Un thème commun dans les thrillers met en scène des victimes innocentes confrontées à des adversaires dérangés, comme dans le film Rebecca d'Hitchcock (1940), où Mme Danvers essaie de persuader Mme De Winter de se tuer.

Le thriller (anglicisme, de l'anglais to thrill : « faire frémir ») est un genre artistique utilisant le suspense ou la tension narrative pour provoquer chez le lecteur ou le spectateur une excitation ou une appréhension et le tenir en haleine jusqu'au dénouement de l'intrigue.

Ce genre est très utilisé dans la littérature, le cinéma ou la télévision et se subdivise en de nombreux sous-genres, chacun possédant ses propres codes.

Les procédés narratifs sont souvent les mêmes, qu'ils soient utilisés au cinéma ou dans la littérature, avec notamment les fausses-pistes et la rétention d'informations afin d'embrouiller le lecteur/spectateur, ou l'utilisation du suspens entre les différents chapitres, scènes ou épisodes.

Au cinéma, le genre est aussi caractérisé par des scènes de poursuite ou de combat, qui y sont parfois traitées différemment que dans les films d'action.

Historique

Littérature

Le poème épique L'Odyssée d'Homère est l'un des plus anciens récits du monde occidental et considérée comme un prototype du thriller[1]. De même, l’Épopée de Gilgamesh et le Mahabharata utilisent des techniques narratives similaires aux thrillers modernes. Dans L'Odyssée, le héros Ulysse entame un périlleux voyage de dix ans pour rentrer sur son île natale après la guerre de Troie et y retrouver sa femme Pénélope. En chemin, il est confronté à des ennemis comme les cyclopes ou les sirènes, qu'il réussit à vaincre grâce à son esprit rusé plutôt que grâce à la force brute. L'histoire des Trois pommes[2], un des contes des Mille et Une Nuits est la plus ancienne histoire de meurtre connue[3] ; elle fait figurer des rebondissements de l'intrigue et des éléments fictifs d'enquête policière[4]. Dans le conte, un pêcheur découvre un coffre lourdement cadenassé le long du Tigre qu'il vend au calife abbasside Hâroun ar-Rachîd, qui l'ouvre et y découvre le cadavre d'une jeune femme découpée en morceaux. Hâroun ordonne à son vizir Jafar ben Yahya, de résoudre ce crime et trouver le meurtrier sous trois jours. Ce whodunit est considéré comme l'archétype des romans policiers[3],[4].

Les 39 Marches (The Thirty-Nine Steps) est l'un des premiers thrillers modernes, écrit par le Britannique John Buchan en 1915. Il raconte l'histoire d'un homme innocent qui devient le suspect numéro un d'un meurtre et se retrouve en cavale, poursuivi par la police et des espions. Le thriller anglais, caractérisé par des aventures policières avec poursuite et complot criminel, est alors popularisé par Buchan, Edgar Wallace ou J.S. Fletcher. Par la suite, le suspense s'enrichit grâce au développement de la psychologie pour créer autour de la victime un climat de peur, d'angoisse et de terreur. Parmi les premiers à exploiter ce registre, on compte Francis Iles et William Irish, auteurs qui ouvrent la voie à Boileau-Narcejac et Patricia Highsmith. D'autres auteurs ont popularisé le genre : Eric Ambler, Sydney Bauer, Ted Bell, Dan Brown, Lincoln Child, Tom Clancy, Clive Cussler, Michael Crichton, Nelson DeMille, Ian Fleming, Ken Follett, Frederick Forsyth, Graham Greene, John Grisham, Robert Ludlum, Alistair MacLean, Andy McNab, David Morrell, James Phelan, Douglas Preston, Matthew Reilly et Andrzej Sarwa.

Cinéma

Au cinéma, le réalisateur Alfred Hitchcock est considéré comme le maître du suspense avec des chefs-d'œuvre tels Sueurs froides (Vertigo), La Mort aux trousses et Psychose. Les Cheveux d'or (The Lodger), réalisé par Hitchcock en 1926, est l'un des premiers films du genre thriller. À de nombreuses reprises, Hitchcock fait de la victime un témoin qu'on cherche à éliminer (L'Ombre d'un doute, Les Enchaînés, Fenêtre sur cour), un faux coupable qui ne peut compter que sur lui-même pour se disculper (Les 39 Marches, Le Faux Coupable, La Loi du silence), ou une personne observatrice qui voit peu à peu un piège se refermer sur elle (Soupçons, L'Inconnu du Nord-Express, Les Oiseaux).

