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(à 99 ans) Val-Revermont (France) |
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Principaux intérêts | |
Œuvres principales |
Orientation philosophique, Présence de la Nature, Présentation de ma philosophie |
Influencé par | |
Conjoint |
Marie-Thérèse Tronchon (d) |
Distinctions | Liste détaillée |
Marcel Conche, né le à Altillac et mort le 27 février 2022 à Treffort[1],[2], est un philosophe, spécialiste de métaphysique et de philosophie antique.
Marcel Conche est le fils de Romain Conche, modeste cultivateur corrézien, propriétaire de quatre hectares et employé dans une poudrerie Davey Bickford pendant la Seconde Guerre mondiale à Clermont-Ferrand[3], et de Marcelle Farges, décédée peu après l'accouchement (Alice Farges, sa tante maternelle, fut la seconde épouse de son père)[4].
Il commence sa scolarité au cours complémentaire de Beaulieu-sur-Dordogne et aurait dû la poursuivre à l'École normale primaire de Tulle, mais les ENP ayant été supprimées par le gouvernement de Pétain, il étudie au lycée Edmond-Perrier de Tulle comme élève-maître (1940-1943).
Il étudie ensuite au Centre de formation professionnelle de Limoges (1943-1944) puis à la faculté des lettres de Paris où Gaston Bachelard est l'un de ses professeurs. Il obtient successivement la licence en philosophie (1946) et le diplôme d'études supérieures de philosophie (1947).
Admis au 13e rang à l'agrégation de philosophie, en 1950, il enseigne aux lycées de Cherbourg (1950-1952), Évreux (1952-1958) et de Versailles (1958-1963), devient assistant, maître-assistant de philosophie à la faculté des lettres de Lille.
Docteur ès Lettres, il est maître-assistant (1969-1978) et enfin professeur (1978-1988) à l'université Paris I où il dirige à La Sorbonne l'unité de formation et de recherche (UFR) de philosophie, préalablement unité d'enseignement et de recherche (UER), 17 rue de la Sorbonne (Paris V)[5]. Depuis 1988, il y était professeur émérite[6].
Agrégé de philosophie et docteur ès lettres, Marcel Conche a produit une œuvre à la fois abondante et variée, qui traite de nombreuses questions de métaphysique. Dans ses premiers ouvrages, il a développé une métaphysique générale et vaste, avec des études sur la mort (La Mort et la Pensée, 1975), le temps et le destin (Temps et destin, 1980), Dieu, la religion (Nietzsche et le bouddhisme) et les croyances, la nature, le hasard (L'Aléatoire, 1989), la liberté enfin.
Dès son plus jeune âge, la notion de Dieu perdit toute espèce de consistance aux yeux de Marcel Conche :
« L'expérience initiale à partir de laquelle s'est formée ma philosophie fut liée à la prise de conscience de la souffrance de l'enfant à Auschwitz ou à Hiroshima comme mal absolu, c'est-à-dire comme ne pouvant être justifié en aucun point de vue[7]. »
Bien qu'élevé dans le christianisme, Conche a très tôt rejeté l'explication théologique du monde. Sa philosophie ne conçoit pas l'existence de Dieu ; en cela, il est philosophe athée[8]. Néanmoins, si la philosophie se coupe par essence de la théologie, elle ne doit pas se constituer en science ni prétendre vouloir le faire.
Conche soutient (en prenant pour base son expérience personnelle) que le questionnement philosophique naît « par l'essor spontané de la raison » : « La philosophie, c'est l'œuvre de la raison humaine et elle ne peut pas rencontrer Dieu[7]. » C'est pourquoi il s'est toujours senti proche de la philosophie grecque qui commence avec Anaximandre, « le premier écrivain philosophe ».
Selon Conche, les grands penseurs modernes (Descartes, Kant, Hegel) ne sont pas des philosophes authentiques car ils ont voulu utiliser « la raison pour retrouver une foi pré-donnée ». Ils n'ont par ailleurs pas compris ce qu'est la philosophie comme métaphysique puisqu’ils ont tenté d'en faire une science, ce qui apparaît à Conche comme une erreur fondamentale :
« La philosophie comme métaphysique, c'est-à-dire comme tentative de trouver la vérité au sujet du tout de la réalité, ne peut pas être de la même nature qu'une science. Elle est de la nature d'un essai, non d'une possession : il y a plusieurs métaphysiques possibles, parce qu'on ne peut trancher quant à ce qui est la vérité au sujet de la façon de concevoir la totalité du réel. La métaphysique n'est donc pas affaire de démonstration, mais de méditation[7]. »
Le vrai philosophe de l'époque moderne serait Montaigne (Montaigne et la philosophie), car il a réussi, de l'avis de Conche, à écrire son œuvre indépendamment des croyances collectives de son époque (tout à la fin des Essais, Montaigne recommande non son âme, mais la vieillesse, non au dieu chrétien mais à Apollon).
