Estuaire de la Gironde | |||||
![]() L'île Macau à l’extrême gauche la Garonne à gauche et la Dordogne à droite confluent au bec d'Ambès pour former l'estuaire de la Gironde. | |||||
Géographie humaine | |||||
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Pays côtiers | ![]() |
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Subdivisions territoriales |
Gironde Charente-Maritime |
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Géographie physique | |||||
Type | Estuaire | ||||
Localisation | Golfe de Gascogne | ||||
Coordonnées | 45° 28′ 01″ nord, 0° 54′ 00″ ouest | ||||
Superficie | 635 km2 | ||||
Longueur | 75 km | ||||
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Nouvelle-Aquitaine
Géolocalisation sur la carte : Charente-Maritime
Géolocalisation sur la carte : Gironde
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L'estuaire de la Gironde ou Gironde (en gascon : Gironda [ ʒi.ˈrun.də], en saintongeais : Ghironde) est un estuaire du sud-ouest de la France dont les eaux baignent deux départements : la Gironde (avec le Blayais sur la rive droite et le Médoc sur la rive gauche) et la Charente-Maritime (avec la Haute-Saintonge et le Royannais, sur la rive droite), tous deux en région Nouvelle-Aquitaine.
La Gironde est l'estuaire commun de deux fleuves : la Garonne et la Dordogne[1], qui joignent leur cours au bec d'Ambès. Il a donné son nom au département de la Gironde.
Il est long de 75 kilomètres et large de 12 km à sa plus grande largeur et de 4,5 km à son embouchure (pointe de Suzac). Ses 635 km2 en font le plus vaste estuaire d'Europe.
L'estuaire de la Gironde a une histoire riche grâce à l'importance du commerce maritime qui s'y est développé. L'influence du port de Bordeaux fut pendant longtemps avérée et attirait de nombreux bateaux. La Gironde permet le passage de nombreux navires dont celui qui transportait les ailes, ailerons et tronçons de fuselage de l'Airbus A380.
La Gironde et ses rives détiennent un patrimoine culturel important. Les paysages sont variés et les traditions encore vivantes grâce notamment à la pêche. D'autres économies sont présentes dans cet estuaire comme l'économie énergétique avec les dépôts de pétrole du bec d'Ambès et la centrale nucléaire du Blayais.
Une forme ancienne de Gironde est Girunda en 1253[2].
Selon Albert Dauzat, le mot Gironde représenterait la fixation toponymique du nom du fleuve Garonne, l'un et l'autre partageant la même étymologie[2]. Garonne et Gironde correspondraient à deux variantes dialectales. L'alternance -nn- / -nd- a été souvent constatée en gaulois, et c'est elle qui différencie le celtique -onna et le latin unda « eau »[3]. Bénédicte Boyrie-Fenié abonde dans ce sens en précisant que Gironde est la forme d'oïl (saintongeaise, ou gabay) du nom de Garonne, issue d'un latin tardif *Garunda[4]. En effet, l'est de l'estuaire est de langue d'oïl depuis environ le XVe siècle, alors que le reste du cours de la Garonne est resté occitanophone[4]. Cependant, Gironde est déjà le nom d'une famille noble ayant vécu aux environs de La Réole, mentionnée au XIIIe siècle[5]. En outre, il y avait aussi une seigneurie de Gironde plus en amont, dans la vallée du Lot (actuelle commune de Cours)[6].
Remarque : Xavier Delamarre doute de l'existence d'un celtique onno tel qu'il est glosé par le latin flumen « fleuve » dans le glossaire de Vienne qui énonce quelques vocables gaulois. Pour lui, il s'agit de gaulois tardif. C'est à partir de la forme en -a qu'il a donné les terminaisons hydronymiques -onne (occitan -ona). Onno / onna remonte vraisemblablement à *udnā « eau », mot fondé sur le thème indo-européen *ud-r/n-, d'où grec húdōr « eau » (voir hydro-), gotique wato, etc. comparable au latin unda, issu lui-aussi de *udnā par métathèse[7]. En réalité, *udnā « eau » a donné un gaulois unna (écrit oun(n)a en grec), alors qu'il a abouti à unda en latin[7]. Dans cette perspective, Girunda est une forme latinisée tardive[4].
