Ambrosius Aurelianus
Image illustrative de l'article Ambrosius Aurelianus
Représentation imaginaire d'Emrys Wledig dans un ouvrage de Geoffrey de Monmouth, copie du XVe siècle.

Autres noms Emrys Wledig
Emrys Benaur
Riothamus
Prédécesseur Vortigern
Successeur Uther Pendragon
Allégeance Empire Romain d'Occident
Grade militaire Dux Bellorum
Années de service c.450 - c.490
Commandement Armée britto-romaine
Conflits Colonisation de la Grande-Bretagne par les Anglo-Saxons
Faits d'armes bataille du Mont Badon
bataille de Guoloph
bataille de Pevensey
Biographie
Dynastie Aurelii
Naissance
Bretagne (province romaine)
Famille Saint Pol Aurélien
Aurelius Conanus
Uther Pendragon
Roi Arthur
Vassaux Grande-Bretagne post-romaine
Alliés roi Arthur
Adversaires Vortigern, Hengist et Horsa, Aelle de Sussex

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Ambrosius Aurelianus, Ambroise Aurélien en français moderne (Emrys Wledic en gallois moderne), est un chef de guerre breton du Haut Moyen Âge sur lequel nous ne possédons que peu d'éléments, tous proches de la légende.

Il apparaît dans les sources comme actif de 435 à plus de 460[1]. Il galvanise et organise la défense des troupes bretonnes face à l'invasion saxonne à partir des années 450. Cet officier, issu de l'aristocratie bretonne romanisée et formé aux techniques militaires romaines, entame une guerre marquante contre les Saxons. C'est ce conflit auquel aurait participé le personnage légendaire d'Uther Pendragon (père du roi Arthur), et qui lui donna la notoriété qu'il a aujourd'hui. Ambrosius Aurelianus ne connaît pas une telle reconnaissance, bien qu'il ait grandement contribué à la défense de l'île de Bretagne, ainsi qu'à de nombreux événements sur le continent lors de son repli stratégique en Armorique et dans son domaine gallo-romain.

Il aurait été parent d'Aurelius Conanus et de Paul Aurélien, l'évangélisateur du Léon en Bretagne armoricaine. Il pourrait aussi être à l'origine du personnage d'Arthur par son titre théorique de Riothamus, roi des rois. Ce sont les chroniqueurs latins de la Bretagne qui, les premiers, mentionneront l’individu entre le VIe et le XIe siècle. D’un récit à l’autre, le rôle et les caractéristiques du personnage évolueront et il sera, tour à tour, chef de guerre, prophète et prince romain.

Hypothèses historiques

Ascendance

Deux Ambrosii ?

Dans le texte de Gildas le Sage ou de Nennius, on ne trouve qu'une seule mention de son ascendance, sur ses parents, « qui avaient aussi porté la pourpre pour leur mérite, et avaient sans doute été tués dans ces mêmes querelles »[2]. Ici, le personnage combattant les Saxons en 460 serait trop vieux pour être l'adversaire redouté de Vortigern des années 430 cité par Nennius : une théorie répandue soutient qu'il se peut donc, à l'instar d'autres personnages contemporains, qu'il y ait deux Ambrosius père et fils, ou au moins de la même famille, qui se seraient succédé dans la lutte contre les Saxons.

Plusieurs suppositions ont été émises concernant la famille du Romain par l'historien Frank D. Reno ou Alex Wolf[5]. Pour certains chercheurs[Lesquels ?], elle est originaire d'Italie, fraîchement venue en Bretagne, ce qui expliquerait le curieux manque de généalogie à son sujet. Le père d'Ambroise de Milan se nommait dans certaines sources Aurelius Ambrosius, et fut préfet du prétoire des Gaules dans les années 340 ; il n'est pas absurde de penser que ce magistrat avait un lien de parenté avec le chef de guerre breton[6]. Une solution consiste à supposer que la romanité du chef de guerre était à comprendre au sens politique du terme, et non ethnique.

