Les saints bretons désignent des personnalités vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d'un point de vue chrétien et les miracles qu'ils ont accompli. Bien que peu d'entre elles n'aient été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l'Église catholique mise en place plusieurs siècles après leur mort, et que leur existence même ne soit pas toujours historiquement attestée.
La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent des IXe et Xe siècles[Note 1]. Certaines ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne ce qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques. Le récit des biographies est issu de traditions orales qui ont été transmises aussi bien dans le fond populaire que dans le milieu ecclésiastique, qui y avait parfois un intérêt tel que la légitimation de la figure épiscopale, le bien-fondé d'une réforme d'une communauté monastique par exemple[1].
Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l'aristocratie bretonne s'approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d'un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages[2].
Cette production hagiographique s'interrompt brusquement avec le cartésianisme et la diffusion massive des textes grâce à l'imprimerie qui fige ces textes. Elle est mise à contribution pour écrire l'histoire des origines bretonnes. Ainsi, Albert Le Grand au XVIIe siècle, est le « principal responsable de la fixation du légendaire hagiographique breton » selon Joël Cornette[3], de même que Dom Lobineau au XVIIIe siècle.
Cette production est opportunément réutilisée à partir de la fin du XIXe siècle qui voit le véritable lancement des saints traditionnels bretons en lien avec l'essor du mouvement régionaliste breton. Prêtres et historiens laïcs (Dom Plaine, Arthur de La Borderie) se déchirent entre l'exaltation du celtisme et celle du christianisme mais ils confortent l'apologétique et l'essor de la foi en Bretagne en réécrivant l'histoire des origines bretonnes. Ils y intègrent les traditions hagiographiques spécifiquement bretonnes et les rattachent parfois à l'ultramontanisme triomphant[4].
Au tournant des 19e et 20e siècle François Duine sera de ceux qui orienteront fortement l'hagiologie dans une approche scientifique. Après la Seconde Guerre mondiale, la linguistique joue un rôle important dans l'historiographie concernant la période des migrations des clercs (ou « saints ») et des chefs militaires à partir de la Bretagne insulaire, avec les travaux de Léon Fleuriot ou de François Falc'hun. Les historiens contemporains éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L'historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l'hagiographie tels qu'ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d'autres Vies de saints[5] dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d'un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d'expression »[6]. Les historiens de la seconde partie de XXe siècle (André Chédeville, Hubert Guillotel, les chercheurs du CRBC tels que Bernard Tanguy ou Jean-Christophe Cassard, ou ceux du CIRDoMoC tels que Job an Irien ou Bernard Merdrignac) réétudient les textes hagiographiques dans lesquels ils voient une source de renseignements précieux sur l'histoire des mentalités et constituent « un extraordinaire gisement de culture populaire[7] ».
La Bretagne vénère plus de 1 000 saints bretons mais seulement 700 sont répertoriés car tous ne sont pas « homologués », c'est-à-dire reconnus officiellement par l'Église catholique romaine[8],[9]. Mais la légende affirme qu'il y a 7 777 saints ou un nombre approchant) en Bretagne ; le chanoine Peyron a dressé une liste qui contient 7 500 noms et il a négligé certains saints indiqués dans le missel de Saint-Vougay[10] et dont on ne connaît que le nom (par exemple Brangualabre, Budmaille, Icaguale, etc..)[11].
Ces saints bretons ont fondé de nombreuses villes et de nombreux monastères : saint Brieuc fonde en 485 la ville qui porte son nom ; Renan ou Ronan, moine irlandais, s'établit dans le Léon (Saint-Renan) , puis en Cornouaille (Locronan) ; Corentin, vers l'an 500, devient évêque de Quimper, dont la fondation serait due au roi Gradlon , venu lui aussi des Îles britanniques et qui aurait donné à son royaume le nom de Cornouaille en souvenir de sa région natale, la Cornouaille anglaise ; l'irlandais Efflamm et sa femme, Enora, abordent en pays de Léon, de même que, plus tard, le moine cambren Pol Aurélien , fondateur de l'évêché de Léon ; Lunaire, Briac, Suliac, défrichent la vallée de la Rance ; Maclou (Malo) relève la cité gallo-romaine d'Aleth, y fondant un évêché ; les évêchés de Dol, de Rennes, de Vannes, de Tréguier, revendiquent comme fondateurs saint Samson, saint Melaine, saint Patern et saint Tugdual, tous d'Outre-Manche. Pontivy est dû à saint Gonnery, Landerneau à saint Houardon, Châteaulin à saint Idunet, Ploërmel à saint Armel. Méen défriche dans la forêt de Brocéliande. Saint Tugen est abbé de l'abbaye de Daoulas et saint Gildas de celle de Rhuys. On pourrait en citer beaucoup d'autres... Leurs noms, précédés des préfixes plou, lan, tre ou loc désignent les localités qu'ils fondèrent ou qui en gardent le souvenir[12].
