Blason corse

La noblesse corse se distingue de celles du continent par les nombreuses évolutions de sa définition, liées aux particularités de la culture et de l'histoire insulaire. À l'époque contemporaine, elle n'a pas exercé de rôle prépondérant en lien avec son statut et son acceptation est sujette à des variations selon les époques, les régions et les personnes.

Traits généraux

À l'instar de ce qui se fit sur le continent, la première apparition de la noblesse en Corse peut être datée du temps de Charlemagne. Ainsi, de nombreuses familles se réclament du mythique Ugo Colonna, comte de Corse, envoyé par l'Empereur pour délivrer l'île du joug des Maures. Une noblesse féodale se mit en place au XIIe siècle, comme relais entre la république de Pise et les populations insulaires. Au XIVe siècle, se produisit une grande jacquerie, menée par un moine semi-mythique, Sambucucciu d'Alando, qui chassa les seigneurs de cismonte (fr : deçà-des-monts, c'est a dire l'actuelle Haute-Corse) et fit appel aux Génois. La "terre du commun" (Terra del Comune : Gênes) naquit alors, dominée néanmoins par une pseudo-noblesse féodale, celle des caporali, ou caporaux, ancêtres des chefs de clan. Plus tard, ces familles dites caporalices, revendiqueront leur filiation avec un "Caporal" (capurale), notable villageois ou régional, élu au Moyen Âge pour jouer un rôle d'intercession et de protection.

Divers fiefs perdurèrent cependant, dans le Cap corse et dans le pumonte (l'au-delà-des monts -Corse-du-Sud), dénommé également "Terre des Seigneurs" (Terra di i Signori). À cette époque du Moyen Âge, divers féodaux corses tentèrent en vain d'établir leur pouvoir sur toute l'île en profitant des conflits répétés entre Gênes, puissance alors dominante de l'île et ses différents voisins, notamment le royaume d'Aragon[1].

La victoire définitive de Gênes, contre les seigneurs insulaires mais surtout contre les nations rivales, en 1565, sonne le glas des prétentions des féodaux et caporaux. Durant la période de domination directe de l'île par Gênes, la superbe république va progressivement éliminer cette classe sociale. Les fiefs, bien que respectés, diminuent en nombre. Dans le même temps, Gênes ne reconnait comme nobles que les membres de son propre patriciat, sans pour autant y inscrire de familles insulaires mais elle distribue largement les récompenses, dites benemerenza qui peuvent, d'une certaine manière être assimilées à une marque de noblesse, étant donné que leurs receveurs reçoivent les privilèges du port d'arme et d'exemption de la taille (taglia), faveurs caractéristiques de la noblesse partout ailleurs en Europe. Néanmoins, le très grand nombre de receveurs, un tiers des familles de la notabilité insulaire limite ce sentiment aristocratique. L'institution des Nobles XII et Nobles VI, réservées aux insulaires semblent un critère plus satisfaisant pour définir la noblesse corse à l'époque génoise, bien qu'aucune preuve de noblesse ne soit demandée pour être membre de ces institutions. À cela, il faut encore rajouter que certaines familles corses sont alors anoblies par des puissances étrangères, à Venise, à Parme, en Espagne et en France.

La conquête de l'île (1768-1769) change la donne. Il est de première importance de recréer en Corse le deuxième ordre et de façonner la société insulaire sur le modèle français, projet que la monarchie réclamait à Gênes depuis de très nombreuses années déjà, comme sauvegarde de ses différentes missions de pacification.

Durant les quelques années qui s'écoulèrent entre la conquête de l'île et la Révolution française, vont être reconnues comme nobles, plus de quatre-vingts familles. Dans un premier temps, tout noble est invité à se faire connaître auprès du gouvernement royal de l'île, en apportant la preuve de ses quatre quartiers de noblesse. Or la noblesse n'existant pas, ou limitée à un tout petit nombre de familles d'extraction féodale, ces preuves, comme la vérification française ne sont pas de la plus extrême rigueur. Les familles qui se présentent sont ainsi les maisons d'extraction patricienne génoise, issues des présides ou place-fortes du littoral et par conséquent demeurées fidèles à Gênes, les maisons féodales et surtout un certain nombre de maisons prétendument nobles, commerçantes, militaires, propriétaires terriens, considérées comme seigneurs en leurs domaines.

