Anne de Kiev
Illustration.
Représentation présumée d'Anne de Kiev dans une fresque dépeignant les filles (ou les fils ?) du grand-prince Iaroslav de Kiev, cathédrale Sainte-Sophie de Kiev, XIe siècle[Note 1].
Fonctions
Reine des Francs

(9 ans, 2 mois et 16 jours)
Prédécesseur Mathilde de Frise
Successeur Berthe de Hollande
Régente du Royaume des Francs

(2 ans, 6 mois et 15 jours)
Avec Baudouin V de Flandre
Monarque Philippe Ier
Successeur Baudouin V de Flandre
Biographie
Dynastie Riourikides
Nom de naissance Анна Ярославна
Date de naissance vers 1024-1032
Lieu de naissance Kiev (Rous' de Kiev)
Date de décès vers 1075-1089
Père Iaroslav le Sage
Mère Ingigerd de Suède
Conjoint Henri Ier de France
(1051-1060)
Raoul IV de Vexin
(1063-1074)
Enfants Avec Henri Ier
Philippe Ier Couronne de France.
Hugues Ier de Vermandois

Signature de Anne de Kiev
Reines des Francs

Anne de Kiev (russe : Анна Ярославна, Anna Iaroslavna), née vers 1024, 1032 ou en 1036 à Kiev en Rus' et morte entre 1075 et 1089, est une princesse kievienne, fille de Iaroslav le Sage, grand-prince de Kiev, prince de Novgorod et prince de Rostov, et de sa seconde épouse, Ingigerd de Suède. Elle est l'épouse de Henri Ier et reine des Francs de 1051 à 1060. Elle est également la mère du roi Philippe Ier.

On sait très peu de choses sur la vie de cette princesse et les archives manquent. La reine est appelée de différentes manières, Agnès ou Anne de Ruthénie[Note 2], Anne d'Ukraine[Note 3] ou Anne d'Esclavénie. La Rus' de Kiev[1], premier État constitué des Slaves de l'Est, dès le ixe siècle s'est développée sous l'impulsion des Varègues scandinaves et dans le sillage culturel de Byzance, notamment avec la conversion au christianisme byzantin par Vladimir Ier en .

Biographie

Famille

Son ascendance est mentionnée par quelques généalogies qui nomment son arrière-grand-père paternel Romain II, empereur byzantin, lequel affirmait descendre des rois de Macédoine[2]. Cependant, la fille de Romain II, Anne de Byzance n'est que la deuxième épouse de Vladimir Ier[Note 4]. Anne de Byzance n'est donc pas la grand-mère d'Anne de Kiev, et Romain II ne peut être son bisaïeul.

Mariage

Échange de consentements entre Anne et le roi Henri Ier.
Enluminure ornant les Chroniques de France ou de Saint-Denis (1332-1350), British Library, ms. 16 G VI.

Une ambassade de grande importance est envoyée à Kiev pour y obtenir la main de la fille de Iaroslav le Sage, prince de Kiev. Cette ambassade est conduite par Roger II de Châlons[3], évêque de Châlons. Anne a reçu une éducation soignée et connaît le grec et le latin. Le consentement des parents obtenu, elle voyage par Cracovie, Prague et Ratisbonne. Appartenant, par sa confession, à l'Église des sept conciles, elle épouse à Reims en premières noces, le [4], le roi Henri Ier de France qui relève, quant à lui, de l'Église catholique romaine. Ces deux Églises forment encore l'Église indivise, puisque cet événement a lieu avant le schisme de 1054. Ce mariage à Reims est l'occasion de grandes festivités.

Unions et descendance

De leur lit, naissent quatre enfants :

Réputée descendante de Philippe II de Macédoine[Note 6],[2], elle introduit le prénom « Philippe » à la cour de France en le donnant au fils aîné de son premier mariage. Il règne sous le nom de Philippe Ier, premier roi des Francs à ne pas porter un prénom germanique[7].

