Naissance |
Dole (Jura) |
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Décès | (à 73 ans) |
Activité principale |
écrivaine, scénariste |
Distinctions |
chevalier Arts et Lettres |
Langue d’écriture | français |
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Genres |
romans, essais |
Œuvres principales
La Bougeotte (roman),
Massinissa le Berbère (roman),
Grammaire du cinéma (essai cinéma, coauteur),
Le Personnage (essai cinéma, coauteur)
Marie-France Briselance, née le à Dole, dans le Jura), morte le à Paris (19ème), est une écrivaine, essayiste et scénariste française.
Après une maîtrise d'Histoire de l'art, sous la direction de Jacques Thuillier[1], Marie-France Briselance bifurque vers le cinéma, analysé en tant que source historique propre, et fait partie des tout premiers étudiants de Marc Ferro à l'École pratique des hautes études de Paris.
En 1975, Marie-France Briselance écrit pour FR3 (France 3) les séries Les Indiens d’Amérique du Sud, puis Les Indiens d’Amérique du Nord. Malgré leur courte durée (12 fois 13 minutes) et la modicité de leurs budgets (pas de tournage professionnel sur place, mais des reproductions de peintures et de gravures et des extraits de films de voyage), l’impact commercial est important, les deux séries sont vendues à une quarantaine de pays et diffusées à l'époque aux États-Unis par l’Université de Princeton. Le commentaire adopte le point de vue même des Indiens. Télérama[2] et L’Humanité[3] accompagnent la présentation de cette série pour la jeunesse par des articles de fond sur les Indiens du Nord. Télérama[4] livre même une couverture exceptionnelle, avec une gravure du voyageur et dessinateur George Catlin, montrant un chasseur de bisons.
Ces émissions sont destinées aux créneaux « jeunes ». « Si cela continue, écrit Claude Sarraute, on va finir par faire comme les enfants, s'instruire à la sauvette, avant dîner, profiter de ces documentaires découpés à leur intention en tranches minces, faciles à avaler, à digérer. Un régal : clarté, simplicité, pas d'effets, des images, des faits. Surprenant parfois[5]. » Si la série sur le Nord utilise des musiques prises sur le vif, Les Indiens d’Amérique du Sud bénéficie d’une musique originale due au chanteur péruvien Waskar Amaru, qui fait l’objet d’un disque vinyle.
En collaboration avec son mari, Jean-Claude Morin, réalisateur et scénariste, Marie-France Briselance crée en 1978 une série spéciale, Les Aventuriers de la mer, toujours pour FR3. C’est l’histoire de la piraterie et de la course, agrémentée d’extraits de films de fiction, où corsaires et pirates croisent le fer avec les marines officielles. Cette série n’est pas destinée à être vendue à l’étranger, à cause de ces extraits dont les droits ne sont acquis par la chaîne française que pour un seul passage sur son antenne. Télérama[6] lui consacre sa couverture. L’un des épisodes, diffusé le 9 mars 1980, est intitulé Les Négriers. Télérama annonce l'émission : « Un commerce triangulaire : les négriers quittent l'Europe, les cales chargées de bimbeloterie, qu'ils échangent, sur la côte africaine, avec des esclaves emmenés en Amérique et vendus aux colons. Les bateaux regagnent ensuite l'Europe, chargés de marchandises américaines... C'est ainsi que des millions d'Africains furent arrachés à leur terre d'origine. »
En 1975, pour Le Monde diplomatique, Marie-France Briselance avait écrit un article : « Le Noir dans le cinéma blanc ».
