Pierre-Daniel Huet
Portrait de Huet gravé par Gérard Edelinck d’après Nicolas de Largillierre (1686).
Fonctions
Évêque diocésain
Diocèse d'Avranches
-
Évêque diocésain
Diocèse de Soissons (-Laon-Saint-Quentin)
-
Fauteuil 21 de l'Académie française
-
Biographie
Naissance
Décès
(à 90 ans)
Paris
Sépulture
Domiciles
Formation
Activités
Période d'activité
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Autres informations
Ordre religieux
Consécrateur
Membre de
Maître
Genre artistique
Archives conservées par
D’azur à 3 grelots d’or contreposés, surmontés de 2 mouchetures d’hermine d’argent.
Tombe de Huet en l’église Saint-Paul-Saint-Louis (Paris, quartier du Marais).

Pierre-Daniel Huet, né à Caen le et mort à Paris le , est un philosophe, théologien et érudit français. Il est évêque de Soissons, évêque d'Avranches et membre de l'Académie française. Étudiant brillant et prometteur, il est à la fois un savant entreprenant, un théologien averti, un philosophe polémique, un mondain et surtout un grand exégète et apologiste des Écritures. La Censura philosophiae cartesianae (1689), les Alnetanae Quaestiones (1690) ainsi que le Traité philosophique de la faiblesse de l’esprit humain (1723), font partie d’un large travail d’apologétique chrétienne, s’inscrivant dans un fidéisme faisant de la foi l’égale de la raison.

Huet est connu à la fois pour son scepticisme chrétien et pour son anticartésianisme. Après avoir embrassé la philosophie de Descartes, il reproche à ce dernier la subordination de la foi à la raison, la faiblesse de l'argument du cogito, son innéisme des idées et le caractère méthodique du doute. Entré dans les ordres tardivement, il aura été marqué toute sa vie par une forte proximité avec les diverses communions chrétiennes, mais également avec les dogmes païens, en témoigne un de ses premiers ouvrages, publié sous le titre de Demostratio evangelica (1679).

Son importance au sein de la République des Lettres nous donne un témoignage important de la vie intellectuelle de son époque, à laquelle il participa activement.

Biographie

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Censura philosophiae Cartesianae, 1723.

Issu d’une famille d’origine protestante, Pierre-Daniel Huet perd ses parents à l'âge de cinq ans et est adoptée par l'épouse du mathématicien Gilles Macé. Huet fait ses études au collège des Jésuites de Caen. Il étudie également auprès du pasteur Samuel Bochart. À l’âge de vingt ans, il est déjà reconnu comme un des savants les plus prometteurs de son temps. Installé à Paris, il se lie d’amitié en 1651 avec Gabriel Naudé, bibliothécaire du cardinal Mazarin, et suit, l’année suivante, Samuel Bochart à la cour de la reine Christine de Suède. Il visite Leyde, Amsterdam et Copenhague et Stockholm, où il découvre dans la bibliothèque royale des fragments du Commentaire sur Saint Matthieu d’Origène, qu’il publie en 1668. Cette publication suscite une querelle sur la question de la transsubstantiation. C'est dans un épisode de cette querelle que Samuel Bochart meurt d'apoplexie lors d'une séance de l'Académie royale des Belles-Lettres de Caen.

Helléniste et latiniste, Huet s’occupe également de littérature, traduit les pastorales de Longus, écrit une nouvelle intitulée Diane de Castro et donne avec son Traité de l'origine des romans une histoire du genre romanesque qui, si elle tente sans succès d’en fixer les règles, n'en constitue pas moins une première. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, il prend le parti des premiers contre Perrault et Desmarets de Saint-Sorlin. Il publie des poésies latines et grecques, des œuvres philosophiques en latin et en français et un recueil de pensées, les Huetiana. Il est lié avec Pellisson, Conrart, Segrais, avec qui il finit par se brouiller, et Chapelain, dont il défend la Pucelle. Il fréquente aussi les salons de Madeleine de Scudéry et les studios des peintres. Il s’intéresse aux médailles et à leur origine, dont il discute avec Samuel Bochart, tout en apprenant l’arabe et le syriaque avec le jésuite Parvilliers.

