La maladie hollandaise (ou mal hollandais, ou syndrome hollandais, ou encore malédiction des matières premières) est un phénomène économique qui relie l'exploitation de ressources naturelles au déclin de l'industrie manufacturière locale. Ce phénomène est suscité par l'accroissement des recettes d'exportations, qui à son tour provoque l'appréciation de la devise. Le résultat est que dans les autres secteurs, les exportations deviennent moins favorables que les importations.
Inspiré du cas des Pays-Bas des années 1960, le terme « maladie hollandaise » est utilisé par extension pour désigner les conséquences nuisibles provoquées par une augmentation importante des exportations de ressources naturelles par un pays[1].
Le terme apparaît pendant les années 1960 quand les revenus commerciaux des Pays-Bas augmentent considérablement à la suite de la découverte de grands gisements de gaz dans la province de Groningue, puis dans le reste du pays et en mer du Nord[1]. Il devient populaire à la suite d'un article paru dans le magazine économique anglais The Economist en 1977 consacré au « mal hollandais »[2].
L'accroissement des recettes d'exportations entraîne l'appréciation de la devise hollandaise, ce qui finit par nuire à la compétitivité-prix des exportations non gazières du pays. L'effet est encore plus prononcé lorsque la rente s'amenuise voire disparaît (dans le cas du gaz lorsque les champs s'épuisent). Il y a moins d'argent venant de la rente (gazière dans le cas hollandais) mais les autres industries n'arrivent pas à prendre le relais car elles n'ont jamais réalisé les gains de productivité nécessaires, défavorisée par le fait d'avoir une monnaie trop forte pour les exportations et donc limitant leurs capacités d'investissement.
Bien que touchant principalement les pays pétroliers, le phénomène peut être comparé avec toute surévaluation du taux de change liée à une entrée massive de devises (exemples : mise en valeur de ressources naturelles, hausse marquée des prix d'une matière première, mais aussi flux massifs d'investissements directs étrangers entrants, ou aide étrangère massive). L'économiste anglais Richard Auty a théorisé cette "Malédiction des ressources naturelles" dans son ouvrage "Resource-Based Industrialization: Sowing the Oil in Eight Developing Countries[3]" paru en 1990.
Dans les modèles commerciaux simples, un pays se spécialise dans les industries où il a un avantage comparatif. Le mécanisme décrit dans la théorie du "Mal Hollandais" explique comment les pays riches en matières premières se spécialisent précisément dans la production de matières premières, au détriment de leur secteur manufacturier.
Les conséquences structurelles d'une « augmentation de la richesse » d'un pays furent étudiées par W. Max Corden et J. Peter Neary, qui mettent volontairement de côté l'effet sur le taux de change[4].
Dans ce modèle, l'économie est divisée en trois secteurs : un secteur « très compétitif » soumis à la concurrence internationale (par exemple la production de pétrole), un secteur peu compétitif soumis également à la concurrence internationale et un troisième secteur non exposé à la concurrence internationale (commerce de détail, services à la personne, construction…).
Une hausse de la rentabilité de la production du secteur très compétitif (liée à une hausse du prix de vente, de découverte de nouvelles ressources, etc.) affecte cette économie de deux façons :
Le secteur peu compétitif soumis à la concurrence internationale est pénalisé, et donc se réduit.
La 'maladie hollandaise' ne trouve donc pas son origine dans la seule exploitation de ressources naturelles, mais bien dans toute exploitation concurrentielle génératrice de devises, comme pour l'Islande (finance) ou la Grèce (tourisme)[5].
La hausse des exportations de matières premières se traduit, dans un premier temps, par une hausse des exports globaux, donc par une appréciation de la monnaie locale (amélioration des termes de l'échange), qui pénalise l'industrie locale soumise à la concurrence internationale (perte de parts de marché), jusqu'à atteindre un nouvel équilibre où les flux d'import sont de nouveau approximativement égaux aux flux d'export.
Lorsque la rente des matières premières diminue (épuisement, baisse des cours…), les industries soumises à la concurrence internationale, dont les capacités de production ont diminué, ne se reconstituent que lentement.
Certaines puissances publiques ont agi afin de mitiger ex ante les effets d'une potentielle maladie hollandaise. Le Koweït crée ainsi en 1954 le premier fonds souverain du monde afin de réinvestir les richesses générées par la vente d'hydrocarbures. En investissant en devises étrangères, le pays évite de voir sa monnaie s'apprécier[6].