Robert Badinter | |
Robert Badinter en 2013. | |
Fonctions | |
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Sénateur français | |
– (15 ans, 11 mois et 28 jours) |
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Élection | 24 septembre 1995 |
Réélection | 26 septembre 2004 |
Circonscription | Hauts-de-Seine |
Groupe politique | SOC |
Prédécesseur | Françoise Seligmann |
Successeur | Philippe Kaltenbach |
Président du Conseil constitutionnel français | |
– (9 ans) |
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Prédécesseur | Daniel Mayer |
Successeur | Roland Dumas |
Garde des Sceaux, ministre de la Justice | |
– (4 ans, 7 mois et 26 jours) |
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Président | François Mitterrand |
Premier ministre | Pierre Mauroy Laurent Fabius |
Gouvernement | Mauroy II et III Fabius |
Prédécesseur | Maurice Faure |
Successeur | Michel Crépeau |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Paris (France) |
Nationalité | Française |
Parti politique | PS |
Conjoint | Anne Vernon (1957-1965) Élisabeth Bleustein-Blanchet (depuis 1966) |
Diplômé de | Faculté de droit de Paris Faculté des lettres de Paris Université Columbia |
Profession | Avocat, Professeur de droit |
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Présidents du Conseil Constitutionnel | |
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Robert Badinter, né le à Paris, est un homme politique, juriste et essayiste français.
Professeur de droit privé et avocat au barreau de Paris, il se fait connaître pour son combat contre la peine de mort dont il défend l'abolition devant le Parlement en .
Proche de François Mitterrand, membre du parti socialiste, il est successivement garde des Sceaux de à puis président du Conseil constitutionnel de à 1995. Il est aussi sénateur des Hauts-de-Seine de à .
Tout au long de son engagement politique, il a pris position pour la réinsertion des détenus, pour une série d'évolutions du Code pénal ainsi que pour la lutte contre l'antisémitisme.
Son père, Samuel dit Simon, Badinter, né en 1895, arrivé en France en 1919[1], est issu d'une famille juive de Bessarabie (raion de Telenești). En 1920, il suit les cours de l'Institut commercial de l'université de Nancy, où il obtient le diplôme d'ingénieur commercial. Il s'établit commerçant en pelleteries en gros à Paris (société Paris-New York) et demeure cité de Trévise. Il épouse le à Fontenay-sous-Bois, Shiffra (dite Charlotte) Rosenberg, originaire comme lui de Bessarabie. La cérémonie religieuse a lieu à la synagogue Nazareth dans le 3e arrondissement de Paris[2]. Ils sont naturalisés Français en [3]. Leur fils Robert naît quelques semaines plus tard.
De 1936 à décembre 1940, Robert Badinter est élève au lycée Janson-de-Sailly à Paris[4].
Sa grand-mère maternelle Idiss [5] décède d'un cancer à Paris en 1942. Son père, Simon Badinter, est arrêté par la Gestapo lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon le . Robert, 14 ans, part à la recherche de son père manque d'être, lui aussi, arrêté[6]. Simon est déporté depuis le camp de Drancy par le convoi n° 53 du 25 mars 1943. Il meurt peu après au camp de Sobibor[7]. Naphtal Rosenberg, oncle maternel de Robert, né le à Edenitz (Edineț) en Roumanie, est déporté par le Convoi No. 12, en date du 29 juillet 1942, de Drancy vers Auschwitz[8]. Sa dernière adresse est au 15 rue de Sévigné dans le 4e arrondissement de Paris[8].
De à , Robert Badinter trouve refuge, avec sa mère, Charlotte Rosenberg[9], et son frère, Claude Badinter, à Cognin en périphérie de Chambéry[10], où, inscrit avec de faux papiers, il entre au lycée Vaugelas[11], portant le nom de Berthet[12].