Sur le statut des parents

Concernant ses parents honorés de la pourpre, la liste des consuls romains est disponible et nul Ambrosius concordant avec le personnage ne se trouve là à la basse Antiquité[7] : il apparaît alors évident que l'auteur employait le terme de consul à tort, en tant que poste honorifique dans la Romania. La liste des gouverneurs et des vicaires de l'île de Bretagne est presque totalement inconnue à cette époque. Il est donc possible, bien qu'hypothétique, qu'un fonctionnaire issu du Sénat — plus de deux mille personnes à l'époque — ou d'une institution similaire soit devenu gouverneur de Maxime Césarienne[8] (la tradition, l'étymologie et les noms relatifs au personnage le situent dans la moitié sud du Royaume-Uni ; cette région était traditionnellement attribuée à un gouverneur de rang consulaire selon la Notitia dignitatum) pour tenter de calmer les tensions politiques de la province après le passage de Constantin III, ou simplement pour réaffirmer l'autorité romaine, les Bretons se considérant encore comme romains. Cela expliquerait le fait que cet envoyé porte la "pourpre" (bande de couleur rouge sur la toge des hauts fonctionnaires romains). Gildas fait mention d'un "roi vertueux" ayant été démis de ses fonctions de manière légale, dans les chapitres évoquant le chaos politique post-romain ; quelques historiens y ont vu le père anonyme d'Ambrosius.

Il a été supposé qu'Ambrosius l'aîné puisse être un des trois généraux dirigeant l'île à la période romaine : Dux Britanniarum (commandant des forces du mur d'Hadrien), Comes littoris Saxonici per Britanniam (commandant des défenses littorales) ou Comes Britanniarum (commandant des forces mobiles). Toutefois, certaines preuves montrent que le dernier Dux Britanniarum fut le roi Cole Hen, ancien allié de Rome. De même, le dernier Comes Britanniarum fut sans doute Constantin lll et le dernier Comes Litoris fut Eudaf Hen : cela exclut à l'heure actuelle Ambrosius l'ancien de ces hautes dignités militaires, et renvoie à l'administration civile.

En Est-Anglie

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Article détaillé : Trésor de Hoxne.

Ce père pourrait également être le Aurelius Ursicinus dont on a retrouvé les possessions, possessions composant le trésor de Hoxne[9],[10]. En effet, la présence d'un noble chrétien du bas-empire du nom d'Aurelius, de surcroît dans la région de Maxime Césarienne, peut interroger. Le nom d'Ursicinus, ou Ursicin, connaît une certaine popularité durant le haut moyen âge ; venant du latin Ursus, ours, on peut rapprocher cette étymologie d'Arthur, du brittonique Arz, l'ours. Dans le cas où Ambrosius Aurelianus aurait un lien avéré avec cet Aurelius Ursicinus, ce serait un argument notable pour son identification avec le roi Arthur[11],[12].

Les régions d'Est-Anglie et du Sud-Est, dans le bas pays britannique, étaient particulièrement riches durant l'époque romaine.

Au sud du pays de Galles

Articles détaillés : Paul Aurélien et Royaume de Glywysing.

Dans plusieurs légendes et traditions à son sujet, Ambroise apparaît lié tantôt à la région du Dyfed, tantôt du Glywysing, s'il n'en est originaire ; c'est une zone romanisée, où les chefs déisis latinisent leur noms et s'intègrent sans heurts. La "légende de l'enfant sans père" de Nennius prend place au "champ d'Elletus" (Campus Elleti, près de Llantwit Major, ou Camarthen selon les versions), et saint Paul Aurélien, souvent considéré comme un membre de sa famille, naît peut être dans le cantref de Penychen, actuel val du Glamorgan et lieu teinté d'une forte histoire archéologique romaine. On ignore pourquoi le personnage d'Ambroise est aussi présent dans la région sud du pays de Galles, bien que plusieurs théories aient été construites pour en expliquer le sens. "C'est à se demander, comme le dit C. Y. Kerboul, s'il n'est pas originaire de cette région."