L'estuaire de la Gironde commence au bec d'Ambès, point où se rencontrent deux cours d'eau, la Dordogne et la Garonne. Il se termine à la pointe de la Négade sur la rive gauche, point d'embouchure dans l'océan Atlantique et à la pointe de la Coubre sur la rive droite. Toutefois, le domaine maritime commence à l'ouest de la pointe de Grave sur la rive gauche, et la pointe de Suzac sur la rive droite[1].
L'embouchure peut être délimitée précisément par trois points :
Il arrose d'un côté les vignobles du Médoc et de l'autre les vignobles de Blaye, célèbres vignobles bordelais. La Gironde arrose les départements et les villes suivantes :
Les paysages entre la rive gauche et la rive droite sont totalement différents. Sur la rive gauche de Macau à la pointe de Grave, on retrouve une plaine alluviale et de graves provenant des Pyrénées où domine un paysage viticole. Près de la mer, les vignes cèdent leur place aux dunes et quelques marais sont présents çà et là. Sur la rive droite, le paysage est beaucoup plus marqué et plus diversifié. On trouve des falaises mortes et des collines. Les vignes sont moins présentes, sauf sur les plateaux. Vers le nord, s'étendent de grands marais près de Saint-Ciers-sur-Gironde, de Braud-et-Saint-Louis et de Saint-Thomas-de-Conac. Enfin, en aval de Talmont-sur-Gironde, on retrouve des falaises vives contenant des habitations troglodytiques (grottes de Régulus et de Matata à Meschers-sur-Gironde).
Plusieurs îles sont présentes dans l'estuaire de la Gironde entre le bec d'Ambès et l'embouchure. Ces îles ont subi de nombreuses modifications au cours du temps et suivant les courants et le déplacement des bancs de sable. Du nord au sud de l'estuaire, les plus grandes sont :
L'estuaire se trouve sur un plateau calcaire du Crétacé, déposé il y a 140 à 150 millions d'années. La surrection des Alpes et des Pyrénées, il y a 60 à 65 millions d’années, froissa les couches de calcaire. Il y eut alors un soulèvement du Saintongeois avec l'anticlinal de Jonzac, ce qui forma les falaises entaillées de conches sur la rive nord de l'estuaire et la plaine du Médoc au sud. Les eaux viendront buter contre cette falaise et former l’estuaire de la Gironde. Pendant cette période, la mer envahit tout le Bassin aquitain et ce n'est qu'à la fin du Tertiaire que les eaux se retirèrent.
Pendant le Quaternaire, des périodes de grands froids et de chaleur se succèdent. Les eaux de la mer se retirent pendant les ères glaciaires ce qui provoque un creusement du lit de la Gironde. Des terrasses alluvionnaires se forment sur la rive gauche. Mais avec la fonte des glaces, la mer remonte et la Gironde comble son lit avec des alluvions et les pentes au bord de l'estuaire s'adoucissent.
Il y a 2 000 ans les marais se forment sur les deux rives de l'estuaire, puis des dunes et des conches apparaissent vers l'an 1000. Aujourd'hui, les marais ont été asséchés et l'estuaire évolue toujours. En 1999, l'île de la Croute a disparu sous les eaux et Bourg-sur-Gironde se retrouve en face de la Dordogne au lieu de la Gironde.
L'estuaire de la Gironde est le plus grand estuaire d’Europe, avec 75 km de long et jusqu’à 12 km de large et une superficie de 635 km2.
La Garonne et la Dordogne apportent de 800 à 1 000 m3/s d'eau douce chargée de sédiments ; en même temps, deux fois par jour, la marée montante apporte, à chaque fois, un volume total de 15 000 à 25 000 m3 d'eau de mer, ce qui favorise la formation de bancs de sable, de vasards et d'îles. La rencontre de l'eau douce, riche en alluvions, avec l'eau salée fait floculer les particules argileuses qui forment un « bouchon vaseux » caractéristique des eaux estuariennes[9]. La Gironde charrie chaque année de deux à huit millions de tonnes de particules en suspension. Une partie des matières en suspension (1,5 à 3 millions de tonnes par an) se dépose, formant des bancs de sable, des vasards et des îles[10].