Ainsi, la noblesse française d'Ancien Régime en Corse, au sens strict, ne comprend que ces quelque quatre-vingts familles auxquelles ils convient d'ajouter les familles anoblies sous l'Empire et la Restauration.

Familles féodales corses

Familles corses de noblesse génoise

Familles caporalices

Ce phénomène mérite sans doute d'être mieux cerné, puisqu'aux caporaux "historiques", s'ajouteraient toutes les familles, très nombreuses, qui ont occupé le poste de "caporal" dans leur village, jusqu'à la Révolution française.

Plusieurs ouvrages présentent une liste des familles caporalices, notamment :

La noblesse théodorienne

Longtemps négligés, les titres conférés en 1736 par l'éphémère roi Théodore de Neuhoff (1694-1756) sont désormais considérés de manière plus sérieuse, en partant du principe que le baron westphalien fut un monarque acclamé par les principaux notables de l'Île et, de la sorte, légitime.

Divers ouvrages recensent les titres conférés à ses compagnons et dignitaires du régime: marquis, comtes, chevaliers. Là encore, Colonna de Cesari Rocca avait posé les bases tout en reconnaissant que les documents authentiques font souvent défaut et que le souvenir des titres reçus s'est même perdu dans certaines des familles qui en ont bénéficié :

F. Demartini, dans son Armorial corse (avec une "Introduction" de Michel Vergé-Franceschi), s'est avancé plus loin en prenant réellement au sérieux cet épisode du point de vue du droit nobiliaire. François Antoine Mariani, dans Les Malaspina de Speloncato, affirme qu'Antoine Marc Malaspina aurait lui aussi bénéficié d'un titre de comte[14].

Dans son ouvrage Paoli un Corse des Lumières (2005), Michel Vergé-Franceschi dresse en annexe une liste des personnalités théodoriennes, où il mentionne de nombreux titres concédés par Théodore qui allongent un peu la liste ci-dessus.

Liste des familles reconnues nobles ou anoblies par la couronne de France

Familles reconnues nobles par le Conseil Supérieur de la Corse (« RNF »)[15]. (NB : nombre de ces familles adoptèrent très vite la pratique française de la particule qui est indiquée ci-dessous entre parenthèses ; placée devant le patronyme, elle est alors bien une « particule nobiliaire » ; si son utilisation semble n'avoir pas fait l'objet d'abus, notamment dans les branches restées hors de la RNF, son absence n'est quant à elle pas nécessairement un signe d'exclusion).

Premier Empire

Second Empire

Les Sgiò

Son acception est variée : au sens large, il désigne certains hommes la classe des propriétaires terriens qui emploient les paysans sur leurs terres.

Au sud, terre des seigneurs, ce mot se teinte d'une connotation quasi féodale, dans l'esprit du clan et les sgiò sont très peu nombreux.

Au nord, terre du commun, il désigne une bonne partie des adultes hommes de la première classe sociale. Ce terme est ainsi attribué automatiquement aux magistrats, médecins "U sgiò duttore", aux hommes politiques locaux ou régionaux (les maires notamment), à certains prêtres " U sgiò piuvanu" et enfin, aux personnes envers qui on est profondément redevables. Néanmoins le titre était, dans les faits, quasi héréditaire et était alors suivi du prénom, " U sgiò Michele". Seuls quelques hommes, vieillards ou serviteurs particulièrement appréciés, pouvaient tutoyer et substituer au vocatif "O sgiò Matteu" un "O cumpà", presque démocratique. L'épouse et la mère d'un sgio avaient le titre correspondant de signora : "A signora Paulina".