Paul Aurélien, célèbre évêque gallois du VIe siècle, est le fils d'un comte fortuné nommé « Porphyrius », « Perphirius » ou « Porphino », c'est-à-dire le pourpre/porteur de la pourpre[13], à l'origine en grec. La relation entre ce nom inhabituel en Occident et la noblesse romaine des parents d'Ambroise (eux-mêmes liés à la pourpre) n'est pas clairement définie, mais la coïncidence reste notable. Une piste consisterait à mettre en relation Tudwal Pefir, père semi-légendaire d'Aurelius Conanus (probablement lié à Ambroise par le sang, et nommé Cunin Cof dans le De Situ Brecheniauc) et le Porphyrius des vitae : Pefir ou Befr, "le rayonnant" en gallois, se serait rapproché par homophonie du latin "Porphyrius" jusqu'à transformer le nom du père de Pol Aurélien (ce dernier étant donc frère putatif du roi fustigé par Gildas)[14]. La question serait donc de savoir pourquoi un descendant supposé d'Ambrosius Aurelianus, dont les bases sont situées dans le Gloucestershire et l'Hampshire, se serait retrouvé dans un petit cantref du Glywysing, étant donné sa filiation remarquable (peut-être y a-t-il confusion entre des homonymes).

Descendance

Pour ce qui est de l'identité son épouse ou de ses descendants, les sources restent muettes. Le contexte local nous donne néanmoins certains indices ; on peut facilement imaginer le ou les Ambrosii épouser des femmes issues de l'aristocratie britto-romaine/brittonique. Quant aux noms des descendants dégénérés cités par Gildas dans son œuvre, ils sont purement et simplement absents des documents de l'époque, du moins en tant que descendants clairement admis comme tel (voir paragraphe suivant). La seule indication fournie est que les descendants du grand Ambrosius « ont beaucoup dégénéré de la vertu de leurs aïeux »[15]. Pour l'écrivain Mike Ashley, ces descendants dégénérés concernent la lignée d'Aurelius Conanus, un des cinq tyrans critiqués par le moine, qui aurait régné dans la région des marches galloise contrôlée, entre autres, par son ancêtre, le Gloucestershire[16] - il est appelé catule leonine, aureli canine (en latin : lionceau du lion) par Gildas, ce qui tendrait à lui attribuer une ascendance très noble. Cette région, constituées des villes britto-romaines de Gloucester (Caer Gloui), Bath (Caer Baddan) et Cirencester (Caer Ceri), est appelée Guenet par Nennius, et reste fortement romanisée au moins jusqu'au VIe siècle[17].

Nom, surnoms et Tria Nomina

Article détaillé : Tria nomina.

Dans les légendes galloises où l'historicité est confuse, Ambroise apparaît toutefois sous le nom "celtisé" d'Emrys, où se trouvent accolés tantôt le surnom de "Wledig" tantôt celui de "Ben-Aur", plus énigmatique. Wledig, assimilé plus tard au brittonique Amerauder/Amheraudyr/Ymrodur (empereur) est un titre légendaire particulièrement honorifique, attribué uniquement à des souverains d'exception. Il se traduit selon le contexte en "protecteur", "maître des milices", "propriétaire terrien" ou simplement "[grand] souverain"[18]. Le surnom de Ben-Aur (ou Benaur) évoque en gallois l'épithète assez hermétique de "tête d'or" ou "tête dorée" : les surnoms fortement imagés ne sont pas rares (Penasgell : tête ailée ; Sarffgadau : serpent de bataille ; Claforawg : le saliveur ; Eurfron : poitrine d'or ; Ysgithrog : grands-crocs) et semblent évoquer des particularités physiques, des traits de caractères ou des faits légendaires.

Le nom d'Ambrosius Aurelianus peut également donner quelques indices sur son identité, même si les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux. Un citoyen romain avait, afin qu'on le reconnaisse, le droit à un nom en trois parties, les tria nomina : praenomen, nomen, cognomen (prénom, nom et surnom de famille). Le patronyme d'Aurelianus indique une appartenance à la gens Aurelii, une riche et ancienne famille romaine commune à Ambroise de Milan et Jules César. Aurelianus pourrait être un deuxième cognomen, permettant de différencier le père et le fils ou indiquer une adoption par le suffixe -anus. Ambrosius, lui, serait donc un cognomen ; sa présence en tant que praenomen est très rare et hautement improbable, mais la relation avec Ambroise de Milan ne doit pas être mise de côté. Son praenomen, s'il n'est pas Ambrosius, est aujourd'hui inconnu : dans l'épigraphie latine, il est souvent abrégé par son initiale. Selon certaines hypothèses, cette unique lettre aurait été perdue au fil du temps, à cause de son insignifiance, ce qui n'est pas un cas isolé. Pour les grands personnages romains, on pouvait également ajouter un troisième cognomen plus personnel (l'agnomen), évocateur de succès militaires ou civils. Dans le cas d'un général victorieux comme Ambrosius Aurelianus, les noms honorifiques avérés comme "Britannicus" ou "Saxonicus" seraient plutôt appropriés. L'historien Léon Fleuriot lui supposa qu'Ambrosius fut son véritable praenomen, avec un cognomen de type Riothamus.

