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Walker Evans, né le à Saint-Louis, dans le Missouri[1], et mort le , à New Haven, dans le Connecticut, est un photographe documentaire américain.
Promoteur d'une photographie vernaculaire[4], figure majeure de la photographie américaine du XXe siècle, Walker Evans conservera de sa vocation littéraire le souci d'un regard attentif sur les villes et sur ceux qui y vivent.
Par sa portée humaniste et documentaire, l'œuvre qui marque très tôt sa différence avec les courants contemporains saura influencer toute une génération.
Son père travaille pour une agence de publicité appelée Lord & Thomas et la famille déménage au fur et à mesure de ses promotions, dans l'Illinois puis en Ohio[1]. À 16 ans, il intègre un pensionnat du Connecticut puis rejoint sa mère et sa sœur à New York[5].
Walker Evans étudie au Williams College en 1922-1923.
En 1926, il part à Paris pour treize mois. Il suit les cours à la Sorbonne et au collège de la Guilde[6]. Il prend quelques instantanés avec un appareil petit format. Il se rend dans le Sud de la France pendant l'été 1926 et en , et visite l'Italie en avril.
Il débute la photographie en 1930.
Quand il revient de France, il s'installe à Brooklyn et fréquente des artistes. Il devient ami avec la photographe Berenice Abbott, laquelle lui fait découvrir le travail du photographe français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle Eugène Atget. Il travaille notamment sur les enseignes publicitaires des murs des villes et les maisons de banlieue identiques. En 1933, une quarantaine des photos d'une de ses séries (sur l'architecture victorienne de la région de Boston) sont exposées au Museum of Modern Art (MoMa). En 1933 également, il voyage à Cuba et prend en photo des maisons de bord de mer. Il commence à collaborer avec le magazine Fortune en 1934. À partir de 1935, il réalise des reportages pour le département de l'information du département de l'Agriculture (RA puis FSA), lequel aide les fermiers touchés par la Grande Dépression. Il se déplace ainsi en Pennsylvanie, à La Nouvelle-Orléans, en Alabama, au Mississippi, en Géorgie ou encore en Virginie-Occidentale. En , il suit l'écrivain James Agee, que Fortune a chargé d'écrire un article sur les métayers du Sud vivant dans la misère. En 1938, le MoMa organise la première exposition monographique majeure qui lui est consacrée : « Walker Evans, American Photographs ». Par la suite, il change ses habitudes de pose frontale en prenant des passagers du métro de New York à la sauvette[5].
Il obtient une bourse de la Fondation John-Simon-Guggenheim en 1940, 1941 et 1959. Il collabore au magazine Time entre 1943 et 1945, où il écrit des comptes-rendus de films, de livres et d'expositions[5]. Cette même année, il devient professeur de photographie à l'école d'art de l'université Yale.
Il accumule une collection de 9000 cartes postales. Il en réalise un portfolio qu'il offre à la fin de sa vie au MoMa[5].
On connaît notamment son travail sur la grande dépression, participant au programme de la Farm Security Administration. Les images de métayers dans l'Alabama, au même titre que celles de Dorothea Lange, comptent parmi les icônes du monde moderne.
On remarque dans son travail les regards des sujets fixant l'objectif : pas de doute, le sujet se sait photographié. Pour autant, il ne se compose pas un visage de circonstance orné d'un sourire obligatoire. Ici la photographie ne se contente pas de montrer, elle interroge le spectateur, l'Américain des années 1930 : si le sujet se laisse photographier dans cette posture, c'est que son regard a quelque chose à nous dire. Ce n'est peut-être plus nous qui le regardons mais lui qui nous accuse. Cette franchise du photographe préserve une dignité humaine mise à mal par la misère qui se laisse voir dans les vêtements en loques. Cet aspect de son travail est d'autant plus intéressant que c'est le même Walker Evans qui, entre 1938 et 1941, photographia des passagers du métro à leur insu. Un livre rassemblant cette série de clichés sera publié plus tard.
Walker est l'une des plus grandes figures humanistes de la photographie du XXe siècle. Américain originaire du Missouri, il rêvait de devenir écrivain et suivit des études en littérature française à la Sorbonne en 1926. Mais à son retour, il rencontra la photographie, qu'il réinventa en la hissant, au-delà du reportage et de la belle image, au rang d'œuvre d'art. Tels ses clichés saisissants sur l'Amérique rurale des années 1930, avec ses maisons en bois blanches et grises, ou ses portraits de femmes et d'hommes au regard triste et confiant.
