Daphnia

Daphnia
Description de cette image, également commentée ci-après
Une daphnie Daphnia magna femelle
Classification
Règne Animalia
Embranchement Arthropoda
Sous-embr. Crustacea
Classe Branchiopoda
Sous-classe Phyllopoda
Ordre Diplostraca
Sous-ordre Cladocera
Infra-ordre Anomopoda
Famille Daphniidae

Genre

Espèces de rang inférieur

  • sous-genre Daphnia
    • D. ambigua
    • D. arenata
    • D. catawba
    • D. cheraphila
    • D. latispina
    • D. melanica
    • D. middendorffiana
    • D. minnehaha
    • D. neo-obtusa
    • D. obtusa
    • D. oregonensis
    • D. parvula
    • D. pileata
    • D. prolata
    • D. pulex
    • D. pulicaria
    • D. retrocurva
    • D. tenebrosa
    • D. villosa
  • sous-genre Hyalodaphnia
    • D. curvirostris
    • D. dentifera
    • D. dubia
    • D. laevis
    • D. longiremis
    • D. mendotae
    • D. thorata
    • D. umbra
  • sous-genre Ctenodaphnia
    • D. brooksi
    • D. ephemeralis
    • D. exilis
    • D. lumholtzi
    • D. magna
    • D. salina
    • D. similis

Les daphnies sont de petits crustacés mesurant de un à quatre millimètres, du genre Daphnia. Elles vivent dans les eaux douces et stagnantes, quelques espèces supportant des conditions légèrement saumâtres. On peut apercevoir leurs organes internes grâce à leur corps translucide.

Leur nom populaire de « puce d'eau » donne une bonne idée de leur taille, de leur forme et de leur façon d’évoluer dans l’eau.

Étymologie

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Le mot Daphnie vient du latin scientifique daphnia tiré du grec ancien δάφνη (daphnè), « laurier », par comparaison de la forme de l'animal avec la feuille de laurier.

Description

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Image haute définition de la délivrance d'une jeune femelle issue de parthénogenèse. La daphnie, en condition difficile ou avant l'hiver, a une reproduction sexuée (permettant aux œufs de passer l'hiver ou de résister à l'assèchement du plan d'eau). Quand les conditions de vie sont optimales, la femelle se reproduit seule, sans fécondation, par parthénogenèse en ne donnant que des femelles. Ici une jeune daphnie émerge de la « poche incubatrice ».

Elles possèdent :

Leur couleur varie selon l'espèce et l'environnement ; de rougeâtre à vert, en passant par différentes nuances de bleuté ou jaunâtre. Les individus rougeâtres (teinte rosée en général) ont une lymphe qui contient de l'hémoglobine qui les rend plus adaptés aux faibles taux d'oxygène, voire — temporairement au moins — à des conditions d'hypoxie sévère (~0,2 mg d'oxygène par litre)[1].

Le nombre de gènes dans le génome d'une puce d'eau est 31 000 contre 23 000 dans le génome d'un humain.

Habitat

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Les daphnies vivent dans les points d’eau douce stagnante (étangs, lacs, mares plutôt en milieu forestier ou boisé, en présence de feuilles mortes sur le fond). Plusieurs centaines d'espèce de daphnies ont colonisé de nombreux types de milieux. Elles cohabitent souvent avec les cyclops, divers copépodes et des larves de chironomidés avec lesquelles elles constituent l'essentiel du zooplancton des eaux douces tempérées.

Quelques espèces supportent des eaux légèrement saumâtres. Par exemple, Moina macrocopa peut développer des populations viables dans une salinité supérieure à quatre pour mille[2].

Importance

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Les daphnies jouent un rôle majeur dans le cycle des nitrates et phosphates dans l'eau, et donc en matière d'autoépuration des eaux stagnantes. Elles sont aussi un régulateur efficace du phytoplancton, tant que les nutriments ne sont pas présents en quantité trop élevée. Elles sont une source d'alimentation importante pour de nombreuses espèces aquatiques et semi-aquatiques.

Les daphnies montent et descendent dans la colonne d'eau de manière rythmique en fonction de la luminosité et des cycles nycthéméraux ; en l'absence de poissons et de mouvements de convection, notamment dans les mares forestières et de vallées peu exposées au vent, par le mouvement constant de leurs antennes natatoires et par les microturbulences qu'elles engendrent ainsi dans la colonne d'eau, elles contribuent :

Les grands cladocères contribuent aux équilibres écologiques :

Dans les eaux stagnantes et très poissonneuses (ex : mares empoissonnées pour une pisciculture de rente ou pêche de loisirs), les cladocères régressent au profit des copépodes qui, avec les rotifères, ne peuvent efficacement réguler les populations de phytoplancton, ce qui entraîne une augmentation de la turbidité de l'eau, et d'éventuels déséquilibres.

