Guanyin | |
Guanyin en déesse marine de la Miséricorde, Sanya. Statue, H. 108 m. 2017 | |
Symboles | |
---|---|
Couleur | Rouge (comme son Maître le Bouddha Amitābha) |
modifier ![]() |
Guanyin (chinois simplifié : 观音 ; chinois traditionnel : 觀音 ; pinyin : ; cantonais Jyutping : Gun1 Jam1 ; coréen : 관음 (hanja : 觀音), gwan-eum ; japonais : kannon (観音 ) ; vietnamien : Quan Âm ou Quán Thế Âm ; indonésien : Kwan Im) est le bodhisattva associé à la compassion dans le bouddhisme d'Asie de l'Est. Le nom de Guanyin est une forme abrégée de Guanshiyin, « qui considère les sons du monde ».
On parle également parfois de Guanyin Pusa (chinois simplifié : 观音菩萨 ; chinois traditionnel : 觀音菩薩 ; pinyin : ; litt. « Bodhisattva Guanyin »)[1], Shō-kannon 聖観音 (ou Shō-kan'non[2]) ou encore, au Japon, de Senjū Kannon Bosatsu[3].
D'abord figure masculine, comme en Inde, Guanyin est devenu un personnage de sexe féminin en Chine et en Asie de l'Est, chose très rare dans le bouddhisme. Sa forme japonaise a cependant quelquefois des traits masculins[4].
Guanyin tient son origine d'Avalokiteśvara (ou Âryâvalokiteśvarâ en sanskrit). Communément considérée en Occident comme déesse de la Miséricorde[5], elle est aussi révérée par les taoïstes en tant qu'Immortelle. Avalokiteśvara indien et Guanyin chinoise se rejoignent cependant dans la ferveur religieuse qu'ils suscitent : si le premier est considéré comme un des bodhisattva les plus importants du bouddhisme indien, la seconde est élevée au rang de divinité.
Le nom Guanyin est la traduction chinoise de Avalokitasvara, qui signifie littéralement « Observateur (avalokita) des voix (svara) ». Ce nom renvoie à la compassion sans limite du bodhisattva Avalokitasvara qui le porte à observer les cris des êtres qui souffrent, dans le but de venir les soulager de leurs peines[6]. La traduction de ce nom en chinois date du iie siècle[6], et elle est popularisée par le grand traducteur Kumarajiva, dans sa traduction du Sutra du Lotus datant de 405[7]. Guanyin va devenir Kannon en japonais Quân Âm en vietnamien, Gwan-eum en coréen et Kwan Im en indonésien[6].
On trouve aussi la traduction Guanshiyin, « observateur des sons du monde » qui joue sur les sens de lok et loka en sanscrit (observer et monde). Ce nom devient Kanzeon en japonais, Quán Thế Âm en vietnamien et Gwanse-eum en coréen[6].
Cependant, le nom Avalokitasvara va se transformer en Avalokiteśvara, que l'on peut comprendre comme signifiant « Souverain (Iśvara) qui abaisse son regard (ava-lok-ita) », avec le sens de « Souverain au regard compatissant »[6]. Entre le ve siècle et le milieu du viie siècle, cette nouvelle forme va supplanter la première (Avalokitasvara). C'est ainsi que dans sa traduction du Sutra du Lotus de 649, Xuanzang, un autre traducteur chinois célèbre, va rendre ce mot par Guanzizai, « souverain dans l'observation », qui deviendra Kanjizai en japonais et Kwanjajae en coréen[6],[7].
Toutefois, au-delà de ces différences, tous noms rappellent la compassion illimitée du bodhisattva pour l'ensemble des êtres — humains et non-humains — qui se débattent dans les filets du samsara. Toutefois, le regard de celui-ci n'est en rien passif : en fait, il s'agit d'un regard agissant qui éclaire l'objet observé, si bien que Guanyin scrute de son regard les voix du monde et balaie le monde de sa compassion, comme le faisceau d'un phare qui éclaire les flots[6].
La transformation de Guanyin en personnage féminin est l'objet de plusieurs légendes, en Chine mais aussi au Japon et au Vietnam.