Trois ans plus tard, pour FR3, elle écrit une nouvelle série pour la jeunesse, Les Africains. Dans les quatre premiers épisodes, avec le concours du chercheur malien Youssouf Tata-Cissé, elle raconte le Moyen Âge de l’Afrique occidentale, avec les grands empires fondateurs, l’empire du Ghana (ruines de sa capitale Koumbi), dit empire du Wagadou, et l’empire Songhaï (capitale Gao). Les deux autres épisodes évoquaient "La Traite" (dite "Commerce triangulaire" ou "Commerce du bois d'ébène") et "Le Partage de l'Afrique". « Un commentaire précis et émouvant, qui ne sombre jamais dans la monotonie du documentaire. Une belle saga qui mériterait une plus large audience » note Télérama[7]. Allusion faite à la destination jeunesse de la série. « Le retour aux sources que M.-F.Briselance nous fait faire en fédérant les matériaux les plus disparates autour d'un commentaire simple et efficace, nous restitue à la fois une subjectivité africaine et une objectivité historique. Les charmes artistiques du récit et une information riche, formatrice, sur ce que fut l'Afrique avant nous, sans nous, ni un pays de cocagne peuplé d'idylliques sauvages, ni un monde sans culture et sans industries, un monde d'hommes avec sa part belle d'ignominies, sa soif inépuisable de justice, ses exploiteurs et ses exploités, un monde toujours remis en question. » souligne le quotidien Midi-Libre[8].
Au cours du Quinzième MIPTV (Marché International des Programmes Télévision), l'envoyée spéciale à Cannes du Figaro, Marie-Dominique Lancelot, rapporte ce succès dans un article intitulé Les Enfants d'abord, paru en mai 1979 : « On se presse sur le stand de FR3 pour visionner à tours de regards Les Africains, série qui fait une digne suite aux Indiens »[9]. Le service commercial de FR3 estimait à plus de quarante les acheteurs potentiels des Africains.
Marie-France Briselance écrit en 1981, avec la collaboration de Jean-Claude Morin, Les Rats de cave. L'inspecteur Armagnac (Sim) est un rat de cave, c'est-à-dire un inspecteur des contributions, chargé de vérifier le stockage des alcools dans les caves, éclairé avant l'arrivée de l'électricité par un maigre lumignon du même nom, un rat de cave. Armagnac enquête sur un groupe de bouilleurs de crus interlopes dirigé par un certain Bourguignon (Romain Bouteille) qu'il défie à la fin en duel au pistolet. La particularité de l'esprit de fouine d'Armagnac, c'est qu'il raisonne par analogie, ce qui ne manque pas de provoquer dans ses recherches de nombreux quiproquos, mais le mène irrésistiblement à trouver la solution. La critique Carole Sandrel écrit : « C'est une joyeuse fantaisie où tout est permis : jeux de mots, à peu près, coq-à-l'âne. Chercher une vraie trame à cette histoire folle est inutile. La gaieté, la bonne humeur, les gags et les idées priment »[10]. En "Brigade anti-goutte", spécialiste de la bavure policière, le groupe Ange participe à ce film, en référence aux années 1950, où l'on appelait également "rats de cave" les jeunes qui fréquentaient à Paris les sous-sols de Saint-Germain-des-Prés, découvrant les charmes du rock'n'roll.
Le second téléfilm, Le Brin de muguet, diffusé en 1984, est sur un registre tout à fait opposé. L'histoire raconte comment un vieil amoureux transi (Sim) en vient à perpétrer un crime parfait pour se débarrasser du mari (Jean-Yves Gautier) de la femme qu'il aime (France Dougnac). Il connaît bien l'arme du crime, c'est la marée. Citons Télérama : « Dans son premier rôle dramatique, vous allez découvrir un Sim méconnaissable : plus de grimaces, plus de tics. Sur son visage mangé par la barbe, seul le regard parle. Et avec une intensité pathétique. Il y a en particulier cette scène d'amour - ou plutôt, ce dialogue avec Marie - où passe une immense tendresse de chien fidèle. »[11]