Il combat le cartésianisme, après en avoir été, dans sa jeunesse, un admirateur, mais son biographe, l’abbé d’Olivet ne voit pas en lui pour autant un sceptique. La réception de son dernier ouvrage posthume, le Traité philosophique de la faiblesse de l’esprit humain divisa son lectorat à tel point que la paternité en est contestée. La plupart des commentateurs est outrée par le pyrrhonisme dont semble faire preuve Huet dans ses propos. Une querelle sur la nature du scepticisme de Huet voit alors le jour et se prolongera jusqu'à aujourd'hui. Si la plupart des commentateurs de Huet s'accordent sur la faiblesse de ses arguments sceptiques, certains comme Bartholmèss, soulèveront les preuves de pyrrhonisme pour mieux les condamner, tandis que d'autres, comme l'abbé Flottes, tenteront de laver Huet de tout soupçon pyrrhonien. Les critiques se concentrent essentiellement sur l'utilisation des dix tropes sceptiques d'Énésidème, rapportées par Sextus Empiricus, dans les treize preuves visant à montrer que l’homme ne peut rien connaître avec certitude par le secours de la raison. Le grand argument de Huet, qui lui valut autant de reproches, est d'estimer que "pour croire il est utile de ne pas croire[2]" (ad credendum utile esse non credere) ce qui paraissait incompatible avec le dogme catholique.

Il publie, avec l’aide d’Anne Dacier, une série des classiques latins ad usum Delphini, pour le dauphin, dont il a été sous-précepteur. Son goût pour les mathématiques le conduit à l’étude de l’astronomie, puis de l’anatomie, domaine où sa myopie l'oblige à s’intéresser presque exclusivement aux questions de la vue et de la formation de l’œil. Il se tourne ensuite vers la chimie et rédige un poème en latin sur le sel.

Devoir autographe du Grand Dauphin, avec corrections de Daniel Huet.

Membre de l’Académie royale des Belles-Lettres de Caen, il fonde dans cette ville une académie de physique en 1662. À Paris, chez les jésuites, il est membre d'une autre académie que subventionne Colbert et dont Michault a dit : « Le P. Oudin se rappelait toujours avec plaisir les doctes conférences du cabinet de M. Huet, où il eut plus d’une fois l’avantage d’être admis ». En 1670 Bossuet, nommé précepteur du Dauphin, s'adjoint Huet en qualité de sous-précepteur. Pierre-Daniel Huet est reçu le à l’Académie française, cela après avoir refusé auparavant de céder aux instances de Bossuet, Pellisson, Dangeau et Montausier. Il en mourra le doyen.

Entré dans les ordres en 1684, il est nommé à l’évêché de Soissons en 1685 avant de permuter en 1692, lassé d’attendre son intronisation, avec l’évêque d’Avranches, Fabio Brulart de Sillery. C'est sous son impulsion que les moniales du prieuré de femmes de Moutons, fondé vers 1120 à Saint-Clément, rejoignent l'abbaye Sainte-Anne d'Avranches qui s'appelle dès lors Abbaye Sainte-Anne de Moutons[3]. Déjà abbé de l'abbaye d'Aunay, en 1699 il échange son évêché contre l’abbaye Saint-Étienne de Fontenay[4] au sud de Caen, qu'il aménage et où il réside. Il passe les dernières années de sa vie dans la Maison Professe des Jésuites à Paris. Sur la fin de sa vie, il compose un Commentarius, des Mémoires.

Le roi racheta pour la Bibliothèque royale sa grande bibliothèque et ses manuscrits, qu’il avait légués aux Jésuites.

Huet était connu pour son caractère entier, ce qui a fait dire à La Londe qu’il était « de ces gens contre lesquels il n’est pas possible d’avoir raison ». L’esprit de querelle poussé au plus haut point qui le caractérisait, l’amena à se brouiller avec Boileau et Segrais qui a dit de lui qu’il serait « plus facile de blanchir un nègre que de faire changer Huet d’opinion ».

Selon Maurice Rat[5], Huet « fut après Ménage le meilleur étymologiste de son temps ». Ainsi, c'est lui qui comprit que la finale « bec » de certains toponymes normands (par exemple Houlbec) signifie « ruisseau » et est apparentée au mot allemand de même sens « Bach », lui aussi présent à la fin de nombreux toponymes.

Choix de publications

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Plaque funéraire en l’église Saint-Paul-Saint-Louis.

Bibliographie

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Éditions de référence

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Sources et études

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Notes et références

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  1. « http://hdl.handle.net/10622/ARCH03882 » (consulté le )
  2. (la) Pierre-Daniel Huet, Alnetanœ quœstiones de concordia rationis et fidei, Paris, Chez Joannem Cavelier, , p. 4
  3. Romain Provost de la Fardinière, Éléments sur la création de l'abbaye bénédictine Sainte-Anne vers 1634 à Avranches, dans Revue de l'Avranchin, tome.95, décembre 2018, p. 396-397
  4. P.D. Huet: Lettres à son neveu M. de Charsigné (sur Gallica)
  5. Maurice Rat, Grammairiens et amateurs de beau langage, Paris, Albin Michel, 1963, p. 100.

Liens externes

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