Robert Badinter effectue ses études supérieures aux facultés de lettres et de droit de l'Université de Paris, où il obtient une licence de lettres en 1947 et une licence de droit en 1948. Il bénéficie d'une bourse du gouvernement français pour compléter sa formation aux États-Unis et obtient, en 1949, la maîtrise en arts de l'université Columbia[13].
De 1957 à 1965, il est marié à l'actrice Anne Vernon[14]. En 1966, il épouse en secondes noces la future philosophe et écrivaine Élisabeth Bleustein-Blanchet, fille de Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis, et de Sophie Vaillant, arrière-petite-fille du député socialiste et communard Édouard Vaillant. Ils ont ensemble trois enfants[15],[16],[17].
Revenu en France, il s'inscrit comme avocat au barreau de Paris en 1951 et commence sa carrière comme collaborateur d'Henry Torrès[18]. Il obtient un doctorat en droit à la faculté de droit de Paris en 1952 avec une thèse sur « Les conflits de lois en matière de responsabilité civile dans le droit des États-Unis », sous la direction de Jean-Paulin Niboyet[19].
En à Dakar, il défend le ministre des Finances sénégalais, Valdiodio N'diaye, accusé de « tentative de coup d'État » par le président de la République Léopold Sédar Senghor, dans le cadre de la crise politique de décembre 1962[20].
Ayant réussi en 1965 l'agrégation de droit privé, il devient professeur et enseigne aux universités de Dijon (1966), Besançon (1968-1969) puis Amiens[21] (1969-1974), avant d'être nommé, en 1974, à l'université Paris I, où il enseigne à l'École de droit de la Sorbonne jusqu'en 1994, date à laquelle il devient professeur émérite[13].
Parallèlement à sa carrière universitaire, il fonde en 1965 avec Jean-Denis Bredin le cabinet d'avocats Badinter, Bredin et partenaires[22], où il exerce jusqu'à son entrée dans le gouvernement en 1981. Il participe à la défense du baron Édouard-Jean Empain après l'enlèvement de celui-ci et exerce autant comme avocat d'affaires (Coco Chanel, Boussac, talc Morhange, Empain, l'Aga Khan, etc.) que dans le secteur du droit commun.
En 1972, il est le défenseur de Roger Bontems, mais ne parvient pas à éviter la peine de mort à son client pour qui la Cour n'avait retenu que la complicité dans l'affaire du meurtre d'une infirmière et d'un gardien de la centrale de Clairvaux. Cet événement marque le début de son long combat contre la peine de mort et explique le fait qu'il accepte de co-défendre Patrick Henry, accusé d'avoir tué un garçon de sept ans en 1976. Grâce à sa plaidoirie contre la peine de mort en 1977, il sauve Patrick Henry de la peine capitale, ce dernier étant alors condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Par la suite, toujours dans le cadre de sa lutte contre la peine capitale, il défendra et évitera également la mort à :
En 1973, il publie chez Grasset son récit L'Exécution.
En 1974, il défend sans succès le joueur américain de tennis Jimmy Connors contre la Fédération française de tennis et son président Philippe Chatrier qui lui avait interdit de jouer le tournoi de Roland-Garros parce que sous contrat avec la World Team Tennis. Connors gagna cette année-là les trois autres tournois du Grand Chelem de tennis, il ne réussit ensuite jamais le Grand Chelem.
Il défend également la milliardaire Marie Christine von Opel (de), condamnée le par la chambre correctionnelle de cour d'appel d'Aix-en-Provence à cinq années d'emprisonnement pour une affaire de stupéfiants et libérée le avec vingt autres femmes détenues, par une grâce du président de la République François Mitterrand proposée par Robert Badinter, devenu entre-temps ministre de la Justice[30].
En , il défend le directeur de la société Givaudan, Hubert Flahaut, dans l'affaire du talc Morhange, qui avait provoqué la mort de nombreux nourrissons sept ans auparavant. Il déclare alors à ce propos : « Ce n'est pas une société qui est jugée, mais un homme, je me sens un devoir de défendre cet homme »[31]. En 1981, tous les condamnés de ce procès bénéficieront de la loi d'amnistie votée par la nouvelle Assemblée nationale.