Chronologie du monde breton à l'époque d'Ambroise

Casque romain d'officier supérieur, comme pouvait en posséder les duces tels Ambrosius Aurelianus ou Magnus Maximus.

Ambroise en tant que chef de guerre

Selon Gildas

Dans De Excidio

Tout d’abord, l’œuvre de Gildas le Sage (504-570), De Excidio et Conquestu Britanniae, jette les bases d’un récit qui entoure le personnage d’Ambroise. Les Bretons, aux prises avec les Pictes et les Scots, suivront les conseils de Gurthrigern (Vortigern) et s’allieront à des mercenaires saxons. Ceux-ci les trahirent et plusieurs Bretons s’enfuirent dans les montagnes galloises où ils se rallieront autour d’un chef de nationalité romaine qui mènera alors la résistance. Cet homme sera victorieux à la bataille du mont Badon. Plus précisément, Gildas affirme qu'Ambroise Aurélien est le dernier homme de nationalité romaine encore vivant en Bretagne[28], et qu'il est très probablement chrétien. Il précise que ses parents auraient mérité de porter la pourpre, c’est-à-dire qu’ils avaient des charges importantes au sein de la société romaine (consul, sénateur ou magistrat). Le général, voire généralissime Ambroise, défenseur des valeurs (et de la culture) romaines traditionnelles et catholiques, aurait fait un excellent point de ralliement pour les bretons de toutes origines, qui auraient pu se rassembler autour de lui comme d'un symbole de pouvoir apte à leur redonner foi.

Contre Vortigern

Des années 420/430 jusqu'à la fin des années 450, le chef Vortigern organise selon Gildas un conseil des cités bretonnes pour assurer une cohésion centralisée du pouvoir. Il en prend le commandement, bien qu'Ambrosius l'ancien semble être son principal opposant comme leader de la faction pro-romaine et catholique, comme le sous-entendrait Nennius selon certains chercheurs. Pour JNL Myres, le statut du Pélagianisme serait une des causes de la grande discorde entre Vortigern et Ambrosius, ce qui aurait mené à la bataille de Guoloph, décrite dans l'ouvrage de Nennius, l'Historia Brittonum.

Le destin d'Ambrosius l'ancien, au pouvoir remarquable, est connu : il serait mort dans la terreur saxonne, soit la rébellion des mercenaires germains contre leurs employeurs suivie de la peste. La date de cet événement est confuse, mais elle est traditionnellement datée dans les années 440 à 450. Par la suite, le règne de Vortigern se faisant de plus en plus désastreux face aux Saxons, Ambrosius le jeune, réfugié traditionnellement en Armorique/pays de Galles, aurait pris le relais dans les années 460.

Ambroise et ses toponymes

Certains historiens pensent qu'il serait un des commanditaires du Wansdyke, tout comme l'établissement de ses quartiers à Amesbury (Wiltshire), qui aurait fait pour un millier de ses Ambrosiaci ("le comitatus d'Ambrosius")[29] - comme la forteresse de Cadbury Hill en Dumnonie - un abri stratégique et un point de fortification important pour stopper les Saxons à l'Est (selon Geoffrey de Monmouth, il y serait même enterré, dans un monastère nommé Ambrius)[30]. On remarquera les connexions toponymiques intéressantes du chef de guerre avec les villages d'Amberley (Gloucestershire), Amberley (Herefordshire), Ambrosden (Oxfordshire) et Amberly (Sussex) (la majorité des spécialistes estimant toutefois que plusieurs de ces précédents noms de lieux se réfèrent en réalité à l'oiseau bruant[31]) ; une "cour" à Amberley (Gloucestershire) lui a été supposée. L'hypothèse de Woodchester, sans preuves archéologiques à l'heure actuelle, a néanmoins un certain crédit au vu de la proximité de la grande villa romaine de Woodchester (peut-être appelé Caer Vudei/Vyddau au haut Moyen Âge[32], à moins que cela ne désigne Silchester) et des cités britto-romaines de Gloucester, Cirencester et Bath.