En 1984, Marie-France Briselance publie son premier roman, Dames sans rois, qui raconte les tribulations amoureuses et professionnelles d'une jeune historienne, Catherine, qui épouse une haute-contre dont la fidélité n'est pas le premier souci. Pierrette Rosset intitule son article dans Elle : "Le grand air de Marie-France". « Elle n'est pas banale !... Ce que l'on ne vous a pas encore dit, c'est que Marie-France Briselance a la manière, le truc, la magie, bref, le style. Cette jeune femme aux cheveux frisés et au nez pointu (un nez très amusant), a l'art de rhabiller le quotidien et de nous le servir fort changé (et mystérieusement ressemblant)... "J'aurais aimé être cantatrice, soupire Marie-France, mais je chante faux." Seulement, coup de chance, elle écrit juste »[12]. Martine Laval, dans les pages Livres de Télérama, conclut : « Un premier roman plein d'humour corrosif et de tendresse. Tonique comme de la vitamine ! »[13] Quant à Bertrand Jérôme, dans son émission radio Le Cri du homard, il relève « une désinvolture qui n'est pas pour nous déplaire, un manque de sérieux réconfortant »[14]. Tandis que Guy Mauratille s'offusque un peu des libertés que prend l'écrivain : « N'étaient une crudité de langage et quelques descriptions scabreuses, cet excellent roman pourrait rallier le lecteur le plus difficile tant l'histoire est drôle, le ton impertinent, l'humour décapant. Une multitude de personnages bien ciselés »[15]. Dans Lu, Bernard Guérin écrit : « Dames sans rois s'impose par une invention continuelle, une drôlerie qui fait rire, certes, mais souvent émeut, car l'auteur a le réel talent de ne pas se départir du ton qui lui est propre, fait d'une férocité toujours à l'affût mêlée d'ironie tendre »[16].
Son deuxième roman, La Bougeotte, sera adapté en téléfilm pour France 3 en 1996, ce qui provoquera une réédition chez Buchet-Chastel et pour Le Grand Livre du mois. « Avec son humour, sa fantaisie et sa tendresse pour les petites gens, Marie-France Briselance n'est pas sans rappeler Louis Pergaud et Marcel Aymé, deux écrivains pour lesquels elle éprouve une tendresse débordante. Coïncidence ? »[17] Intitulant son article "In the mama", la revue Lesbia, malgré et peut-être à cause du personnage de la mère, femme "hétérote", affirme : « eh bien, on ne peut s'empêcher de tomber sous le charme dès les premières pages... La mère, dans ce roman, n'est pas seulement une femme, elle représente LA femme dans toute sa splendeur et dans tout son destin... Parmi tous ses enfants, son préféré restera toujours son mari »[18].
En 1988, Jeune Afrique Livres commande à Marie-France Briselance deux tomes d'une L'Histoire de l'Afrique. Le premier, « Les Grands royaumes » , couvre l'histoire jusqu'à l'an 1000, le second de l'an 1000 jusqu'aux indépendances de la seconde moitié du vingtième siècle (non traitées). Ils paraissent avec une préface de Siradiou Diallo.
Massinissa le Berbère remet à l'honneur le Charlemagne de l'Afrique du Nord, le roi Massinissa (238 av. J.-C.-148 av. J.-C.). Marie-France Briselance recherche ses sources dans l'ouvrage d'Appien d'Alexandrie, Des guerres des Romains, l'historien grec. La Presse de Tunis analyse le texte du roman : « Le but de l'auteur n'est pas seulement de reconstituer les événements d'une manière concrète, et de peindre ces sociétés, leurs mœurs et activités mais également de réfuter les idées reçues... Ainsi Massinissa qu'elle réhabilite : c'est une invitation à l'esprit critique du chercheur... Dans cet ouvrage, nous sommes loin des cours théoriques de l'histoire de Carthage, des Numides et des Romains, mais au cœur même de la Numidie au IIe siècle avant l'ère chrétienne »[19]. Le Journal du Parlement conclut : « Plus qu'instructif, ce livre est indispensable aux amateurs de l'Histoire de l'Afrique du Nord »[20].Dans le Magazine littéraire, Pierre-Robert Leclercq estime que l'auteur, « historienne, n'a rien négligé des écrits portant sur la vie de Massinissa et du monde de son temps. Mais elle n'a pas oublié qu'elle est romancière »[21]. Le succès du livre en Afrique du Nord (4 éditions différentes en français, 1 édition en arabe) infléchit l'image négative liée à Massinissa. La dernière réédition est parue en Algérie en 2012.