En 2022, environ 170 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, dans la Vallée des Saints[13].
Leur origine est semi-légendaire :
« C'est de Conan Meriadec que datent les invasions successives qui justifient le nom de Bretagne. Ce prince, qui jouissait en Grande-Bretagne d'un assez grand crédit, proposa, en 382 ou 383, à Maxime, gouverneur de l'île, de l'appuyer dans sa révolte contre l'empereur Gratien, et il lui fournit 10 000 hommes. Vainqueur et maître de plus de la moitié de l'empire d'Occident, Maxime accorda à son allié la souveraineté de la plus grande partie de l'Armorique, souveraineté que Conan sut faire reconnaître par Valentinien II et Théodose, et qu'il rendit complètement indépendante sous le faible Honorius. Dès lors affluèrent de la Grande-Bretagne et même de l'Irlande en Armorique, non seulement des soldats, des artisans, des cultivateurs, des familles entières, mais encore de saints personnages, évêques, ermites, missionnaires, qui vinrent y organiser l'administration ecclésiastique, y établir des monastères, y affirmer parmi les populations la foi chrétienne. saint Yben, Guénolé de Landévennec, Brieuc de Saint-Brieuc, Pol ou Paul Aurélien de Saint-Pol-de-Léon, Corentin de Quimper, Malo ou Maclou d'Aleth, Samson de Dol, Ronan de Locronan et Saint-Renan, Gunthiern de Quimperlé, Mélarie (vulgairement sainte Nonne) de Dirinon, etc., avaient ainsi quitté leur patrie pour le continent, où leurs enseignements et leurs exemples portèrent tant de fruits que l'Armorique devint, comme la Blanche Albion et la verte Erin, une terre de saints[14]. »
Les sept saints fondateurs sont traditionnellement réputés, selon une construction littéraire et hagiographique tardive forgée à partir du XIe siècle, avoir fondé les sept évêchés qui existaient au Haut Moyen Âge. Cette tradition leur fait jouer un rôle éminent au moment de l'émigration d'une partie des Bretons d'outre-Manche, laquelle justifiera la nouvelle appellation, Britannia minor, appliquée à l'Ouest de l'Armorique gallo-romaine.
Du fait de leur antériorité à toute procédure canonique, ces saints n'ont pas fait l'objet d'une reconnaissance officielle par l'Église catholique. Le Tro Breizh, qui en breton signifie « tour de Bretagne », est un pèlerinage catholique qui relie les villes des sept saints fondateurs de la Bretagne.
Les autres saints bretons (saints par la vox populi c'est-à-dire élus saints par « la voix du peuple »), non reconnus comme tels par l'Église au sens canonique du terme. La tradition veut que le cimetière de Lanrivoaré abrite 7 847 saints ("sept mille sept cent sept et sept vingt"). La plupart de ces saints seraient tombés dans l'oubli si la persistance du culte des fontaines n'avait lié leur souvenir à la vertu bienfaisante des eaux ou si la tradition n'en avait fait des thaumaturges ou des guérisseurs ; des récits légendaires ont aussi contribué à en perpétuer le souvenir. Certaines maladies prirent même le nom de leur saint guérisseur : la goutte s'appelle en breton "drouk sant Ourlou" ("mal saint Ourlou"), l'hydrophobie (la rage) "drouk Sant Weltas" ("mal de saint Gildas"), les écrouelles "drouk sant Cadou" ("mal de saint Cadou"), la suette "drouk sant Just", les croûtes de la face "mal saint Georges", etc.. Saint Gonéry guérit la fièvre, saint Avertin les maux de tête, saint Brandan les plaies et les ulcères, Notre-Dame de Kerdévot la grippe, etc.[11].