Selon certaines interprétations, Ambrosius Aurelianus aurait pu prendre de facto les fonctions de Dux tractus Armoricanus et Nervicanus, ce qui expliquerait une certaine influence en Armorique et son titre de "roi des deux côtés de la mer".

Le Rex Francorum et Britannorum selon Fleuriot

L'historien Léon Fleuriot faisant encore aujourd'hui autorité dans le domaine du haut moyen âge breton, plusieurs hypothèses qu'il a formulées, parfois contestées, sont reprises par divers chercheurs.

La Bretagne insulaire ne serait qu'une partie de sa vaste zone d'influence, puisqu'il serait à l'origine de la stabilisation des royaumes d'Armorique, sur le continent. Il est intéressant qu'il soit en effet le seul personnage à intervenir des deux côtés de la Manche. Il est même cité comme un roi des Francs et des Bretons armoricains aussi bien dans l'Historia Brittonum attribuée à Nennius que dans le Lebor Bretnach irlandais. Son autorité déborderait en effet un peu partout dans le monde celtique, et il serait très lié aux dynasties locales, à priori à celles du Gloucestershire, du Dyfed (Triffyn Farfog, Agricola, Vortiporius…) et d'Armorique, curieusement romanisées à cette époque. Dans cette éventualité, il aurait probablement été le commandant des troupes gallo-romaines stationnées sur les bords de la Loire, allié à Saint Germain d'Auxerre et à Syagrius. Son pouvoir aurait été si grand qu'il aurait fondé les dynasties armoricaines sous des noms obscurs, comme Ambros, Iahan Reith ou Regula[33] ; il aurait également été parent des rois de Cornouaille, comme Gradlon, Budic de Cornouaille ou Saint Miliau. Protégeant ce qui serait la "Grande Cornouaille" territoire hypothétique au fil de la Loire, allant du Finistère à Tours, le chef de guerre serait tout bonnement le personnage le plus important dans l'horizon celtique du très haut moyen âge.

Il aurait été législateur, en tant que créateur (ou remanieur) de l'Excerpta de Libris Romanorum et Francorum, un ouvrage juridique breton datant vraisemblablement du Ve ou du VIe siècle. L'étymologie rapproche Aurélien du lieu-dit de Mangolérian, dans le Vannetais ; "Mangolérian" signifierait en effet "Muraille d'Aurélien", sans identification satisfaisante avec l'empereur romain du même nom[34]. Dans le cas où il serait le Rigothamos ou Riothamus, c'est-à-dire "roi suprême" ou "roi des rois de Bretagne" (ce qui expliquerait la déférence que lui marque Sidoine Apollinaire dans une de ses lettres) et bien que cette hypothèse fasse encore largement débat, il aurait eu sous son autorité tous les Bretons, et douze mille soldats (bien que ce chiffre soit certainement apocryphe) dans l'alliance romano-franque contre les Wisigoths d'Euric, cette alliance étant toutefois rapidement défaite en 469/470. Trouvant refuge chez les Burgondes, selon Jordanès, Riothamus serait tombé au combat avant 475 et la prise de Clermont-Ferrand par les Wisigoths, sans que l'on en ait de certitude. La proximité relative de la ville d'Avallon, en Bourgogne, a alimenté la théorie d'un Ambroise en tant qu'identité véritable du roi Arthur. Pour Louis Goulpeau, la désastreuse bataille de Déols ne serait que les prémices d'une alliance fructueuse avec le royaume de Soissons, suivie de la victoire finale à Badon dans les années 490.

Selon la Chronique anglo-saxonne et Geoffroy de Montmouth, la mort du chef de guerre coïncide avec une comète aperçue en Gaule vers 497, ce qui donnerait une idée assez précise - sans être autre chose qu'une hypothèse - de sa véritable date de décès. Ce signe aurait en tout cas sûrement contribué à faire du dux bellorum un personnage hors du commun aux yeux de ses pairs[35].

Ambroise en tant que prophète

Articles détaillés : Merlin l'enchanteur et Vortigern.