C'est en feuilletant les papiers militaires de son arrière-grand-père qui avait tiré au sort un mauvais numéro lui imposant un service militaire de six ans, que Marie-France Briselance découvre que son ancêtre - mort dans son lit, dans la région de Morteau où son passé militaire lui avait valu l'obtention d'un débit de tabac, peu rentable car en pleine zone de contrebande - avait participé à la Campagne de Cochinchine, sous le règne de Napoléon III, au milieu du XIXe siècle, qui fit du Viêt Nam une colonie française. L'écrivain obtient une Mission Stendhal des Affaires étrangères, qui lui permet de séjourner au Viêt Nam pendant six semaines, au moment où le pays commençait frileusement à ouvrir ses portes aux étrangers. Elle écrit son quatrième roman : L'Impératrice et le marsouin. Le personnage de Benjamin est un marsouin, c'est-à-dire un artilleur des Troupes de marine (infanterie dépendant de l'Armée de terre). Là-bas, ses qualités d'écoute lui font assimiler rapidement la langue vietnamienne. Du coup, il devient le traducteur du régiment et chapeaute même deux Annamites, Petrus et Paulus. Au début, le latin qu'ont enseigné les missionnaires bien avant l'expédition militaire, permet de communiquer entre les Français (Benjamin a été enfant de chœur) et les indigènes catholiques. L'hebdomadaire catholique La Vie écrit : « Un style fluide, prompt à passer du rire à l'émotion, l'art de trousser un récit, le sens du suspense sont autant d'ingrédients qui concourent à faire de L'Impératrice et le marsouin un roman captivant qui se lit d'une seule traite. »[22]
Marie-France Briselance écrit son dernier roman, La Lectrice à la sandale, un texte court - moins de 100 pages - marqué par le désespoir. Le titre rappelle le suicide du philosophe grec Empédocle, dont on ne retrouva sur les flancs brûlants de l'Etna que ses deux sandales, soigneusement rangées côte à côte. C'est dans l'Ill, la rivière qui traverse Strasbourg, que se jette cette lectrice qui travaille à traduire des papyrus égyptiens dormant dans les rayonnages de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Ils relatent comment Petésouchos et Kephalas, tisserands dans l'Égypte occupée par les Romains, comprennent que "le chemin est bloqué" quand les scribes viennent leur demander de payer l'impôt, ce qui leur est impossible, compte tenu de leur misère, et que les hommes de mains des scribes les noient dans le canal d'irrigation. Sous la plume de Pierre-Robert Leclercq, on peut lire dans Le Monde : « Un RMI ne sauve pas du désespoir. Le sujet est devenu banal, mais, et c'est là toute la force de son récit, (l'auteur) le traite d'une façon des plus originales... En un texte dense et sans sensiblerie, cette nouvelle nous dit sur les exclus plus que de longs discours »[23].
Tout en continuant à écrire des documentaires diffusés par France 3, Marie-France Briselance crée et dirige un atelier d’écriture de scénarios à l’Université Bordeaux III Michel de Montaigne, de 1993 à 2007, et dirige la pédagogie du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle (CEEA – Paris) de 2001 à 2003.
Marie-France Briselance fait partie du Comité de direction de la Société des gens de lettres, administratrice, vice-présidente ou secrétaire générale, de 1984 à 2010, et lance notamment l’idée qui débouche sur la création par la SGDL et le Syndicat national de l'édition (SNE), de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA), société de perception du droit de prêt en bibliothèque, à laquelle les pouvoirs publics donnent en 2004 la mission de financer à 50% la retraite complémentaire des écrivains qui en étaient dépourvus jusqu'à présent.
Le 15 novembre 1996, sous son nom marital, Marie-France Morin, elle a été nommée Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Culture.
En 2006, Marie-France Briselance est atteinte d'une maladie dite « orpheline », donc très rare, le syndrome de Benson. Elle en meurt douze ans plus tard, le 20 novembre 2018. Ses cendres reposent au columbarium du cimetière du Père Lachaise, urne 17291.