comprendre les textes du Nouveau Testament et l’usage qu'on en faisait dans le christianisme primitif.

Qu'il n'ait jamais fait l'objet d'une traduction d'ensemble, manifeste la marginalité dans laquelle le tient encore la critique textuelle. Seules existent des traductions partielles : les Actes des Apôtres en français (2007) et en anglais (1923), l'évangile de Matthieu en français (1996), l'évangile de Luc en français (1998), de Marc, en français et en anglais (2004) ; un travail de fond sur les Actes en anglais et castillan.

Dans le verset "Logion Agraphon" ("Parole d'enseignement non écrite") (Luc 5, 5), il est le seul manuscrit à évoquer la teneur ésotérique de l'enseignement de Jésus-Christ sur la Loi.

Nouvelles recherches

Le codex Bezae est remarquablement absent de la majorité des sites internet offrant un apparat critique du texte grec du Nouveau Testament. L'édition courante du Nouveau Testament, par Nestlé et Aland (28e édition en préparation) le cite incomplètement, et parfois avec quelques erreurs.

Toutefois, depuis quelques années, le texte de ce codex connaît un regain d'intérêt, grâce à quelques chercheurs qui en étudient et en publient le texte, parmi lesquels :

Voici un schéma historique hypothétique qui pourrait expliquer l'existence et la faible autorité de ce texte particulier, mais qui demande encore d'être discuté et amélioré :

Da Vinci Code et le Codex Bezae

Le Codex Bezae se retrouve au cœur de l'intrigue du trésor de Rennes-le-Château et de la supercherie du Prieuré de Sion élaborée par Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, elle-même à la base du roman Da Vinci Code de Dan Brown, par l'interprétation ésotérique de quatre de ses versets latins (Luc 6:1-4) fondée sur une copie (dite le "petit parchemin") de l'un de ses folios reproduite dans l'ouvrage de P. Plantard et Gérard de Sède paru en 1967[2]. La planche reproduisant le folio du manuscrit original (f° 186) correspondant à ces versets avait été publiée en 1895 dans le dictionnaire de Fulcran Vigouroux (t. 1); c'est sur cette reproduction que s'est basé le faussaire, Philippe de Chérisey, pour confectionner son propre "petit parchemin" (prétendument de l'abbé Saunière) afin de glisser dans sa copie un code secret entre les mots. Connaissant le latin mais non la paléographie latine, il a néanmoins interprété à tort certains jambages de lettres et lu, par exemple, ILLIRIS au lieu de ILLIUS, etc.

Notes et références

  1. Frédéric Macler, « Le texte arménien de l'Évangile d'après Matthieu et Marc », Revue de l'histoire des religions, Armand Colin, vol. 81,‎ , p. 26-36
  2. P. Plantard et G. de Sède, L'Or de Rennes, Paris, 1967.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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