C'est le caractère informel et presque spontané de cette appellation qui fait qu'on ne peut le définir comme un titre de noblesse au sens juridique. Toutefois, on peut soulever qu'à l'instar de la noblesse ailleurs, les familles de Sgiò, qu'elles soient d'origine noble, simplement des notables ou de grands propriétaires, adoptent les mêmes usages que la noblesse, en particulier pour les alliances: les Sgiò se marient entre eux et les alliances au sein d'une même famille sont fréquentes pour maintenir les patrimoines.

Le XIXe siècle est le temps d'un renouvellement des élites insulaires. On peut les nommer les noblesses, car bien des anciennes familles en font évidemment partie et les nouvelles imitent leur comportement. En fait il s'agit désormais d'une notabilité liée à la puissance électorale et toujours foncière. L'hérédité sur quelques générations des charges politiques reste la règle. Les membres de cette catégorie sont appelés "sgiò", appellation dérivé de l'italien "signor" signifiant à l'origine "seigneur", il s'agit plutôt d'un "Monsieur" très déférent, traduction que donnent la plupart des linguistes actuels mais qui n'est pas satisfaisante. Monsieur en effet est banalisé dans l'usage actuel alors qu'en présence d'un sgiò, le villageois, berger ou tenancier, utilisait le vocatif (O sgiò Natale...), mettait bas la coiffure et, bien sûr, vouvoyait. On pourrait le traduire par l'anglais Sir ou un "Maître" particulièrement déférent. Dans une conversation l'usage était de laisser tre passi (3 pas) entre le supérieur et l'inférieur. Certains sgiò avaient de gros chiens dressés à faire respecter la distance.

L'appellation de sgiò n'est plus guère donnée à l'oral aux notables depuis le début des années 1960, phénomène lié aux évolutions de la société rurale insulaire mais aussi à la régression de la langue corse.

De nos jours, cette notabilité presque aristocratique sans titulature perdure dans les diverses lignées d'hommes politiques corses qui dominent la politique insulaire, parfois depuis le Second Empire ou la 3e République[1].

Familles n'ayant pas fait de demande de reconnaissance auprès de la couronne de France

Cette liste contient les noms de quelques familles anciennes et notables n'ayant pas effectué de demande à partir de la conquête française. Le phénomène de demande de reconnaissance commence à partir de 1770 : certaines familles font des demandes et obtiennent des reconnaissances. D'autres, "toutes aussi titrées que les précédentes comme les Lanfranchi, les Pandolfi, les Giudicelli ou les Ettori, ne le firent pas (…) ceux qui négligèrent de postuler semblent avoir fait un faux calcul, persuadés que, comme les fois précédentes, le roi de France, après avoir pacifié la Corse, la restituerait à la République de Gênes"[20]. Cette question de la reconnaissance de la noblesse est une question complexe dans une île où les origines nobiliaires des familles sont multiples.

Notes et références

Notes

  1. . Le terme castrum est utilisé dans le sens que lui donnent les textes médiévaux relatifs à la Corse, c'est-à-dire à la fois de fortification isolée et/ou d'habitat fortifié associé à un château, dont Ortifusci et Mutula - Daniel Istria