La plus ancienne inscription relative au culte de Miao-shan, gravée en 1100, est attribuée au moine bouddhiste chinois Jiang Zhiqi (蒋志奇) (1031-1104). Miao-shan y est assimilée à Guanyin sous sa forme de Grande Compatissante aux mille bras et mille yeux, vénérée depuis plusieurs siècles au monastère du mont Putuo (普陀島 Putuodao), le Mont des Parfums[8], un des quatre monts bouddhistes de Chine.
Selon le sinologue britannique Glen Dudbridge, la plus ancienne version de la légende figure dans une des chroniques du bouddhisme en Chine, le Lung-hsing fo-chiao pien-nien t'ung-lun (龍興佛橋邊寧倫, Chroniques complètes des enseignements de Bouddha durant la période de l’empereur Song Xiaozong 宋孝宗), écrite en 1164 par le moine Tsu-hsiu[9],[10].
Sous la Dynastie du Ciel d'Or, le roi Miaozhuang désirait un héritier, mais comme il avait fait couler le sang à la guerre, il ne fut pas exaucé, et son épouse lui donna trois filles, dont une s’appelait Miao-shan.
Quand vint le temps de les marier, Miao-shan refusa, voulant devenir bonzesse, et tous les efforts du roi pour vaincre la résistance de sa fille restèrent vains. Miao-shan entra donc dans un temple. Le roi ordonna aux nonnes de rendre difficile la vie de la princesse afin de la détourner de cette voie. Mais Miao-shan supportait tout sans se plaindre. Ému par tant de piété, l'Empereur de jade lui envoya des Esprits pour l'aider. Le roi, excédé, ordonna alors de brûler le temple. Les nonnes implorèrent l’aide de Miao-shan qui pria le Ciel. Sa demande fut exaucée : la pluie éteignit l’incendie.
Voyant cela, le roi décida de faire exécuter sa fille. Alors, une fois encore, le Ciel intervint, et l’Empereur de jade chargea un Esprit de veiller sur le corps de la jeune fille, afin qu'aucun mal ne lui soit fait, car ce corps était promis à devenir celui d'un Bodhisattva. Pourtant Miao-shan fut malgré tout exécutée, et l’esprit emporta son corps dans la forêt.
Quand Miao-shan rouvrit les yeux, elle était dans l'autre monde où on lui fit visiter les dix-huit enfers, lui demandant de prier en ces lieux. Dès qu’elle commença ses prières, les supplices cessèrent et les damnés furent gagnés par la joie : l'Enfer était devenu Paradis ! Effrayés, les gardiens du lieu renvoyèrent l'âme de Miao-shan sur terre afin qu'elle retrouve son corps préservé resté dans la forêt.
Miao-shan se réveilla cette fois dans la forêt déserte, et se désespérait qu’il n’y ait personne pour qui prier quand survient un inconnu qui se dit ému par son histoire et s’engage à l'épouser : la princesse repoussa fermement l’offre. L'homme lui révéla alors qu'il était en réalité le Tathagatha, qu'il avait testé sa foi, et qu’il allait l'emmener à la pagode du Mont des Parfums, sur l'île de Putuo. Là, elle aurait tout loisir de prier pour le salut des êtres.
Elle passa neuf ans sur le Mont Putuo à se perfectionner, et devint ainsi la Reine des « Trois mille bodhisattva » et de tous les êtres de chair. Le bodhisattva des Enfers, Dizangwang (Kshitigarbha), s’émerveilla de tant de vertu et décida d'en faire la Souveraine du Ciel, de la Terre et du Bouddhisme.
Un jour, le père de Miao-shan tomba gravement malade. Il s’engagea à céder son trône à qui le guérirait. Arriva alors un moine qui lui dit que le médicament capable de le guérir devrait être fait d’un bras et d’un œil provenant d'une personne pure et sans tache résidant sur le mont Putuo.
Le roi envoya un messager pour demander l'aide de cette sainte personne, ignorant qu’il s’agissait de sa fille Miao-shan. Celle-ci se mutila sans hésiter, le roi fut sauvé. Il souhaita alors remercier lui-même cette femme, et lui proposer son trône. Voyant Miao-shan, il lui demanda pardon pour tous les maux qu’il lui avait infligés. Puis il lui fit construire un temple sur la montagne.