Son dernier procès avant de devenir ministre de la Justice est celui contre le négationniste Robert Faurisson, qu'il fait condamner en 1981 pour avoir « manqué aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s'imposent au chercheur qu'il veut être » et avoir « volontairement tronqué certains témoignages ». Et cela avant la loi Gayssot, qui date de et qui qualifie de délit le fait de contester l'existence d'un crime contre l'humanité jugé par le Tribunal militaire international de Nuremberg[7].
De 1986 à 1991, il anime avec l'historienne Michelle Perrot un séminaire sur la prison sous la Troisième république à l'École des hautes études en sciences sociales. La Prison républicaine (1871-1914) qu'il publie en 1992 vient conclure ce cycle de travail[32].
Sa carrière politique débute comme ministre de la Justice (du au ). À ce poste, il présente à l'Assemblée nationale, le — au nom du gouvernement de la République —, le projet de loi abolissant la peine de mort[33],[34]. Il porte également des projets de lois, issus des 110 propositions du candidat Mitterrand comme :
Il relance en 1985 la commission de révision du Code pénal instituée par Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et qui avait cessé de fonctionner après l'élection de François Mitterrand, en 1981.
François Mitterrand, président de la République, le nomme président du Conseil constitutionnel[21] en ; il occupe cette fonction jusqu'en . Il fait du Conseil constitutionnel un « bloc » rigide face aux majorités de droite, notamment contre les lois Pasqua-Debré[36], Charles Pasqua mettant alors en cause son impartialité lorsque le Conseil annule huit articles de sa loi sur l'immigration[37],[38].
Le président hésite à le nommer Premier ministre en 1992, optant finalement pour Édith Cresson après avoir également pensé à Roland Dumas[39].
Lors du renouvellement du Sénat du , il est investi par son parti face à la sortante Françoise Seligmann[40] et devient l'unique sénateur PS des Hauts-de-Seine. Il est réélu en 2004.
Au niveau international, il préside la « Commission d'arbitrage pour la paix en Yougoslavie » (communément appelée Commission Badinter) qui est créée le par la Communauté européenne. Avec quatre autres présidents de cours constitutionnelles européennes, la commission Badinter rend, de à , quinze avis sur les problèmes juridiques qu'entraîne la sécession de plusieurs États de l'ancienne Yougoslavie. Ces avis ont notamment permis de préciser certains points comme l'existence et la reconnaissance des États, les règles de succession et de respect des traités internationaux par ces derniers et la définition des frontières[41].
En 1991, il participe à l'élaboration de la Constitution de la Roumanie[42].
Depuis 1995, Robert Badinter est président de la Cour européenne de conciliation et d'arbitrage de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Il est membre du conseil d'administration de l'Institut français des relations internationales (IFRI)[43].
Plusieurs promotions portent son nom[44].
À l'expiration de son mandat de sénateur, Robert Badinter profite de son temps libre pour donner naissance à « un projet conçu depuis longtemps ». En effet, assisté de deux autres professeurs de droit, il crée un cabinet de consultations juridiques nommé Corpus consultants, destiné à répondre à des questions précises que des juristes uniquement leur soumettent. Ce cabinet est composé de membres tous professeurs agrégés de droit et reconnus dans leur domaine.
En 2013, il écrit le livret de l'opéra Claude, inspiré du roman Claude Gueux de Victor Hugo[45],[46].
Depuis le décès de Maurice Faure le , Robert Badinter est le doyen des ministres de la Justice français[47].
En , il publie Le Travail et la Loi avec le juriste Antoine Lyon-Caen, un ouvrage qui plaide pour réformer le Code du travail.
En , le Premier ministre Manuel Valls lui confie pour mission de fixer en deux mois les grands principes de ce nouveau « Code du travail », qui devait entrer en vigueur en 2018[48].