En 1935, Walker Evans part en mission et rapporte des photographies s'inscrivant dans la lignée de ses précédents travaux. Prises à la Chambre photographique, d'une impeccable précision, elles s'attachent à l'architecture vernaculaire, aux intérieurs, aux pancartes et aux affiches autant qu'aux problèmes directement traités par la FSA. Son impact dépasse l'influence stylistique individuelle et s'étend désormais à la conception même du projet de la FSA, s'agissant en particulier de l'élargissement thématique de l'ensemble du traitement des seuls problèmes agricoles vers un projet de documentation visant l'ensemble de la société et de la culture vernaculaire.
« Vous ne voulez pas que votre travail découle de l'art ; vous voulez qu'il commence avec la vie, et elle est dans la rue maintenant. Je ne suis plus à l'aise dans un musée. Je ne veux plus y aller, je ne veux plus qu'on m'« apprenne » quoi que ce soit, je ne veux pas voir de l'art « accompli ». Je m'intéresse à ce qu'on appelle le vernaculaire »
— Walker Evans, Le Secret de la photographie. Entretien avec Leslie Katz, Éditions du Centre Pompidou, 2017, p. 35.
Walker Evans est l'un des photographes américains les plus marquants du XXe siècle. Son portrait de l'Amérique pendant la Grande Dépression, son « style documentaire » et sa fascination pour la culture populaire américaine ont marqué des générations de photographes et d'artistes.
Les nombreuses expositions et publications qui lui ont été consacrées ont souvent présenté son œuvre de manière chronologique et ont mis l'accent sur de grands ensembles : les photographies qu'il réalise lors de son séjour à Cuba en 1933, celles produites pour le gouvernement dans le cadre de la Farm Security Administration, son projet de documentation de la vie de famille de métayers en Alabama, ou les portfolios publiés dans le magazine Fortune. Dans la plupart de ces travaux, le photographe tend à respecter une apparente objectivité, qu'il obtient par l'utilisation de cadrages frontaux et de lumières naturelles, et en adoptant le principe de sérialité[7]. Le choix et la perfection de ce « style » ont eu une importance fondamentale dans l'évolution de la photographie documentaire. Nombreux sont ceux — de Jeff Wall à Dan Graham — qui ont également fait vivre et développé cette tradition forgée par Evans dans le champ de l'art contemporain[8].
Une observation attentive de ses images, de toutes premières réalisations dans les années 1920, jusqu'à ses derniers Polaroid, révèle en effet une fascination pour les objets utilitaires, domestiques et locaux[9]. Cet attrait pour les formes et les pratiques populaires naît très tôt chez Evans, qui commence, dès son adolescence, à collectionner les cartes postales. Plus de 10 000 pièces, qu'il a rassemblées jusqu'à la fin de sa vie, sont aujourd'hui conservées au Metropolitan Museum of Art, à New York. D'autres objets du quotidien — plaques émaillées, affichettes, publicités — produits en masses, figurent également dans sa collection personnelle.
L'attirance d'Evans pour le vernaculaire se remarque, avant tout, dans le choix des sujets : architecture victorienne, baraques de bords de routes, devantures de magasins, affiches de cinéma, pancartes, enseignes... Les visages et les corps des gens modestes, victimes de la Grande Dépression ou simples passants anonymes, peuplent également son iconographie du populaire. Ce qui constitue le « typiquement » américain, c'est aussi le revers du progrès, soit cet autre visage de la modernité. Pendant les années 1930 en particulier, la ruine et le déchet font partie intégrante du paysage américain. Evans traque toutes leurs occurrences : détritus industriels, débris d’architecture, carcasses d'automobiles, maisons en bois décrépies.
Evans ne collectionne pas uniquement les formes du vernaculaire. Il en adopte également les modes opératoires, et en particulier ceux de la photographie appliquée, tout en revendiquant une démarche créative. Posté, appareil à la main, au croisement de deux rues ou dans le métro, il réalise le portrait de plusieurs dizaines de citadins, déclenchant son obturateur avec le même automatisme qu'une cabine de Photomaton. Tel un photographe de cartes postales ou d'architecture, il établit, avec un systématisme surprenant, un répertoire d'églises, de portes, de monuments ou d'artères principales de petites villes américaines. De même, sculptures, chaises en fer forgé, ou simples outils de bricolage semblent avoir été sélectionnés pour leur qualité unique d'objet, par un Evans photographe de catalogues. La répétitivité, l'apparente objectivité et l'absence d'emphase de toutes ces images sont caractéristiques des photographies produites à la commande.
« Je m'aperçois que dans mon travail, pendant un temps, je ne m'intéresse qu'à un certain type de visage ou un certain type de personne. On commence à sélectionner les gens avec l'appareil photographique. C'est compulsif et on a du mal à s'arrêter. Je pense que tous les artistes sont des collectionneurs d'images. »
— Walker Evans, 1971.
Walker Evans (1903-1975)