L'estuaire de la Gironde est fortement soumis au flux et au reflux des marées. Cette marée dynamique remonte très en amont dans l'estuaire (jusqu'à 150 km de l'embouchure)[10] : Casseuil sur la Garonne, Castillon-la-Bataille sur la Dordogne et Laubardemont sur l'Isle. Lors des grandes marées, le phénomène du mascaret peut survenir et remonter le fleuve sur une grande distance. Il est surtout visible plus en amont, sur la Dordogne et la Garonne. Cette vague est souvent surfée par les amateurs.
L'estuaire de la Gironde appartient au Réseau Natura 2000[11].
Créé en 2015, le parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde élargi à la mer des Pertuis est le septième parc naturel marin en France, l'un des deux situés en région Nouvelle-Aquitaine[12].
Depuis 2019, la rive gauche de l'estuaire de la Gironde fait partie du parc naturel régional du Médoc[13].
Cet estuaire a l'un des plus grands bouchons vaseux de France[14]. Ce bouchon et l'ensemble de l'estuaire sont source d'une importante production primaire, mais il peut aussi concentrer certains polluants apporté par le fleuve ou émis dans l'estuaire (cadmium, mercure, plomb, pesticides...). Une turbidité anormalement élevée (induite par l'avancée de l'agriculture intensive et de l'artificialisation du bassin versant) peut y perturber la photosynthèse et les équilibres écologiques[15].
La centrale nucléaire du Blayais se situe sur l'estuaire de la Gironde à mi-chemin entre Bordeaux et Royan. Implantée au cœur d'un marais de 6 000 hectares, elle occupe 230 hectares sur la rive droite de la Gironde. Son fonctionnement est basé sur des eaux de refroidissement prélevées dans la Gironde puis rejetées à une température plus élevée[16].
Les modalités de mise en œuvre de la surveillance écologique de la centrale nucléaire sont définies par l'arrêté interministériel du 18 septembre 2003 portant « autorisation à EDF de poursuivre les prélèvements et les rejets d'effluents liquides et gazeux pour l'exploitation du site nucléaire du Blayais »[17]. Des prélèvements d'eau et d'air sont effectués quotidiennement afin de vérifier que les rejets de la centrale contiennent une « infime » part de radioactivité « en de ça des normes en la matière »[18]. Les résultats 2017 de la surveillance écologique pour les compartiments pélagique et benthique (ensemble des organismes aquatiques) montrent que toutes les dynamiques observées s'inscrivent dans la variabilité naturelle et habituelle de l'estuaire. L'analyse des paramètres surveillés ne permet donc pas d'identifier de signes de dysfonctionnement « notable » du milieu pouvant être lié au fonctionnement de la centrale[19].
L'inondation de la centrale nucléaire du Blayais est un incident nucléaire classé au niveau 2 par l'échelle d'INES de la sûreté nucléaire. L'incident s'est produit le 27 décembre 1999 au cours de la tempête Martin. Il n'a officiellement conduit à aucun dépassement des autorisations de rejet radioactif, mais devant la gravité des événements, l'autorité de sûreté nucléaire a actionné pour la première fois la gestion nationale de crise[20].
La pêche dans l'estuaire de la Gironde est surtout une activité centrée sur les poissons migrateurs : aloses, maigre, anguille, lamproies et sur les petites crevettes blanches caractéristiques des estuaires.
La pêche de la pibale ou civelle est une grande tradition dans l'estuaire, c'est aussi la plus lucrative. Ces alevins d'anguilles sont pêchés dans l'estuaire grâce à des chalutiers portant de grands filets latéraux, les « pibalours ». Ces embarcations sont aussi nommées « bateaux libellules ». Depuis les années 1980, la pibale est vendue sur les marchés asiatiques et bénéficie d'une forte valeur ajoutée. Mais la ressource s'épuise et de moins en moins de pibales remontent l'estuaire de la Gironde.