Les saints bretons sont supportés par l'église catholique, mais non reconnus officiellement par les autorités ecclésiastiques ; le pape Grégoire le Grand recommandait au clergé : « Détruisez seulement les idoles, rempacez- les par des reliques. Les prêtres firent graver des croix sur les menhirs, placèrent des statues dans les vieux chênes, mirent les fontaines sous l'invocation d'un saint ou d'une sainte, transformèrent la fête du solstice d'été en fête de la Saint-Jean et la fête du solstice d'hiver en fête de Noël, etc. lorsqu'elle l'a pu, l'église catholique a opéré des substitutions, jouant souvent sur l'homonymie : ainsi à Tréduder Tuder l'obscur a été transformé en Théodore, un martyr romain, et à Audierne saint Rumon a été remplacé par saint Raymond[15].
On peut estimer que les seuls saints « nationaux », c’est-à-dire ceux dont le culte était célébré dans la Bretagne entière, sont au nombre d’une quinzaine : les sept saints fondateurs et saint Gildas, saint Guénolé, saint Yves, saint Turiau (écrit aussi saint Thuriau ou saint Thurien), saint Guillaume, saint Armel, saint Magloire, saint Melaine ; soit deux novi sancti (saints qui ont fait l’objet d’une canonisation officielle), trois abbés et sept évêques dont trois pour le seul siège de Dol. Sans entrer à nouveau dans le débat, sinon même la polémique relative au fameux Tro Breizh et au culte médiéval des sept saints fondateurs de Bretagne, ajoutons d’emblée à cette courte liste saint Brieuc et saint Tugdual, dont les cultes probablement l’un et l’autre d’origine cornouaillaise, furent acclimatés dans le nord de la Bretagne, comme l’a montré Bernard Tanguy, et peut-être seulement à l’époque tardive de l’érection de l'évêché de Tréguier, qui deviendra plus tard l'évêché de Saint-Brieuc et Tréguier ; mentionnons également saint Patern et même saint Clair, dont la renommée avait effectivement atteint le diocèse de Tréguier au XVe siècle. Et enfin, saint Méen et saint Maudez. Au total, sur un total de plusieurs centaines de noms, il y a une vingtaine de saints bretons véritablement connus au-delà de leurs terroirs[16].
Sainte Anne est officiellement la patronne de la Bretagne ; Sainte-Anne-d'Auray est le plus important pèlerinage de Bretagne.
De nombreux saints bretons ont un culte à l’échelon local seulement sans diffusion ou presque hors de leur diocèse d’origine, même si ce culte est profondément enraciné, et dont les noms sont confinés au calendrier de leur Église : citons, à Quimper, deux supposés évêques du lieu, saint Alor, dont le nom est peut-être une cacographie pour Florus, et saint Alain, dont la vita, conservée notamment dans le recueil connu sous le nom d’Obituaire de Saint-Méen, constitue un démarquage impudent de celle de saint Amand ; à Tréguier, saint Efflam, saint Briac ; à Saint-Malo, saint Enogat, saint Aaron et saint Ideuc, etc[16].
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Les sept saints bretons reconnus saints par l'Église au sens canonique du terme :
On peut rajouter à cette liste Vincent Ferrier, dominicain espagnol, prédicateur en Bretagne et dont les reliques reposent dans la cathédrale de Vannes (canonisé le par le pape Calixte III) ainsi que Gohard (évêque de Nantes né à Angers) canonisé par le Vatican en 1095 avant le décret de Rome.
Liste non exhaustive des bienheureux :
On peut ajouter à cette liste, pour leur action en Bretagne ou leur origine bretonne :
Religieux non béatifiés :
Dominicains bretons célèbres de l'ordre des Frères Prêcheurs :
Autres personnes considérées comme saintes par la ferveur populaire :
Ces saints peuvent avoir une existence propre par ailleurs, ils sont ici listés pour le culte particulier ou le nom particulier qu'ils ont en Bretagne.
La liste exhaustive serait trop longue. À titre d'exemples, selon Pitre-Chevalier[60] :