Références

  1. a et b La tragique histoire des corses, Dom Jean-Baptiste Gaï, Ed. S.A.P.R.A.
  2. Giovanni della Grossa, Chronique de la Corse, Ajaccio,, Alain Piazzola,
  3. « Edition numérique critique de la chronique de Giovanni della Grossa. », sur Edition numérique critique de la chronique de Giovanni della Grossa, (consulté le )
  4. Pierre-François di Cara, Les Cortinchi, une famille aristocratique en Corse au Moyen-Âge, XIIIe – XVe siècles., Lyon, Université Lyon III, , 232 p.
  5. a b c et d Giovanni (1388-1464) della Grossa, « Chronique de Giovanni della Grossa », sur 24v, 14.. (consulté le )
  6. La corse génoise, Économie, Société, culture, Antoine-Marie Graziani, Ed. Alain Piazzola
  7. En 1528, Andrea Doria établit la liste des vingt-huit familles nobles génoises capables d'occuper des charges de gouvernement et de parvenir à la dignité de Doge: Calvi, Cattanei, Centurioni, Cibo, Cigola, Doria, Fieschi, Fornari, Franchi, Gentili, Giustiniani, Grilli, Grimaldi, Imperiali, Interiani, Lercari, Lomellini, Marini, Negri, Negroni, Pallavicini, Pinelli, Promontorj, Salvaghi, Sauli, Spinola, Vivaldi, Vesodimari.
  8. a et b Selon l'intendant Chardon, "Il n'y a que deux familles nobles à Bonifacio : la Maison Doria et la Maison de Galiano (toutes deux d'origine génoise) formant en tout huit gentilshommes" (en 1769)
  9. Selon l'intendant Chardon, « Il n'y a (en 1769) que deux familles nobles à Bonifacio : la Maison Doria et la Maison de Galiano (toutes deux d'origine génoise) formant en tout huit gentilshommes »
  10. « Jugement du Tribunal de Corté concernant la rectification du nom de famille Montera, page 165 », sur www2.cg2b.fr, (consulté le )
  11. Originaire de Savone, reconnue noble en France en 1782.
  12. Famille de corsaires génois, reconnue noble en France en 1788. Antoine Marie Suzzarelli fut député à la Convention en 1793.
  13. Blasons de la famille de Suzzoni à Bastia, corsicatheque.com, 2013.
  14. Ouvrage en ligne, p. 12, qui cite notamment une lettre du roi Théodore adressée au "Très cher comte Malaspina" [1]. Cette distinction n'est pas surprenante, d'autant plus que ce personnage était cousin germain du général-comte Simon Fabiani
  15. a et b Armorial Corse de François Demartini; Nouvel Armorial de Corse de Jean-Christophe Orticoni, Armorial de Corse de Colonna de Cesari Rocca
  16. a b c d e f g h et i Pierre-Paul Raoul Colonna de Cesari Rocca, Armorial corse, Paris, Jouve,
  17. Acte de RNF publié in Jacques Meurgey: Les barons Mariani et leurs alliances, Imprimerie Daupeley-Gouverneur, Nogent-le-Rotrou, 1933. Rattachement invoqué aux princes napolitains du même nom
  18. Alexandre Dumas père, le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis, 1848-1851, chapitre 17
  19. Ours-Jean Caporossi, d'après l'armorial de Corse
  20. Fernand Ettori, La maison de la Rocca, un lignage seigneurial en Corse au Moyen-âge, Ajaccio, Piazolla, , p.151-153
  21. Jean Tiburce de Mesmay, Horace Sebastiani, page 316
  22. a b c d et e Jean Rocca Serra, « Serra di Scopamène, commune mère de Sotta, commune fille (p.9) », sur cities.reseaudesvilles.fr, (consulté le )
  23. Colonna de Cesari Rocca, Armorial Corse, Paris, Henri Jouve, , 79 p., pp 45-46,La tradition fait descendre les Lanfranchi corses de Viggianello, Lévie, Aullène, Guitera et Muro de la famille noble Lanfranchi de Pise (...) arrêt de reconnaissance de noblesse de Gênes du 15.05.1592 (...)
  24. Cf. ouvrages de référence in bibliographie : François Demartini, Colonna de Cesari Rocca, Orticoni. Voir aussi, en ligne : http://www.tonton-pixel.org/fm/Les-Malaspina-de-Speloncato-eBook.pdf
  25. Colonna de Cesari Rocca : Armorial corse, pp 60-61, qui mentionne une origine lombarde et la possession d'un château féodal à Santa Reparata.
  26. Jean Tiburce de Mesmay, Horace Sebastiani

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Sources

Ouvrages généraux sur l'histoire de la Corse où il est fait état de questions relatives à la noblesse et aux familles notables ou influentes:

NB : les références bibliographiques complètes seront introduites sous peu

Ouvrages consacrés à la noblesse corse