La lamproie et l'alose se pêchent au printemps. La lamproie est cuisinée à la bordelaise dans son sang et du vin. Enfin, la pêche au maigre est très prisée et insolite dans l'estuaire. Ce poisson se reproduit dans l'embouchure de la Gironde au niveau du Banc des Marguerites. Le mâle pousse des grognements qui alertent les pêcheurs : c'est une pêche « à l'écoute ».
La pêche au carrelet est très répandue le long de l'estuaire. On retrouve de nombreuses cabanes sur pilotis le long des rives permettant de descendre un filet carré (le carrelet) à l'eau. Le terme de carrelet s'applique également à la cabane de pêche. C'est une pêche au hasard (on remonte régulièrement le filet et on n'utilise aucun appât) pratiquée par les amateurs.
La pêche de l'esturgeon est totalement interdite depuis 1982. À partir des années 1920, l'esturgeon — appelé localement créa ou créac — était pêché afin de récupérer le précieux caviar. Mais, du fait de la destruction des lieux de ponte (gravières de Dordogne et de Garonne) et d'une pêche excessive, l'espèce est en danger de disparition. Depuis les années 1980, un effort de sauvegarde de l'espèce a été mis en place dans l'estuaire ; mais sans grand succès. Des élevages d'esturgeons sont présents en Charente-Maritime et en Gironde mais l'espèce élevée n'a rien à voir avec l'esturgeon européen. En effet, il s'agit d'un poisson d'eau douce, plus petit, qui appartient à l'espèce Acipenser baerii (esturgeon sibérien) alors que l'espèce autochtone, l'esturgeon européen (Acipenser sturio) est un migrateur amphihalin qui vit en mer et se reproduit en eau douce. Actuellement, l'estuaire de la Gironde est le seul estuaire au monde qui voit passer l'esturgeon européen pour se reproduire en Dordogne ou en Garonne. L'estuaire de la Gironde représente une zone de nourricerie indispensable pour les juvéniles.
Stendhal, qui passe une nuit à Pauillac le 22 mars 1838 au cours de son voyage dans le midi de la France, lui rend un hommage appuyé : « Nous apercevons tout à coup, sur la gauche de la rivière, huit à dix belles maisons à trois étages qui ont l'air d'opulentes maisons de campagnes : c'est Pauillac. Rien de ces constructions sales et entassées qui avoisinent la rivière, centre de commerce dans les villes anciennes. Pauillac serait-il tout à fait nouveau ? On dirait que les trois quarts de la ville n'ont pas trente ans. Je prends une chambre à l'hôtel de Monsieur Delhomme sur le quai »[26].
Entre 1612 et 1616, Justus Zinzerling, jeune voyageur allemand, a écrit dans son ouvrage de référence Itinerarium Galliae à propos de l'estuaire : « (...) Lorsque tu voudras remonter de Royan à Bordeaux, tu auras soin de te choisir un marinier habile et de ne pas te fier au premier venu ; car ce n’est pas un jeu de s’aventurer sur la Gironde. (...) » (traduit du latin).
L'opération Frankton est une opération militaire de la Seconde Guerre mondiale menée par dix hommes d'une petite unité de commandos britanniques, le Special Boat Service des Royal Marines, rattachés aux opérations combinées. Le raid, qui commence le par la mise à l'eau de cinq kayaks au large de l'estuaire de la Gironde, a pour but l'attaque de forceurs de blocus, des navires de l'Axe, basés dans le port de Bordeaux et assurant des liaisons avec le Japon. Les kayaks ne peuvent naviguer que de nuit et avec une marée favorable. Il leur faut passer la journée cachés dans les broussailles de la berge. Au terme d'une infiltration de quatre jours, seuls deux kayaks atteindront leurs cibles. Leurs charges explosives endommageront sérieusement l'Alabama, le Tannenfels, le Dresden et le Portland. Au terme d'une longue et périlleuse exfiltration via l'Espagne, le major Herbert Hasler et le quartier-maître Bill Sparks seront les seuls survivants de l'opération[27].