L’histoire se termine par la transformation de Miao-shan en Guanyin au cours d’une grande cérémonie. Elle monte sur son trône de lotus, et par la suite, s’entoure d’un jeune garçon, Chancaï, et d'une jeune fille, Longnü, pour l’assister. Débordante de compassion, elle fait vœu d’aider tous les êtres vivants, et pas seulement les humains, jusqu’à ce qu’ils soient tous délivrés de la souffrance. Elle réside dans l’île du mont Putuo, où elle se consacre totalement à la méditation[11].
Guanyin est un pusa (en chinois, bodhisattva en sanskrit), c'est-à-dire qu'elle a obtenu l'éveil, mais comme elle ne veut pas tout de suite accéder au rang de bouddha, elle s'arrête en cours de route afin de faire bénéficier de son enseignement les hommes. En Chine, on l'appelle la déesse de la miséricorde, parce qu'elle s'arrête un instant sur le chemin de la Voie, pour observer les hommes et tendre une oreille compatissante à leurs malheurs.
On la représente le plus souvent drapée dans une longue robe blanche qui la couvre de la tête aux pieds ; elle tient en main le vase de jade et une branche de saule ; elle est coiffée d'un chignon, noué sur le sommet, au milieu duquel est représenté son maître, le Bouddha Amitābha[12]; sa peau est aussi blanche que du lait, du moins est-ce là l'image la plus répandue que l'on ait d'elle en Chine et celle qu'on trouve dans le roman du Voyage en Occident[13].
Elle résiderait sur le mont Putuo, entourée d'une foule de divinités à son service. Elle est souvent assise en méditation, les jambes croisées, ou debout sur une feuille de lotus et une auréole dorée entoure sa tête.
Mais Guanyin, c'est aussi des milliers de formes différentes pour représenter ses multiples capacités[14] ; elle peut ainsi disposer de une à onze têtes et de deux à quatre, voire huit et jusqu'à mille bras[15] ; il existerait en Chine un groupe de huit ou de trente-deux représentations de la Déesse[16]. Trente-trois formes sont couramment représentées et seraient adaptées de la légende de Miao-shan[17]. Cependant, ni la liste ni l'ordre de ces trente-trois représentations ne sont fixes, et l'on rencontre de nombreuses variantes[18]. Au Japon, ces trente-trois formes (sanjûsan ôgeshin) de la bodhisattva Kannon donnent lieu à un grand pèlerinage des trente-trois temples des provinces de l'Ouest (sanjûsan sansho)[18].
En plus de ces 33 formes communément admises, Guanyin dispose d'un millier d'autres formes, dont sept ésotériques[22] :
Guanyin est souvent appelée aussi Guanyin des Mers du Sud (南海 Nanhai Guanyin) , en référence au temple du (普陀山 Putuoshan) où elle réside, mais elle possède bien d'autres épithètes.
Elle prend parfois la forme d'une prostituée pour délivrer les hommes de leur luxure[23] ou leur permettre d'atteindre l'éveil[24].
Guanyin a fait le vœu d’attendre que tous les êtres vivants (êtres humains et animaux) soient libérés de la souffrance avant d’atteindre elle-même l’état de Bouddha. Dans les pays où le bouddhisme mahayana s'est développé, les pratiquants considèrent que cet engagement est l'expression d'une profonde compassion. Ainsi Guanyin est-elle associée au végétarisme bouddhique. C'est pourquoi nombreux sont ceux qui décorent leurs cuisines avec des images ou des calendriers sur lesquels son effigie est imprimée. Des revues et magazines végétariens bouddhistes l’ont prise pour emblème ou logo[25].
Plusieurs qigong font référence à Guanyin et certains en portent même le nom. En France une forme du qigong de Guanyin dite « des Milles mains sacrées » est enseignée à Paris par le maître Jian Liujun, qui décrit ce qigong dans Dao de l'harmonie, Quintessence du qigong[26]. Deux autres formes sont également enseignées en France par l'école Sheng Zhen dirigée par maître Li Junfeng (en) qui vit aux États-Unis. Ces qigong sont décrits dans le livre Wuji Yuan Gong[27].
Le titre de Guanshiyin apparaît dans l'œuvre de science-fiction The Expanse de James S. A. Corey pour désigner le nom du vaisseau spatial du milliardaire Jules-Pierre Mao[28].