Union latine
Étendue de l'union monétaire entre 1866 et 1914 et dates d'adoption du système du franc germinal
  • États membres de l'union monétaire
  • Participation via un accord bilatéral
  • Participation via un alignement unilatéral
  • Colonies
Nom officiel
Union monétaire latineVoir et modifier les données sur Wikidata
Fonctionnement
Statut
Histoire
Fondation
Fondateurs
Dissolution

L’Union latine est une union monétaire fondée sur le régime de bimétallisme or-argent. Elle a été constituée par une Convention monétaire du , unissant quatre pays signataires européens (France, Belgique, Suisse, Italie), rejoints par la Grèce dès . L’Union fut dissoute le .

Le contexte de la convention

Le système du franc germinal

Article détaillé : Franc germinal.

La France avait institué un système monétaire, dit du franc germinal, en référence aux deux lois fondatrices, celle du 18 germinal an III () qui institue la monnaie et sa décimalisation (1 franc = 100 centimes), et celle du 7 germinal an XI (), qui fixe la valeur du franc germinal à peu ou prou la parité de l'ancienne Livre tournois.

La loi du 17 germinal an XI () institue le bimétallisme selon un rapport d'échange fixe entre l'or et l'argent de 1 or pour 15,5 argent.

Cours légal du franc en or et argent
argent pur or pur ratio or/argent
1 franc 4,5 grammes 0,29025 gramme 15,5 environ

L’environnement monétaire international

L'adoption partielle ou complète du système du franc germinal à l'extérieur des frontières françaises avait créé un embryon de système monétaire international. La décimalisation avait été adoptée par les États-Unis dès . Napoléon Ier avait tenté d’exporter, avec la Révolution, le système de germinal en Europe[N 1]. Bien que cette tentative par la force échouât d'abord, le système fut ensuite adopté, en toute liberté, par la Belgique en , par la Suisse et par l’Italie en (le duché de Parme et le royaume de Piémont-Sardaigne l’avaient déjà adopté depuis ).

La ruée vers l'or en Californie () puis en Australie () provoquèrent une baisse du prix relatif de l’or, aggravée par les effets de la guerre de Sécession, qui obligea l’Angleterre à importer plus de textiles d’Inde et à payer les soldes débiteurs de sa balance des paiements en argent. La conjugaison de ces événements provoqua une crise des règlements en monnaies d’argent selon le mécanisme suivant :

Frappes des monnaies d'or et d'argent, au titre de 900‰, en France entre 1856 et 1864 (en millions de francs)
Année Frappes en argent Frappes en or
1856 54,4 508,24
1857 3,47 572,56
1858 8,63 488,67
1859 8,38 702,70
1860 8,08 446,04
1861 2,52 84,66
1862 2,51 210,16
1863 0,25 230,20
1864 0,16[N 2] 273,84

Les États du système germinal allaient répondre dans le désordre à cette crise des règlements. La Belgique mit fin au cours légal de l’or le . Le , la Suisse diminuait le titre des pièces en argent à 800‰[N 3]. L'Italie faisait de même le . La France adoptait une loi, le , disposant d’une mesure similaire pour les pièces de 20 et 50 centimes. Le désordre monétaire gagnait et rendait les échanges plus difficiles.

Cependant, ailleurs en Europe, en 1857, le Vereinsthaler fonde une union monétaire au sein du Zollverein[1],[2].

La convocation de la Convention monétaire, à Paris le , était une tentative d’harmonisation des poids et titres des monnaies nationales pour sauver le régime bimétalliste de germinal et rétablir l’intercirculation des monnaies d’argent entre les pays signataires.

L'orient utilisait le monométallisme argent[3].

Enjeux

Paris souhaite conserver le bimétallisme or-argent pour préserver les encours de la banque de France et des banques privées parisiennes. La Suisse et la Belgique souhaitent aller vers l'étalon-or[3].

Les principes de l'union

Le traité de 1865.

Présidée par Félix Esquirou de Parieu, fervent partisan d’une union monétaire « prélude aux fédérations pacifiques du futur[4] », la Convention de Paris, dite de l'« Union latine », fut signée le [N 4]. Elle posait comme principes :

Par ailleurs, le traité était renouvelable par tacite reconduction tous les 15 ans, à partir du , sauf dénonciation par un pays signataire (article 14). Il était également ouvert à d’autres signataires (article 12), sous réserve d’unanimité des États membres de l'Union (selon les conventions de 1878 et 1885).

