Sur les autres projets Wikimedia :

La composition picturale est l'organisation des formes à l'intérieur des limites d'une image[1], dans les arts graphiques, de la peinture au dessin, la gravure, la photographie, le cinéma, l'image numérique.

La composition s'envisage comme pratique et comme réflexion au moment de la réalisation de l'image, ou comme rubrique de l'analyse d'une image existante.

On appelle « canevas[1] » ou « schème de composition[2] » l'ensemble des lignes et figures géométriques, visuelles ou effectivement tracées, dans lesquelles s'inscrivent les éléments de l'image.

Théories de la composition picturale

Définitions

La composition picturale acquiert une importance particulière dans l'art européen à partir de la Renaissance, quand la peinture adopte le concept du point de vue. Dans d'autres contextes, on peut considérer que le regard parcourt l'image, sans se préoccuper de la considérer en entier, et la notion de composition n'a pas lieu. C'est le cas par exemple dans certains panneaux peints narratifs en Europe, et dans la peinture sur rouleaux en Extrême-Orient. La notion de composition picturale ne s'applique que très difficilement aux ouvrages que le regard ne peut embrasser d'un coup, comme la peinture de la chapelle Sixtine par Michel-Ange ou Les Nymphéas de Monet dans leur disposition de l'Orangerie[3].

Dès ses débuts, la théorie artistique tente de définir la composition picturale et d'en discerner les règles. Pour Alberti, les trois parties constituantes de la peinture sont la circonscription, qui est la détermination des contours, la distribution des lumières, et la composition (picturale), qui les organise.

« La composition est une opération de la peinture par laquelle, dans une œuvre, on réunit les différentes parties. »

— Alberti, De pictura, 1435[4].

Pour Alberti « l'œuvre la plus colossale ne consiste pas à représenter un colosse, mais un sujet » (p. 147). Cette condition énoncée en passant, l'auteur applique à l'image l'idée générale que l'art recherche la beauté, et que celle-ci réside dans les justes proportions.

Les époques suivantes ont établi, en concurrence avec cette approche, d'autres règles ou procédés pour d'autres objectifs. Si, en effet, la peinture vise à l'« effet », c'est-à-dire à éveiller une émotion, la théorie de la composition peut s'inverser entièrement. Ainsi, dans le Radeau de la Méduse, Géricault présente-t-il, dans la plus grande partie du tableau, un disparate de laideurs évoquant l'horreur de la situation, dans un triangle vertical écrasant auquel répond le triangle oblique de la convergence des regards vers la toute petite voile à l'horizon, exprimant l'espoir pour les survivants.

Avant cette époque, Roger de Piles avait redéfini le concept de façon plus large : « la composition [picturale] comprend l'invention, et la disposition ; autre chose est d'inventer les objets, autre chose de les bien placer[5] ». Cette conception se maintiendra dans l'enseignement académique jusqu'au XIXe siècle[6].

Développement et évolution

Baldassarre Orsini (it) publie en 1784 le premier traité consacré à la composition en peinture. Il formule des préceptes à l'attention des peintres[7].

Au XIXe siècle, la théorie de la peinture se détache du sujet pour s'intéresser plus à la représentation. Dans sa Théorie du beau pittoresque, Laurens écrit « l'impression produite par l'aspect de cette œuvre d'art a une cause double ; savoir : la disposition pittoresque de la composition, et la nature des objets et de la scène représentés[8] ». À la fin du XXe siècle, la composition « constitue en soi un moyen d'expression[9] ».

Avec le cubisme puis avec l'abstraction la peinture s'identifie à la composition[10], comme dans les organisations rythmiques d'aplats de Mondrian. André Lhote définit la composition comme « arrangement d'objets ou de personnages en vue de décrire une action[11] », une « organisation de semblables et de contraires » et insiste sur son rôle primordial dès la phase du croquis[12]. Des artistes comme Kandinsky, qui affirme dans sa théorie artistique que la « peinture de composition » est « la troisième étape du développement pictural[13] », intitulent leurs tableaux abstraits Composition suivi d'un numéro[14].

La « construction » d'une œuvre d'art, c'est-à-dire l'agencement de ses parties entre elles[15], ne se différencie qu'à peine de la composition, dans le cas d'une œuvre picturale. Si intituler un tableau « Composition », dans l'art moderne, peut indiquer une notion musicaliste[16], l'usage du terme « construction » et le constructivisme évoquent l'architecture.

Application aux autres domaines que la peinture

Les arts graphiques, la photographie, la bande dessinée, les images numériques[17] ont ainsi un vaste champ de théories et de procédés pour organiser leurs productions.

En photographie

Article détaillé : Composition photographique.

En photographie d'extérieur, la composition est essentiellement un choix de point de vue, d'angle et de cadrage : « C'est en se déplaçant que le photographe compose », écrit un des premiers théoriciens de l'esthétique photographique[18].

En photographie de studio (et au cinéma), la composition peut orienter et organiser toute la disposition du décor.

L'analyse de la composition picturale

Une partie considérable, peut-être principale, des écrits sur la composition picturale sont des analyses descriptives d'œuvres. Le critique examine l'image en recherchant, quelles que puissent avoir été les méthodes et les intentions de l'artiste, comment s'organisent, du point de vue du spectateur, les éléments de la composition picturale. Ces analyses s'appliquent indifféremment à tout type d'image. « C'est par son ordonnance que l'image devient composition picturale », écrit Jean Mitry à propos de l'image du cinéma[a],[19].

