La sociologie pragmatique désigne une constellation de courants sociologiques français inspirés par l'ethnométhodologie, la sociologie des sciences et la sociologie des formes de protestation, et communément rassemblés sous cette formule depuis la fin des années 1980. La sociologie pragmatique n'est pas un courant unifié[1]. Elle trouve une de ses origines dans les travaux de Luc Boltanski et Laurent Thévenot et cherche à « construire une approche qui tient compte de la capacité des acteurs à s’ajuster à différentes situations de la vie sociale »[1].

Sans qu'elle soit pour autant majeure, cette perspective sociologique occupe au début du XXIe siècle une certaine place dans le paysage intellectuel contemporain et dans le champ des sciences sociales en France et au-delà[réf. nécessaire]. Ce rôle s'est étendu à des domaines variés, comme la sociologie du travail, la sociologie politique, la sociologie économique, la sociologie de la santé et de l'environnement, la sociologie de l'éducation, la sociologie de l'art, la sociologie des sciences, la sociologie des techniques, etc.

Description

L'ambition de la sociologie pragmatique est d'opérer une série de dépassements par rapport à ce qu'elle appelle "la sociologie classique" :

Courant pragmatique

Ce que l'on nomme « pragmatique » n'est pas une invention des sociologues. Elle a déjà une longue histoire qui plonge ses racines dans des traditions philosophiques, plus particulièrement la philosophie analytique et la philosophie du langage ordinaire, ainsi que dans divers domaines des sciences de l'homme, tel que la théorie linguistique, la sémiotique.

Le courant pragmatique est également inspiré des travaux anthropologiques, grâce à la démarche méthodologique de l'enquête de terrain, qui séparait classiquement la discipline de la sociologie : c'est dans l'observation directe et dans sa participation que l'on réalise et les tenants et aboutissants des pratiques individuelles.

Certains auteurs parlent de « tournant pragmatique », d'autres de l'« âge de la pragmatique ». Du reste il n'y a pas une mais « plusieurs pragmatiques », ou plutôt plusieurs sources de ces approches pragmatistes : le pragmatisme philosophique en tant que tel (via John Dewey et William James, notamment), la pragmatique linguistique, la pragmatique sociolinguistique, etc.; des auteurs aussi divers que Austin et Searle, Habermas et Goffman, Bruno Latour, Luc Boltanski et Nathalie Heinich se réclament tous, d'une certaine pragmatique, même si ce n'est pas la même.

Déplacements critiques

Dans Le nouvel esprit du capitalisme (1999), Luc Boltanski et Eve Chiapello donnent une première inflexion critique à la sociologie pragmatique en pointant les nouvelles modalités d'exploitation du capitalisme lié au monde en réseaux. Boltanski radicalisera sa position critique dans De la critique (2009), en dessinant une théorie critique pragmatiste, à l'intersection de la sociologie pragmatique initiale et de courants critiques classiques (Marx, "École de Francfort" ou Bourdieu). Philippe Corcuff empruntera aussi la voie d'un critique pragmatiste analogue dans son ouvrage Où est passée la critique sociale? Ce déplacement vers la critique a suscité une réaction de la part d'autres auteurs/trices issu.e.s de la même mouvance comme Yannick Barthe, Damien de Blic, Eric Lagneau, Cyril Lemieux, Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, Danny Trom, Catherine Rémy et Jean-Philippe Heurtin sous la forme d'un texte intitulé "Sociologie pragmatique : mode d'emploi", publié dans la revue Politix en 2013[7]. Mais cette "mise au point", à son tour, a engendré des réponses de la part de chercheurs liant plus directement sociologie et pragmatisme, dans un volume de la revue SociologieS coordonné par Daniel Cefaï en 2015[8].

Auteurs qui peuvent être rattachés à ce courant

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

La sociologie pragmatique sur internet :

Notes et références

  1. a et b « Introduction à la sociologie pragmatique. Vers un nouveau style sociologique ? », sur Sciences Humaines (consulté le ).
  2. Voir (Philippe Corcuff, Les nouvelles sociologies, Nathan-Armand Colin, 1995, p. 16).
  3. Philippe Corcuff, paraphrasant à la fois Bruno Latour et Laurent Thévenot dans, "Usage sociologique de ressources phénoménologiques : un programme de recherche au carrefour de la sociologie et de la philosophie", dans Phénoménologie et sociologie, sous la direction de J. Benoist et B. Karsenti, PUF, 2001, p. 110.
  4. Bernard Lahire, L'Homme pluriel. Les ressorts de l'action, Nathan, (lire en ligne)
  5. V. Tournay, Vie et mort des agencements sociaux. De l'origine des institutions, Paris, PUF, 2009
  6. F. Chateauraynaud et D. Torny, Les Sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque, Paris, Ed EHESS, 1999
  7. Yannick Barthe, Damien de Blic, Jean-Philippe Heurtin, Eric Lagneau, Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, Catherine Rémy et Danny Trom, « Sociologie pragmatique: mode d'emploi », Politix, XXVI (103), 2013, p. 175-204.
  8. Daniel Cefaï, Alexandra Bidet, Joan-Stavo-Debauge, Roberto Frega, Antoine Hennion et Cédric Terzi, « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations », SociologieS, (consulté le )