Après l'assassinat du président John Kennedy, les thrillers politiques et paranoïaques devinrent très populaires. Au fil des années, le thriller s'est rapproché du film d'espionnage, du film d'horreur (en particulier du slasher) et du film policier. Ainsi, des films comme Le Silence des agneaux de Jonathan Demme, Seven de David Fincher ou Saw peuvent être classés dans la catégorie « thriller », mais aussi dans la catégorie « film policier ».

Caractéristiques

La caractéristique commune des œuvres appartenant à ce genre est de chercher à provoquer chez le spectateur ou le lecteur une certaine tension, voire un sentiment de peur (qu'il doit cependant trouver agréable) à l'idée de ce qui pourrait arriver aux personnages dans la suite du récit. Cela se fait souvent par des moyens assez stéréotypés, tels que des séquences filmées au ralenti, une action soutenue, un héros doté de multiples ressources ; on y use abondamment du suspense (au cinéma, « thriller » peut être considéré comme synonyme de « film à suspense »), souvent des intrigues secondaires qui viennent contrecarrer le développement de la principale, et de rebondissements de l'intrigue (en particulier dans les dernières scènes, ce qui permet de produire une suite commercialement intéressante). Pour obtenir la tension narrative nécessaire au genre, le récit adopte souvent le point de vue de la victime ou suit de très près ce personnage en relatant ses craintes et ses angoisses.

Par leur traitement du suspense et leur rythme soutenu, ils sont libérateurs d'adrénaline. Ils sont construits pour tenir le spectateur en haleine, le laisser « au bord de son siège » (on the edge of his seat) ou « accroché à la falaise » (cliff-hanging) alors que l'intrigue avance jusqu'au climax. La tension monte progressivement lorsque le personnage principal (le héros) est placé dans une situation menaçante, dont l’échappatoire semble impossible. Sa vie est souvent menacée, ou celle d'un de ses proches, souvent alors qu'il se retrouve par hasard, involontairement ou inconsciemment, impliqué dans une situation dangereuse et mortelle[5].

L'atmosphère des thrillers est en général sinistre et menaçante ; ils présentent le monde et la société comme sombres, corrompus et dangereux. La violence soudaine, les meurtres et les crimes en général y sont nombreux. Ils se déroulent souvent dans des lieux ordinaires (des villes ou des banlieues habituellement tranquilles), mais se tiennent parfois dans des endroits exotiques ou inattendus, et peuvent parfois être totalement fantaisistes ou relevant de la science-fiction. Les personnages des thrillers peuvent être : des criminels, des harceleurs, des assassins, des psychopathes ou psychotiques, des terroristes, des prisonniers, des personnages aux passés troubles, aux mœurs tordus, cyniques ou blasés ; on y trouve aussi des victimes innocentes en cavale, des femmes menacées et des policiers[5]. Les héros des thrillers sont en général des personnes ordinaires inaccoutumés au danger, mais ils peuvent aussi y être confrontés de manière régulière, comme avec les enquêteurs. Si les hommes sont traditionnellement plus représentés en tant que héros, les personnages féminins tendent à devenir de plus en plus courants.

Les thrillers sont souvent liées à des histoires policières, mais diffèrent par la structure de leur intrigue. Dans un thriller, le héros doit contrecarrer les plans d'un ennemi ; dans un film policier, il s'agit de découvrir le coupable d'un crime qui s'est déroulé au début ou avant le début. Alors qu'une histoire de meurtre serait habituellement gâchée (spoiled) par la révélation précoce du tueur, le méchant d'un thriller est généralement connu depuis le début. Les thrillers se déroulent aussi à une plus grande échelle que dans les films ou romans policiers qui se concentrent souvent sur un seul meurtre : il s'agit de tueries en série ou de masse, de terrorisme, d'assassinat ou de renversements de gouvernements. Le hasard périlleux et les confrontations violentes sont également des éléments standards d'une intrigue de thriller. Dans un policier, le climax est atteint au moment de la découverte du tueur et de son arrestation ; dans un thriller, il survient lorsque le héros finit par vaincre le méchant, sauvant par là-même sa vie et celle des autres. Dans certains thrillers influencés par les films noirs et le genre de la tragédie, le héros involontaire est souvent tué dans le feu de l'action. De même, les thrillers peuvent parfois se rapprocher du genre de l'horreur au cinéma, avec des sujets utilisant une violence plus sadique ou gore et une plus grande brutalité[6]. Ce genre de chevauchement est également valable pour des genres comme les films d'aventure, d'espionnage, judiciaires, de guerre, etc. Ainsi, les thrillers ne sont pas définis par leur sujet mais par leur approche de celui-ci[7].