Le 9 octobre 2021, les 40 ans de l'abolition de la peine de mort sont célébrés avec un discours de Robert Badinter ainsi que du président Emmanuel Macron au Panthéon[49].
Son combat pour l'abolition de la peine de mort commence véritablement après l'exécution de Roger Bontems, le . Bontems avait été le complice de Claude Buffet dans la prise d'otage d'un surveillant et d'une infirmière à la centrale de Clairvaux. Durant l'assaut, Buffet égorgea le surveillant et l'infirmière. Il avait été établi durant le procès que l'auteur des deux meurtres était Buffet. Mais les jurés décidèrent de condamner l'un et l'autre à la peine de mort sur la base de la corréité. Cette condamnation — le fait qu'une personne qui n'avait pas tué puisse être tuée par la justice — révolta Robert Badinter car elle allait au-delà même de l'antique loi du talion. Déjà partisan de l'abolition (par exemple dans les années 1960 lors de sa participation à l'émission de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, Lectures pour tous, où il réprouve avec véhémence la peine capitale), c'est à partir de cette exécution qu'il devint un partisan déterminé de l'abolition de la peine de mort.
C'est principalement pour cette raison qu'il accepta de défendre Patrick Henry. Durant le mois de , le petit Philippe Bertrand, âgé de huit ans, fut enlevé. Quelques jours plus tard, Patrick Henry fut interpellé par la police. Il désigna lui-même le dessous de son lit, où se trouvait le corps de Philippe, enveloppé dans une couverture. Ce qui révolta le plus l'opinion publique française fut le comportement de Henry durant l'enquête, avant son interpellation définitive. Quelques jours après l'enlèvement de l'enfant, les policiers suspectaient déjà Henry mais, faute de preuve, avaient dû le relâcher. Le criminel s'exhiba ensuite devant les caméras pour dire à qui voulait l'entendre que les kidnappeurs et les tueurs d'enfants méritaient la mort. Au côté de Robert Bocquillon, Badinter assura la défense de Henry. En accord avec Bocquillon dont la plaidoirie devait se concentrer sur la personnalité d'Henry, Robert Badinter plaida en forme de réquisitoire contre la peine de mort. Il explique dans L'Abolition que sa stratégie était de mettre les jurés face à leur responsabilité en replaçant leur choix de mort ou non au centre des débats, puisque la culpabilité était de son côté évidente. Il s'appuya notamment sur une formule marquante qu'une lettre de Buffet au Président Pompidou lui avait inspiré : « Guillotiner ce n'est rien d'autre que prendre un homme et le couper, vivant, en deux morceaux »[50]. Henry échappa à la peine capitale et fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Après un tel verdict, on aurait pu croire qu'aucun tribunal français ne prononcerait plus de condamnation à mort. Ce ne fut pas le cas. Néanmoins l'affaire permit de lancer un vrai débat, et le visage de Robert Badinter devint celui des partisans résolus de l'abolition de la peine de mort.
Entre l'affaire Patrick Henry, condamné en 1977, et l'abolition de la peine de mort en 1981, deux personnes furent exécutées, (Jérôme Carrein et Hamida Djandoubi). Cinq accusés, défendus par Robert Badinter entre 1977 et 1980, échappèrent à la guillotine. Badinter participa activement aux deux campagnes présidentielles de François Mitterrand (celles de 1974 et 1981). Cette fidélité lui ouvrit naturellement les portes de l'hôtel de Bourvallais en tant que garde des Sceaux, ministre de la Justice du gouvernement de Pierre Mauroy. L'une de ses premières actions législatives a été d'avoir eu « l'honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France » en présentant et défendant le projet de loi visant à abolir la peine de mort en France[51]. Ce projet de loi fut adopté par l'Assemblée nationale, le (par la majorité de gauche, mais aussi certaines voix de droite dont celles de Jacques Chirac et de Philippe Séguin), puis par le Sénat le , et devint la loi no 81-908 du , promulguée le lendemain[52].