Dans son naturalisme, Conche soutient la phusis grecque, la nature au sens le plus englobant du terme :
« L'absolu pour moi, c'est la nature. La notion de matière me paraît insuffisante. Elle a d'ailleurs été élaborée par les idéalistes et c'est hors de l'idéalisme que je trouve ma voie. Il est très difficile de penser la créativité de la matière. […] La nature est à comprendre non comme enchaînement ou concaténation de causes, mais comme improvisation ; elle est poète[7]. »
Il retrouve sur ce point la pensée des présocratiques, avec lesquels il ne cesse de dialoguer sur le tout de la réalité (en particulier dans Présence de la nature, 2001) :
« L'homme est une production de la nature et la nature se dépasse elle-même dans l'homme. En donnant des aperçus sur la nature qui se complètent, les présocratiques sont tout à fait différents des philosophes de l'époque moderne qui, eux, construisent des systèmes qui s'annulent. Parménide nous révèle l'être éternel, Héraclite, le devenir éternel, Empédocle, les cycles éternels. Il y a une complémentarité entre eux. De la même façon, les poètes se complètent. La physis grecque ne s'oppose pas à autre chose qu'elle-même, alors qu'au sens moderne la nature s'oppose à l'histoire, à l'esprit, à la culture, à la liberté. La physis est omni-englobante[7]. »
Soucieux du devenir de la planète, il se revendique « en faveur de ce que l'on appelle la décroissance[9] ».
La pensée de Conche sur ce sujet a évolué au fil de sa vie et de ses lectures de philosophes grecs tels que Pyrrhon, Héraclite et Parménide.
Longtemps, Conche a été sensible au « caractère transitoire de toute chose, au caractère évanouissant des êtres finis », donnant une interprétation neuve du pyrrhonisme : le scepticisme de Pyrrhon consiste à affirmer qu'on ne peut connaître le fond des choses (l'être) ; on ne peut être certain que de la façon dont elles nous apparaissent.
Conche a montré que cette distinction fondamentale entre être et apparence est dépassée chez Pyrrhon car, en définitive, il n'y a plus d'être ; tout apparaît en un éclair puis s'évanouit, intuition que l'on retrouve chez Montaigne : « Car pourquoy prenons-nous titre d'estre, de cet instant qui n'est qu'une eloise [un éclair] dans le cours infini d'une nuict eternelle[10] ? » Cette métaphysique de l'être débouchait sur ce que Conche appelle un « nihilisme ontologique ».
Cette première conception a évolué avec la prise de conscience d'une distinction entre « temps immense et temps rétréci », soit le temps de la nature et le temps dans lequel nous pensons. Le « tout s'écoule » d'Héraclite apparait alors intemporel : « Mais en définitive, il m'est apparu que le « tout s'écoule » est éternel, que le devenir est éternel. Donc la nature est éternelle : c'est ce qu'avait dit Parménide[7]. »
Ses travaux en histoire de la philosophie font autorité, par exemple ses éditions de Lucrèce ou d’Épicure. Il a consacré de nombreux commentaires, traductions, et études sur les auteurs de l’Antiquité, notamment Pyrrhon et surtout les présocratiques, à savoir Héraclite, Anaximandre et Parménide, ainsi que des auteurs asiatiques tels que Lao-Tseu (auteur du Tao Te King). Conche a également effectué des études critiques sur Hegel et Bergson. Il s'est fait le défenseur de Heidegger en refusant de voir en lui un nazi et a publié en 1996, aux Éditions de Mégare, un Heidegger résistant.
Ses réflexions sur la morale s'articulent autour des thèmes suivants : fondement de la morale et distinction essentielle entre la morale et l'éthique. La morale traverse toute son œuvre, depuis Orientation philosophique (1974), et ses réflexions atteignent une densité particulièrement forte dans Le Fondement de la morale (1982).
Conche a résumé sa position sur la morale ainsi :
« [elle se fondera] sur le simple fait que vous et moi pouvons dialoguer, et nous nous reconnaissons par là même comme également capables de vérité et ayant la même dignité d’êtres raisonnables et libres. Et une telle morale, impliquée dans tout dialogue, différente aussi bien des morales collectives que des éthiques particulières, a bien un caractère universel, puisque le dialogue avec n’importe quel homme est toujours possible, en droit. »
Marcel Conche se revendique également pacifiste (il a dénoncé le conflit engagé en 2003 par les États-Unis en Irak) :
« Personnellement, je reste pacifiste. Ma position universalisable, mais ne pouvant être universalisée, reste abstraite, contradictoire. Fondamentalement, pour moi, le rôle de l'homme politique consiste à établir la paix, ce que de Gaulle a très bien compris. Vouloir réaliser la démocratie en l'exportant par la guerre, c'est criminel[7]. »
Marcel Conche était membre correspondant de l'Académie d'Athènes et citoyen d'honneur de la ville grecque de Mégare.
Il est lauréat de l'Académie française avec le prix Langlois pour son édition d'Héraclite en 1987 et pour l'ensemble de son œuvre en 1996 avec le prix Moron. Il a reçu la médaille d'honneur de la Sorbonne en 1980.
Et nombreux articles dans des journaux philosophiques comme Raison Présente, Enseignement Philosophique, Revue philosophique, Le Nouvel Observateur hors série, Magazine littéraire, etc.