« Dans les thrillers anglo-saxons, le méchant est généralement puni et le héros fort et silencieux gagne généralement le cœur de la fille fragile et maladroite. Mais il n'y a pas de loi dans les pays occidentaux pour censurer une histoire qui ne s'ajuste pas avec cette tradition et où on espère tous que le méchant pervers mais romantique va réussir à s'enfuir et que l'ennuyeux gentil va finalement être snobé par l'héroïne taciturne[8] »

— Vladimir Nabokov, conférence à l'université Cornell[9]

Sous-genres

Le genre est très utilisé dans la littérature, le cinéma ou la télévision et se subdivise en de nombreux sous-genres[10], chacun possédant ses propres codes[11].

Les thèmes sont nombreux. Au sein des thrillers policiers (crime thriller), on peut citer les demandes de rançons, les prises d'otages, les enlèvements, les casses et la vengeance, ainsi que les enquêtes policières qui en découlent et la technique du whodunit, quel que soit le point-de-vue de l’œuvre (celui du policier, de la victime ou du criminel). Les thrillers psychologiques (psychological thrillers) sont caractérisés par des manipulations psychologiques, des traques ou harcèlements liées à des obsessions, des emprisonnements ou confinements dans des endroits dangereux ou piégés, frisant parfois avec le genre de l'horreur. Dans les thrillers paranoïaques (paranoid thrillers), des éléments tels que les théories du complot, les fausses accusations et la paranoïa clinique sont récurrents[12]. Contrairement aux récits d'aventures ou d'action, le thriller est principalement caractérisé par le méchant de l'histoire qui va mettre des obstacles sur la route du héros[1].

Exemples

Littérature

Films

Ce n'est pas vraiment avec le cinéma que le thriller commence, mais plutôt avec la littérature, qui lui fournit des scénarios en quantité.

On peut aussi noter comme films L'Obsédé (1965), L'Inspecteur Harry (Dirty Harry, 1971), Le Silence des agneaux (1991), Seven (1995), Mystic River (2003), Gone Baby Gone (2007), Zodiac (2007), Shutter Island (2010) et Prisoners (2013)[13].

Un certain nombre de thrillers ont eu du succès à la fois comme écrit et comme film, tels par exemple : le Chacal de Frederick Forsyth, À la poursuite d'Octobre Rouge de Tom Clancy, puis la suite des aventures de Jack Ryan, le Silence des agneaux de Thomas Harris et les suites, Jurassic Park et Congo de Michael Crichton, Da Vinci Code de Dan Brown et Prédictions d’Alex Proyas

Télévision

Les thrillers sont également passés de la télévision au cinéma, comme la série Mission impossible.

Notes et références

  1. a et b (en) « Brief definition of the Thriller Fiction Genre », Find me an Author (consulté le ).
  2. (en) « Les Mille et Une Nuits/Les Trois Pommes », Wikisource (consulté le ).
  3. a et b (en) Ulrich Marzolph, The Arabian Nights Reader, Wayne State University Press, (ISBN 0814332595), p. 240–2.
  4. a et b (en) David Pinault, Story-Telling Techniques in the Arabian Nights, Brill Publishers, (ISBN 9004095306).
  5. a et b (en) « Thriller and Suspense Films », Film Site (consulté le ).
  6. (en) « Explore Genre: Thriller », All Movie (consulté le ).
  7. James Patterson, Thriller. Ontario, Canada : MIRA Books (2006), p. iii. (ISBN 0-7783-2299-8).
  8. Citation originale : « In an Anglo-Saxon thriller, the villain is generally punished, and the strong silent man generally wins the weak babbling girl, but there is no governmental law in Western countries to ban a story that does not comply with a fond tradition, so that we always hope that the wicked but romantic fellow will escape scot-free and the good but dull chap will be finally snubbed by the moody heroine. »
  9. Vladimir Nabokov Lectures on Russian Literature, lecture on Russian Writers, Censors, and Readers (1981), p. 16.
  10. (en) « Genre: Thriller », Illiterarty (consulté le ).
  11. (en) « Thriller/Suspense Subgenres », Cuebon (consulté le ).
  12. (en) Joyce G. Saricks, The Readers' Advisory Guide to Genre Fiction, États-Unis, ALA Editions, , 2e éd. (1re éd. 2001), 352 p. (ISBN 978-0838909898).
  13. Olivier Delcroix, « Psychose, modèle des maîtres du suspense », in Le Figaro, encart « Culture », mercredi 9 octobre 2013, page 34.

Annexes

Articles connexes