Le schéma de composition picturale, exprimant une analyse graphique d'une œuvre, qu'on rencontre de temps en temps au XIXe siècle dans les études critiques, devient fréquent au XXe siècle, au point de susciter des parodies, produites par des artistes que la réduction de leur travail à quelques lignes directrices et préceptes abstraits irrite[20]. Mais les conclusions de ces études se retrouvent fréquemment, mêlées aux préceptes académiques, dans les manuels d'enseignement des arts graphiques et de la photographie.

Récapitulant les réflexions sur la composition picturale, Heinrich Wölfflin distingue en 1915[21] cinq oppositions dans les principes de composition picturale :

Éléments de la composition picturale

Ensemble du tableau ; lignes obliques vertes et jaunes ; polyèdre gris ; parallélogrammes rouges.
Composition du tableau Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant Jésus jouant avec un agneau soulignant la forme dans laquelle les personnages s'inscrivent (en gris), les lignes directrices (en jaune et vert) et les plans d'orientation des bustes des personnages (parallélogrammes rouges).

Parmi les éléments visuels d'une composition picturale, on distingue[23] :

Méthode de composition picturale

L'artiste détermine ce que sera le centre d'intérêt de son ouvrage, et il dispose les éléments, généralement pour capter l'attention du spectateur, lui fournir une première sensation globale, puis guider son regard vers ce centre d'intérêt, « telle est la seule loi rigoureusement obligatoire de la composition pittoresque[27] ». La composition utilise aussi bien des formes purement graphiques que des accessoires choisis pour leurs associations symboliques pour proposer au spectateur un cheminement entre divers éléments constitutifs de l'œuvre.

Plusieurs éléments sont à prendre en considération pour composer l'image :

L'expérience et l'habitude permettent à de nombreux ouvrages de formaliser des conseils, qui reflètent à divers degrés les lois de la perception visuelle, les attentes d'un spectateur contemporain face à une image, et les programmes de l'enseignement académique.

Voir aussi

Bibliographie

monographies
articles et chapitres

Articles connexes

Notes et références

  1. poursuivant « et la suite d'images, composition rythmique ».
  2. Ces classifications issues d'une réflexion sur la différence entre la conception de la Renaissance et celle du Baroque italiens[22] sont formulées en termes suffisamment généraux pour s'appliquer à l'ensemble de l'art figuratif européen. Bergeon-Langle 2009, p. 40 oppose de la même manière « pictural » et « graphique » « qui évoque le dessin, le trait ».

  1. a et b Bergeon-Langle 2009
  2. Souriau 2010, p. 469.
  3. Sur les Nymphéas, Lhote 1986, p. 98 (Traité du paysage, « La composition »).
  4. Leone Battista Alberti (trad. Claudius Popelin), De pictura, (1re éd. 1435) (lire en ligne), p. 142.
  5. Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, Jombert, (1re éd. 1708) (lire en ligne), p. 73. Dans la « Première édition », sur gallica.fr, p. 94
  6. Chappey 1994
  7. Rosenberg 2008, p. 420.
  8. Laurens 1849, p. 127.
  9. Robert Maillard (dir.), Dictionnaire universel de la peinture, t. 2, Paris, SNL Le Robert, , p. 63 « Composition ».
  10. Maillard 1975, p. 65.
  11. « L'intelligence picturale », Traité de la figure, 1950 (Lhote 1986, p. 104).
  12. « Le croquis », Traité de la figure, 1950 (Lhote 1986, p. 115).
  13. Vassily Kandinsky, « Sur la peinture », Communication et langages, no 8,‎ , p. 77 (73-82) (lire en ligne). Traduit d'un texte publié en 1913 dans Der Sturm.
  14. « Kandinsky », sur mediation.centrepompidou.fr (consulté le ) ; Souriau 2010, p. 470.
  15. Souriau 2010, p. 487 « Construction/construire »
  16. Souriau 2010, p. 470.
  17. Claude Tuduri, « Pour un art des images numériques », Études, t. 403,‎ , p. 363-373 (lire en ligne).
  18. Frédéric Dillaye, L'art en photographie avec le procédé au gélatino-bromure d'argent : la théorie, la pratique et l'art en photographie, Paris, J. Tallandier, (lire en ligne), p. 71.
  19. Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma. Les structures, PUF, .
  20. Rosenberg 2008, p. 422-423.
  21. Wölfflin 2008, p. 48 ; Wölfflin 1992.
  22. Robert : Baroque.
  23. Michèle-Caroline Heck, LexArt les mots de la peinture, Presses universitaires de la Méditerranée, , 499 p..
  24. Ligne d'horizon, bord des meubles, troncs des arbres…
  25. Rayons de lumière, contours marqués, séparations entre deux plages de couleurs…
  26. Parfois, le croisement de ces lignes constitue un point fort d’un tableau où le peintre place un élément important de la composition de son œuvre. Elles sont différentes des traits imaginaires (appelés « lignes de force ») tirés aux tiers et aux deux tiers horizontaux et verticaux de l'image (règle des tiers). Leur intersection définit quatre points forts qui sont autant de repères sur lesquels la règle conseille de placer les éléments clés de l'image.
  27. Pierre-Charles Levesque, « Composition », dans Claude-Henri Watelet, Encyclopédie méthodique. Beaux-arts, Paris, Panckoucke, (lire en ligne), p. 131-137, p. 132.