Les daphnies ne supportent pas les eaux très acides et/ou très peu minéralisées.

Alimentation

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Les daphnies filtrent l'eau et capturent de minuscules organismes planctoniques à l'aide d'un filtre de maille inférieure au micromètre, placé en entrée de leur système digestif. Ce système est similaire au fanon des baleines.

Locomotion et migrations verticales

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La daphnie se déplace en battant simultanément des deux antennes. Sa nage saccadée, par soubresauts, lui a valu le surnom de « puce d’eau » bien qu'elle ne pique pas et soit sans danger pour l'homme et autres animaux.

Les nuages de daphnies donnent l'impression d'une somme de comportements natatoires individuels aléatoires, mais ces populations changent de comportement à l'aube et au crépuscule sous l'effet de la variation de luminosité[4] et elles effectuent de lentes migrations horizontales et verticales (nycthémérales) qui semblent guidées par l'éclairement, les cycles jour/nuit et lunaires, la température, la salinité de l'eau[5], et des phénomènes discrets de convection[6] de l'eau. L'œil de la daphnie lui permet de se caler sur ces cycles et joue un rôle fondamental : il est de jour protégé par des pigments photoprotecteurs qui disparaissent en partie la nuit, lui permettant probablement de continuer à bien voir par exemple grâce à la lumière de la lune. « L'alternance jour/nuit en lumière bleue inhibe les migrations verticales des daphnies et les variations de densité pigmentaires ne sont plus significatives », ce qui plaide en faveur d'une participation fonctionnelle de l’œil à l'horloge interne[7].

Comme pour d'autres invertébrés aquatiques :

Perception de l'environnement

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Cyclomorphose

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Les daphnies connaissent comme tous les crustacés des mues périodiques. Mais elles sont aussi des polymorphes saisonnières (elles changent de forme selon la saison). Pour cette raison, seules les grandes femelles permettent d'identifier avec certitude une espèce.

Cette cyclomorphose est contrôlée par plusieurs facteurs (température, turbulence, turbidité et salinité du milieu).

Reproduction

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La daphnie ou puce d'eau se multiplie de façon exponentielle au printemps[11].

Ce minuscule crustacé connaît deux modes de reproduction (sexuée et asexuée) :

Les œufs

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Les œufs « vrais » ou éphippies[12] sont ceux qui sont issus de la reproduction sexuée. Ils sont produits en quantité bien moindre qu'en mode de reproduction parthénogénétique, mais ils sont beaucoup plus résistants. Ils résistent au gel (pour certaines espèces uniquement), à une certaine pression d'écrasement et de friction, ainsi qu'à la dessiccation. Protégés par leur membrane, ces œufs attendront les conditions favorables pour éclore ; chaque paire de ces œufs donnera naissance à deux femelles qui engendreront une nouvelle descendance, uniquement composée de femelles tant que les conditions du milieu seront optimales pour l'espèce.

Transportées par les oiseaux, sous les pattes d'animaux ou via les inondations, ces éphippies sont des propagules de colonisation ou de recolonisation de mares et zones humides, entretenant les échanges et la diversité génétique au sein d'une métapopulation.

L'œuf (éphippie) éclot (éventuellement après réhydratation) si l'eau est suffisamment oxygénée et a une température suffisante (conditions variant selon l'espèce concernée).

État des populations, statut, menaces

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Bien que très résistantes, les daphnies régressent localement (ou disparaissent) face à certaines formes de pollution (pesticides et insecticides en particulier).

Les nitrates et phosphates, quand ils sont cause de dystrophisation, peuvent aussi conduire, provisoirement au moins, à une raréfaction ou disparition des daphnies.

Les daphnies pourraient être sensibles à la pollution lumineuse.

L'éclairement d'un plan d'eau, même à de faibles intensités lumineuses (inférieures à 0,1 lux, soit l'équivalent de 50 % de la lumière renvoyée par une pleine lune) suffit en effet à affecter le déplacement vertical du zooplancton dans la colonne d'eau. Or cette migration biquotidienne est fonctionnellement importante pour l'espèce et pour l'écosystème, avec de possibles conséquences secondaires, dont

Les daphnies pourraient aussi être affectées par des perturbateurs endocriniens. En bioaccumulant certains toxiques, elles peuvent contribuer à la concentration de certains toxiques dans les chaines alimentaires.

L'état des populations des diverses espèces ne semble pas avoir fait l'objet d'un suivi permettant d'évaluer une éventuelle menace de disparition pour les espèces les plus rares de daphnies. De plus, la résistance de leurs œufs et une bonne capacité à recoloniser des milieux isolés semblent conférer une certaine résilience aux métapopulations de daphnies.