L’historien Nennius fut le suivant à discuter de l’histoire de l’île de la Bretagne (la Grande-Bretagne) dans son œuvre Historia Brittonum écrite au IXe siècle. Les événements qui étaient relatés dans les deux premières œuvres sont encore présents, mais cette fois-ci, la victoire du mont Badon qui s’était faite sous le commandement d’Ambroise est attribuée au personnage d’Arthur, alors un simple chef de guerre (dux bellorum)[36].

Dans son œuvre, "la légende de l'enfant sans père," il existe alors un autre personnage se nommant Ambroise, et qui affirme être le fils d’un consul romain[37]. Ce terme étonnant pourrait être la réminiscence de la province de Maxime Césarienne en tant que province consulaire.

Le roi Guortigirn (Vortigern) cherche à construire une place forte mais celle-ci est toujours détruite la nuit venue. Guortigirn demande alors à ses conseillers ce qu’il doit faire pour que le phénomène cesse. Ceux-ci lui disent qu’il doit faire trouver un enfant né sans père, le tuer et asperger de son sang le sol sur lequel la forteresse doit être construite. Mais, une fois trouvé et amené devant lui, Ambrosius, l’enfant sans père, ridiculisera les conseillers de Guortigirn et lui fera découvrir un lac souterrain où deux dragons, un blanc et un rouge, se livrent bataille. Ambrosius en fait, alors, une interprétation. Le lac représente la Bretagne et les deux dragons, l’un les Bretons, l’autre les Saxons. Le dragon des Bretons étant victorieux, cela signifie que ceux-ci se lèveront et repousseront les Saxons par delà l’océan d’où ils sont venus[38]. Guortigirn, alors impressionné par ses prédictions, lui fait cadeau de la province de la Bretagne occidentale[39]. Cet exploit est aussi attribué à Merlin dans certaines versions de la légende arthurienne.

Bien que Nennius soit en accord avec les autres auteurs sur le fait qu’Ambroise soit de sang romain, précisément d’un consul romain, le reste de son récit doit être attribué à un siècle d’influence de légendes[1].

Ambroise en tant que prince romain

Le roi Vortigern devant le dragon blanc et le dragon rouge.

Bien des années plus tard, soit en 1135, William de Malmesbury reprendra l’idée d’Ambroise en tant que guerrier, mais cette fois-ci en rajoutant qu’il régna sur la Bretagne après Vortigern. Le nommant « dernier survivant des romains », celui-ci explique comment il a mis les Saxons en déroute avec l’aide de son général Arthur.

Malmesbury est le premier auteur qui place les personnages d’Ambroise et d’Arthur à une même époque et cette idée, d’ailleurs, ne sera plus reprise jusqu’en 1801[1].

Le nouveau personnage qui avait été présenté par Nennius sera plus tard repris par Geoffroy de Monmouth et l’épisode sera la fondation du personnage énigmatique de Merlin. En effet, Geoffroy reprend l’histoire de la rencontre entre Vortigern et Ambroise mais renomme ce personnage Merlin, lui attribuant, dès lors, une tout autre vie influencée par des légendes de son pays.

Dans son récit, écrit en 1138, Ambroise devient, encore une fois, un autre individu. De tous les auteurs, c’est Monmouth qui lui donnera la biographie la plus complète. Faisant de lui le fils du roi Constantin, il retient toutefois la figure du guerrier romain de Gildas et de William[40]. Selon cette histoire, Ambroise et son frère Uther auraient fui la Bretagne après l’assassinat de leur père et la prise de pouvoir de Vortigern aux dépens de leur frère Constant. À leur majorité, ils seraient revenus avec une armée et Ambroise aurait été nommé roi. Il serait alors parvenu à défaire Vortigern et les Saxons et entrepris de reconstruire la Bretagne. Il fut assassiné par un espion du fils de Vortigern et son frère Uther devint alors roi.

Après le récit de Geoffroy de Monmouth, le personnage d’Ambroise disparut de la légende pendant quelque temps. Il apparaît parfois dans les récits sous le nouveau nom de Pendragon[40].

Dans la fiction

C'est un des personnages principaux du livre de Valerio Manfredi, La Dernière Légion adapté au cinéma en 2007 par le réalisateur Doug Lefler. Le personnage du livre se confond avec le personnage de légende Ambrosius Aurelianus, le dernier empereur de l'Empire romain d'Occident, Romulus Augustule et avec celui de Uther Pendragon, père du Roi Arthur.