Divisions monétaires de l'Union latine
Métal Nombre d'unités de compte Titre en millièmes Masse en grammes[pas clair] Diamètre en mm
or 100 900 32,25 35
or 50 900 16,13 28
or 20 900 6,45 21
or 10 900 3,23 19
or 5 900 1,61 17
argent 5 900 25 37
argent 2 835 10 27
argent 1 835 5 23
argent 0,50 835 2,5 18
argent 0,20 835 1 16

Le taux d'argent dans les pièces inférieures à 5 francs d'argent a été réduit à 835/1000 pour éviter l'export de l'argent et donc la disparition des pièces d'argent[3].

Exemples de pièces en or de l'Union latine

Quelques exemples de pièces en or de l'Union latine frappées à partir de 1865[5], hors France et Suisse, par ordre chronologique :

Évolution et fin de l'Union latine

Un succès rapide mais incomplet

Le succès de l’Union latine, mesuré par le nombre de pays ayant adopté le système (32 au total), a posé les bases d’un système monétaire international. Il faut noter deux absents de taille : le Royaume-Uni et l'Empire allemand. Toutefois, l'échec du congrès monétaire international de 1867 (cf. infra) cantonnait l'Union dans un statut de zone monétaire.

Pays de l'Union latine
Pays signataires Belgique (1865), France (1865), Italie (1865), Suisse (1865), Grèce (1868)
Pays associés (par accords bilatéraux) Autriche-Hongrie, Crète, Espagne, Finlande, Liechtenstein, Monaco, Russie, Saint-Marin, Suède, Roumanie, Vatican
Pays alignés (unilatéralement) Argentine, Bulgarie, Chili, Haïti, Indes occ. danoises, Luxembourg, Pérou, République dominicaine, Serbie, Venezuela
Pays sous statut colonial Comores, Congo belge, Érythrée, Porto Rico, Tunisie

L'Empire chérifien rejoint l'Union de facto en 1882 en créant le rial hassani[6].

La possible adhésion des États-Unis

Essai en or de la monnaie des États-Unis d'une valeur de 1 stella = 4 dollars américains (1879-1880), équivalant à 20 francs.

Les États-Unis prirent deux initiatives pour préparer leur adhésion à l'Union :

L'Objectif était d'ajuster le ratio américain entre l'or et l'argent de 16 g d'argent pour 1 g d'or sur celui de l'Union (15,5/1), mais le Congrès américain décida finalement le maintien du ratio or/argent à 16/1.

Les problèmes de fonctionnement intrinsèques de l'Union

Mécanisme de fonctionnement du régime bimétalliste de l'Union latine : à Paris, le prix du kilo d'or est fixé à 3 450 francs français.

Le fonctionnement de l'Union était intrinsèquement gêné par deux problèmes : les fluctuations des cours relatifs des métaux et les fluctuations des changes.

Les différences de valeurs entre la monnaie physique et la monnaie légale[N 5], créées par les variations exogènes des prix des métaux sur leurs marchés, formaient une prime sur le métal. Le point de sortie des espèces métalliques était égal à la prime positive sur le métal plus les coûts de fonte, frappe et transport. Lorsque le prix du métal atteignait ce point de sortie, les espèces dans ce métal étaient thésaurisées ou exportées et disparaissaient (sortaient) de la circulation, selon le mécanisme décrit par la loi de Gresham. Ces sorties (de la circulation) contribuaient à faire baisser le prix du métal qui affluait alors sur le marché du métal, auto-régulant ainsi le système. Le point d'entrée était égal à la prime négative sur le métal moins les coûts de frappe et de transport. Lorsque le prix du métal atteignait le point d'entrée, le métal était apporté à la frappe. Ces entrées (dans la circulation) contribuaient à accroitre le prix du métal qui refluait du marché pour être frappé.

Les différences entre le cours du change d'une monnaie et son cours légal, liées à la création exogène de monnaie fiduciaire et de monnaie scripturale (non encadrée par la Convention de 1865) formaient une prime sur le change. Lorsque la prime sur le change d'une monnaie, le franc suisse par exemple, était positive, les espèces des autres monnaies étaient exportées vers la Suisse et disparaissaient de la circulation nationale, là-aussi selon le mécanisme décrit par la loi de Gresham.

Les variations croisées des prix des métaux et des cours de change rendaient complexes la compréhension des problèmes monétaires et leur résolution.

Une union évolutive

L’Union sut adapter ses principes aux problèmes des variations des changes et des cours des métaux. Mais au prix d'un reniement des principes adoptés initialement. Les conventions successives (1874, 1878, 1885, 1893, 1908) de l'Union latine l'orientèrent dans deux directions éloignées des principes fondateurs de la Convention de 1865.