Usages

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Pour leur richesse en protéines et en acides aminés (dont arginine (10,92 %)[14]), les daphnies sont utilisées (vivantes ou lyophilisées) par les aquariophiles comme nourriture pour les poissons d'aquarium, car réputées faciliter leur digestion[réf. nécessaire] (surtout pour les poissons rouges).

Les daphnies sont attirées par la lumière ; faire de l'ombre avec sa main au-dessus de l'eau les fait fuir et une lampe de poche la nuit les attire. Sensibles à de faibles intensités lumineuses, elles font partie des espèces perturbées par la pollution lumineuse.

Utilisation scientifique

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La daphnie est aussi un bioindicateur.

En écotoxicologie, elle est couramment utilisée pour étudier la qualité de l'eau, et sa capacité à permettre la survie du zooplancton. Elle est couramment utilisée afin de mener des essais d'écotoxicité aiguë ou chronique de substances soupçonnées d'être dangereuses pour l'environnement.

La Daphnia pulex est le premier crustacé au génome séquencé : il compte 31 000 gènes contre 23 000 pour l'homme[15], ce qui fait de cette puce d'eau un organisme modèle pour la génomique comparative et environnementale[16].

Liste des espèces

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Selon ITIS (18 février 2016)[17] :

Notes et références

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  1. (en) « Effect of oxygen concentration on metabolism and locomotory activity of Moina micrura (Cladocera) cultured under hypo- and normoxia », Marine Biology, Springer Berlin / Heidelberg. (ISSN 0025-3162) (papier) 1432-1793 (en ligne), vol. 141, no 1, juillet 2002, DOI:10.1007/s00227-002-0805-x, p. 145-151.
  2. Ivleva, 1969
  3. J . Sevrin-Reyssac et F. Delsalle
  4. (en) Grover P. B.& Miller R. J. (1984) Effects of Crepuscular Photoenvironment on Light-Induced Behavior of Daphnia. Physiology & Behavior, 33 : 729-732
  5. Berthon J. L. (1988) Contenu énergétique, migrations et stratégies du zooplancton lacustre. Thèse Univ. de Saint-Etienne :313 p.
  6. Angeli N., Pont D. & Pourriot R. (1995). Hétérogénéité spatiale et migration du plancton, in Limnologie générait. Pourriot R. & Meybeck (eds) M. Masson, Collection d'écologie 25, Paris : p. 411-440.
  7. Cellier, S., Rehaïlia, M., Berthon, J. L., & Buisson, B. (1998). Le rôle de l'œil, dans les rythmes migratoires de Daphnia magna et Daphnia longispina (Cladocères). Annales de Limnologie-International Journal of Limnology, (vol. 34, no 2, p. 159-164), juin 1998 EDP Sciences.
  8. (en) D. E. Nilsson et R. Odselius (1981), « A new mechanism for lightdark adaptation in the Anemia compound eye (Anostraca, Crustacea) », J. Comp. Physiol., 143, p. 389-399.
  9. (en) Travis Longcore et Catherine Rich, « Ecological light pollution », Frontiers in Ecology and the Environment 2 : p. 191-198 (www.frontiersinecology.org), cités par Marc Théry (CNRS)
  10. a b c et d (en) T. Reede (1995), Life history shifts in response to different levels of fish kairomones in Daphnia ; Oxford Univ Press, Journal of plankton research. (1995) 17 (8), p. 1661-1667. doi: 10.1093/plankt/17.8.1661 (résumé)
  11. Collectif (trad. Manuel Boghossian), Le règne animal, Gallimard Jeunesse, , 624 p. (ISBN 2-07-055151-2), Daphnies page 579
  12. Les daphnies, des proies parfaites
  13. Voir synthèse de Marc Théry (CNRS), ou article « Ecological light pollution », de Travis Longcore et Catherine Rich dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment 2 : 191 - 198
  14. (en) Shawn Coyle et al., « A Preliminary Evaluation of Naturally Occurring Organisms, Distillery By-Products, and Prepared Diets as Food for Juvenile Freshwater Prawn Macrobrachium rosenbergii », 1996, p. 57-66, DOI: 10.1300/J028v06n02_05, Journal of Applied Aquaculture', vol. 6, no 2, (ISSN 1045-4438) Pub date : 18 juillet 1996.
  15. (en) John Kenneth Colbourne et coll, « The Ecoresponsive Genome of Daphnia pulex », Science,‎
  16. (en) Daphnia genomics Consortium Collaboration Wiki
  17. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 18 février 2016

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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