Notes et références

  1. a b et c Bruce, Christopher W. « Ambrosius Aurelianus » in The arthurian name dictionary. New York, Garland Publishing, Inc. 1999, p. 19
  2. Christiane M.J. Kerboul-Vilhon Gildas Le Sage. Vies et oeuvres Editions du Pontig Sautron (1997) (ISBN 9782951031029)p. 38
  3. (en) Mike Ashley The Mammoth Book of British Kings & Queens Robinson (Londres 1998) (ISBN 1-84119-096-9) « Ambrosius » p. 110-111
  4. (en) Gildas, De Excidio et Conquestu Britanniae, section 26
  5. Ambrosius Aurelianus
  6. Ambroise de Milan
  7. Liste des consuls romains du Bas-Empire.
  8. (en) Peter Salway, A History of Roman Britain, p. 251
  9. (en) Howard Wiseman, Then Arthur Fought, , p. 45
  10. (en) John Matthews et Caitlín Matthews, The Complete King Arthur : Many Faces, One Hero, , 424 p.
  11. (en) « Aurelius Ursicinus at Hoxne », sur facesofarthur.org.uk
  12. (en) Graham Philips, Merlin and the Discovery of Avalon in the New World, , 256 p. (lire en ligne)
  13. (en) Chris Barber, King Arthur : The Mystery Unravelled, p. 96
  14. a et b auteurs divers, Sur les pas de Paul Aurélien, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Brest - Société Archéologique du Finistère, Quimper, , 64 p. (lire en ligne), p. 38
  15. Christiane M.J. Kerboul-Vilhon Gildas le Sage op.cit p. 38.
  16. (en) Nennius, Historia Brittonum
  17. (en) « Celtic Kingdoms of the British Isles Celts of Britain - Dobunni (Britons) », sur historyfiles.co.uk
  18. (en) Norris J. Lacy, Geoffrey Ashe, Sandra Ness Ihle, Marianne E. Kalinke, Raymond H. Thompson, The New Arthurian Encyclopedia : New edition, Routledge, , 654 p., p. 7
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  20. (en) Dufed Lloyd Evans, Welsh Legends and Folk-tales
  21. Philippe Le Maître et Pierre Riché, Les invasions barbares, FeniXX, 132 p.
  22. (en) Angelica Varandas, « From Ambrosius Aurelianus to Arthur: the Creation of a National Hero in Historia Brittonum », Université de Lisbonne, centre des études anglaises,‎ (lire en ligne)
  23. Aupest-Conduché, D., « Quelques réflexions sur les débuts du christianisme dans les diocèses de Rennes, Vannes et Nantes », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 79, no 1,‎ , p. 135–147 (DOI 10.3406/abpo.1972.2629, lire en ligne, consulté le ).
  24. Edward James, « Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons », Revue archéologique de Picardie,‎ , p. 9-12 (lire en ligne)
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  27. Louis Lemoine et Bernard Merdrignac, Corona Monastica : Moines bretons de Landévennec : histoire et mémoire celtiques. Mélanges offerts au père Marc Simon, Presses universitaires de Rennes, , 383 p.
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  30. (en) Rodney Castleden, King Arthur : The Truth Behind the Legend, Routledge, , 280 p., p. 141
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  33. Christian Y. M. Kerboul, Les royaumes brittoniques au très haut moyen-âge,
  34. « à propos de Mangolérian », sur sahpl.asso.fr
  35. (en) « Ambrosius Aurelianus, the Elder », sur Vortigern Studies,
  36. Zumthor, Paul. Merlin le prophète : un thème de la littérature polémique de l'historiographie et des romans. Slatkine Reprints, Genève, 1973, p. 11
  37. Internet Medieval Sourcebook. « Nennius – Historia Brittonum », chap. 42, [En ligne] fordham.edu( consulté le 30 septembre 2007)
  38. Idem. Chap. 42
  39. Lacy, Norris J. « Ambrosius Aurelianus » The new Arthurian Encyclopaedia. New York, Garland Pub, 1991, p. 7
  40. a et b Idem

Sources

Sources primaires

Sources secondaires

Articles connexes

Liens externes