Bien que la peine de mort n'existe plus en France et dans la grande majorité des pays de l'Europe, de nombreux pays continuent de l'appliquer (notamment la Chine et les États-Unis). C'est pour cette raison que Robert Badinter continue son combat. Il a été notamment l'un des animateurs du premier Congrès mondial contre la peine de mort qui s'est déroulé à Strasbourg du au .
Le , au lendemain de l'exécution de l'ancien dictateur irakien, Saddam Hussein, Robert Badinter estime que cet acte constitue « une faute politique majeure ». D'abord, au regard de la justice pour l'ensemble des crimes pour lesquels l'ancien dictateur ne fut pas jugé. Ensuite, au regard de l'avenir déjà assombri de l'Irak, il considère que cette exécution risque d'aggraver la dislocation du pays. Il rejette ainsi la notion « d'étape importante pour la démocratie » que constituerait la mort de Saddam Hussein pour l'administration Bush.
Il soutient, le , devant le Sénat, le projet de loi constitutionnelle visant à inscrire l'abolition de la peine de mort au sein de la Constitution, permettant ainsi à la France de ratifier deux traités rendant impossible le rétablissement de la peine de mort en France par une simple loi[53].
Un téléfilm, L'Abolition, sur son combat contre la peine de mort fondé sur ses deux livres (L'Exécution et L'Abolition) est diffusé en deux parties sur France 2 en et , avec Charles Berling dans le rôle de Robert Badinter.
La dépénalisation des relations homosexuelles avec les mineurs de plus de quinze ans est une promesse de François Mitterrand lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1981.
Le , Robert Badinter marque aux côtés de Gisèle Halimi, rapporteuse de la proposition de loi[54], la communauté homosexuelle avec son discours devant l'Assemblée nationale[55],[56].
Après six mois de débats, l'Assemblée nationale vote le la loi du [57] qui abroge l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal. Créé sous le régime de Vichy[58] et maintenu par le gouvernement provisoire de la République française par l’ordonnance du [59], cet alinéa a établi une distinction discriminatoire dans l'âge de la majorité sexuelle, défini à 21 ans pour les rapports homosexuels, âge ramené à dix-huit ans en 1974[60], alors que pour les rapports hétérosexuels, la majorité était de treize ans puis de quinze ans. Durant les années où il est ministre de la Justice, plusieurs autres lois discriminatoires en fonction des mœurs des personnes seront également abrogées[61].
Au-delà de son action en France, l'ancien garde des Sceaux a pris position pour une « dépénalisation universelle de l'homosexualité »[62].
Avec la ratification de l'article 25 de la Convention européenne des droits de l'homme, article accordant le droit de requête individuel des particuliers à l'encontre de la France, le , la France devient partie intégrante de la Convention[63].
En 1989, Robert Badinter a participé à l'émission Apostrophes consacrée aux droits de l’homme, en présence du 14e dalaï-lama. Robert Badinter parle de la disparition de la culture tibétaine comme d'un « génocide culturel » au Tibet[64]. À cette occasion, il qualifiait d'« exemplaire » la résistance non-violente tibétaine[65]. Robert Badinter a par la suite rencontré le dalaï-lama à de nombreuses reprises, notamment en 1998, où il le qualifia de « champion des droits de l'homme », en 2008[66], et en 2009 où il prononça un discours lors d'une conférence à Bercy[67]. Robert Badinter a été membre et vice-président du « Groupe d'information international sur le Tibet » du Sénat[68].
Il est opposé à l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne. Il estime que la situation géographique de la Turquie n'est pas une bonne chose pour l'UE et que son intégration n'a jamais été un de ses buts : « En vertu de quoi l'Europe devrait-elle avoir des frontières communes avec la Géorgie, l'Arménie, la Syrie, l'Iran, l'Irak, l'ancien Caucase, c'est-à-dire la région la plus périlleuse en ce moment ? Rien dans le projet des pères fondateurs ne prévoyait cette extension, je n'ose pas dire cette expansion. ».