L'Union évolua rapidement vers un monométallisme or :

Par ailleurs, deuxième évolution majeure, la renationalisation de la circulation des monnaies d'argent :

Le traité de 1865 est progressivement vidé de sa substance. Les principes fondamentaux du bimétallisme et de l’intercirculation n’étaient plus appliqués dès 1878 pour l’argent (pièce de cinq francs)[8].

La crise de 1914

Union Latine et pays alignés en 1914 :
  • États membres de l'union monétaire
  • Participation via un accord bilatéral
  • Participation via un alignement unilatéral
  • Colonies

La Première Guerre mondiale entraîna la thésaurisation des monnaies d’or et d’argent. La loi du aggrava le phénomène en instituant le cours forcé du billet et la suspension de la convertibilité en or.

L'émission de billets augmenta fortement, mais à des vitesses différentes selon les pays de l'Union. En conséquence, les parités de change entre les monnaies de l'Union divergèrent rapidement. Parallèlement, les prix du métal argent oscillèrent fortement.

L'instabilité conjuguée des changes et des marchés des métaux, provoquée par la guerre, rendit impossible le retour aux principes de fonctionnement de l'Union latine au lendemain de la guerre.

Mais l'utilisation de plusieurs subterfuges permirent de faire durer l'Union quelques années de plus, sur le papier. Ainsi, la France n’émit plus de monnaies d’or mais continua à émettre des monnaies divisionnaires de 1/2F, 1F et 2F jusqu’en 1920, selon les normes de la Convention de 1865. En 1921, le seigneuriage étant devenu négatif sur la frappe de l'argent, la France préféra ne plus émettre de monnaies divisionnaires plutôt que de dénoncer la Convention de 1865, entraînant une crise des règlements qui déboucha sur la frappe de monnaies de nécessité, émises au nom des chambres de commerce.

L'effondrement des stocks d'or pour financer l'effort de guerre et les découvertes massives d'argent au Nevada et en Amérique latine conduisent à des dévaluations qui contribuent à déséquilibrer l'Union latine[9].

À ce stade, l'Union était caduque. Fin 1925, de guerre lasse, la Belgique dénonça la convention, qui fut dissoute le .

Les dernières pièces de monnaie à avoir été frappées selon les standards de l'Union latine sont les 1/2 Fr., 1 Fr. et 2 Fr. suisses en 1967.

Notes et références

Notes

  1. Cf. les monnaies napoléonides.
  2. Par ailleurs, en vertu de la Loi du 25 mai 1864, 7,11 MF ont été frappés en pièces d'argent de 20 et 50 centimes au titre de 835 ‰.
  3. Voir l'article Pièces de monnaie de la Confédération suisse, pièces en argent.
  4. Transposée par les Lois du et du (réduction du titre des monnaies divisionnaires) en France.
  5. Jusqu'en , le cours légal de l'or au kilogramme était de 3 444,45 francs et celui de l'argent au kilogramme de 222,22 francs.

Références

  1. Albert E. Jansen, Les conventions monétaires, Université de Louvain, 1911 — lire en ligne.
  2. (de) Wolfram Fischer, Wirtschaft und Gesellschaft im Zeitalter der Industrialisierung : Aufsätze, Studien, Vorträge, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1972, p. 118, 125.
  3. a b et c « Les Conventions monétaires, par Albert E. Janssen,... », sur Gallica, (consulté le ).
  4. Verbatim de la conférence de 1867 de Paris dans Jacques Gravereau et Jacques Trauman, Les alchimistes de la confiance, une histoire des crises monétaires : De Dioclétien à Nixon, de l'or des Médicis à l'euro, Editions Eyrolles, , 308 p. (ISBN 978-2-212-18208-8, lire en ligne), « Déjà l'euro ! Parlieu et l'union latine », p. 247.
  5. « Pièces de l'Union latine », sur Agence BDOR, (consulté le ).[réf. incomplète]
  6. Bank Al-Mahgrib, « Modernisation de la monnaie marocaine » (consulté le )
  7. Union internationale des télécommunications, « Convention télégraphique internationale de Paris, révisée à Vienne (1868) et Règlement de service international (1868) » [PDF] (consulté le ) : « Art. 33. Le franc est l'unité monétaire qui sert à la composition des tarifs internationaux. », p. 20
  8. « Le Temps », sur Gallica, (consulté le ).
  9. Sandrine Voizot, « Pourquoi les unions monétaires disparaissent », Moneyweek, no 107,‎ 18 au 24 novembre 2010

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Site externe

Sur les autres projets Wikimedia :