En , un débat a opposé Serge Klarsfeld et Robert Badinter à propos de la libération de Maurice Papon, condamné en 1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, et dont les avocats réclamaient la mise en liberté pour raison médicale. Tandis que Serge Klarsfeld invoquait « l'exemplarité de l'accomplissement de la peine »[69], Robert Badinter déclarait : « il y a un moment où l'humanité doit prévaloir sur le crime »[70]. Le rapport médical décrivant Maurice Papon comme « impotent et grabataire » parut à beaucoup démenti quand il quitta, à pied, la prison de la Santé en [71]. La libération de Maurice Papon avait été rendue possible par la loi « Kouchner » du [72], qui prévoit que les prisonniers peuvent être libérés si leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. Maurice Papon fut le deuxième détenu en France à en bénéficier. Après trois ans de prison, il passera les cinq dernières années de sa vie dans son pavillon de Gretz-Armainvilliers[73].
En , Robert Badinter montre son scepticisme quant à la dépénalisation de l'euthanasie devant la mission parlementaire sur la fin de vie. Il juge la loi du sur la fin de vie comme satisfaisante et déclare que « le droit à la vie est le premier des droits de l'homme [...] constituant l'un des fondements contemporains de l'abolition de la peine de mort »[74].
Il prend position contre la rétention de sûreté, qui vise à permettre dans certains cas l'internement de criminels à leur sortie de prison en raison de leur dangerosité constatée par des psychiatres ou/et des magistrats et non pour les actes qu'ils ont commis.
Lors du vote de la loi au Sénat, il souligne qu'il « eût mieux valu commencer par le projet de loi pénitentiaire, que nous attendons avec impatience. Si nous étions dans une démocratie tranquille – la nôtre est souvent agitée –, nous n'aurions pas procédé comme nous l'avons fait, après l'affaire Evrard ». Il note, après l'avoir demandé à divers chroniqueurs judiciaires, que le cas de l'affaire Evrard serait unique en trente ans. Il fait également mention des nombreuses critiques que soulève ce projet de loi, y compris de la part des personnes qui vont l'appliquer[75].
Le , il est un des premiers à s'exprimer vigoureusement dans les médias pour dénoncer la décision prise la veille par le président de la République, Nicolas Sarkozy, de consulter le premier président de la Cour de cassation après la censure partielle par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l'application de la rétention de sûreté à des criminels déjà condamnés. Il déclare à ce sujet qu'« il est singulier de demander au plus haut magistrat de France les moyens de contourner une décision du Conseil constitutionnel, dont le respect s'impose à toutes les autorités de la République, selon la Constitution elle-même »[76].
Aux débuts de l'affaire Dominique Strauss-Kahn de 2011 qui voit le directeur général du FMI accusé de tentative de viol et interpellé par la police à New-York, Robert Badinter réagit en se disant sur France Inter indigné par la « mise à mort médiatique » et dénonce la « défaillance d'un système entier »[77]. En 2012, il prend à nouveau la défense de l'ex-directeur du FMI sur RTL en relevant que quand l'ancien ministre socialiste est poursuivi, « à chaque fois, la justice abandonne »[78].
Il a refusé toute distinction honorifique de l'ordre national de la Légion d'honneur (tout comme son épouse) et de l'ordre national du Mérite. Il reçoit néanmoins des décorations étrangères, notamment l'ordre de Tomáš Garrigue Masaryk (République tchèque) en 2001[79] et l'ordre du 8-Septembre (Macédoine du Nord) en 2006[80].
En 1995, il publie une pièce de théâtre intitulée C.3.3. autour du procès consécutif au scandale Queensberry ayant amené à une condamnation d'Oscar Wilde[81]. Sa première représentation a lieu au Théâtre national de la Colline avec une mise en scène de Jorge Lavelli.
Au début des années 2010, il écrit le livret d'opéra Claude, d'après la nouvelle Claude Gueux de Victor Hugo, pour une mise en musique par Thierry Escaich[82]. L'opéra est créé à l'opéra de Lyon le .