Devenue veuve d'Henri Ier, elle devient co-régente de son fils Philippe jusqu'en 1063, date de son remariage[Note 7] avec le comte de Valois, Raoul de Crépy, après que celui-ci a répudié son épouse légitime. Cette union suscite la colère des évêques ainsi qu'une brouille passagère avec son fils Philippe Ier[8], et le couple est excommunié en 1064[9].

Anne fait reconstruire à Senlis une église ou chapelle ruinée qui est consacrée en 1065, et y fonde en même temps l'abbaye Saint-Vincent. Elle meurt entre 1075 et 1089.

Généalogie

La prétendue tombe de Villiers-aux-Nonnains

Anne aurait été inhumée à l'abbaye de Villiers-aux-Nonnains[Note 8] à Cerny près de La Ferté-Alais dans l'Essonne. Étant donné que l'abbaye de Villiers n'a été fondée que vers 1220, soit près de 140 ans après cette inhumation, et qu'aucun texte ne parle d'un transfert des restes d'Anne dans l'abbaye, il est difficile d'admettre qu'elle y est inhumée dès sa mort. Cette abbaye est détruite à la Révolution française consécutivement au vote par l'Assemblée nationale législative du décret du , « relatif à la destruction des monumens, susceptibles de rappeler la féodalité »[Note 9]. Les pierres de l'abbaye sont ensuite utilisées pour la construction de certaines maisons de La Ferté-Alais.

En 1682, le Journal des savants rend compte brièvement d'une série de « nouvelles découvertes » historiques faites par le père Menestrier, savant jésuite qui est alors une autorité en matière d'histoire nobiliaire. En tête de celles-ci, figure la description d'une pierre tombale trouvée dans l'église abbatiale de Villiers-aux-Nonnains, près de la Ferté-Alais : le père Menestrier s'est persuadé qu'elle appartenait à la reine malencontreusement appelée Agnès plutôt qu'Anne, épouse de Henri Ier.

« C’est une tombe plate dont les extrémités sont rompues. La figure de cette Reine y est gravée, ayant sur sa tête une couronne à la manière des bonnets que l’on donne aux Électeurs. il y a un retour en demi-cercle, où commence son épitaphe en ces termes : Hic jacet Domina Agnes uxor quondam Henrici Regis, le reste est rompu, et sur l'autre retour on lit : eorum per misericordiam Dei requiescant in pace… »

Les auteurs de la Gallia Christiana revinrent sur le sujet dans leur notice sur l'abbaye de Villiers. Ils firent remarquer que deux informateurs de leur ordre avaient examiné cette épitaphe à un siècle d'intervalle et qu'aucun n'y avait vu le mot Regis ; Magdelon Theulier, qui avait visité l'abbaye dès 1642, croyait même que les mots uxor quondam Henrici avait été rajoutés à l'inscription primitive. D'ailleurs les bénédictins du XVIIIe siècle, pas plus que les frères de Sainte-Marthe au siècle précédent, n'imaginaient qu'Anne de Ruthénie pût apparaître sous le nom d'Agnès ; ils s'étonnaient que l'abbaye de Villiers ayant été fondée un bon siècle et demi après sa mort, il aurait fallu qu'elle y fût transférée après 1220 sans que cet événement ne laissât de trace ; ils pensaient enfin, ayant sans doute consulté Duchesne ou dom Bouquet, qu'Anne, veuve de Raoul, était retournée mourir en Ruthénie.[réf. souhaitée]

La pierre tombale ayant disparu depuis la Révolution, ces deux textes constituent les seules sources relatives à cette tombe et le terme Regis qui paraît avoir trompé Menestrier ne peut plus être expliqué. Car, en dehors de lui, rien ne résiste : personne n'a jamais pu expliquer de manière convaincante comment la dépouille d'Anne de Kiev serait arrivée dans cette obscure abbaye de femmes du Gâtinais ni par quelle autre église ou chapelle elle aurait transité auparavant ; le type de pierre décrit par le Journal des Savants, avec l'effigie de la défunte entourée d'une épitaphe, n'existait certainement pas au milieu du XIe siècle, comme le souligne R.-H. Bautier ; enfin, l'utilisation du pluriel : eorum… requiescant… signifie que la défunte n'était pas seule. L'hypothèse de loin la plus vraisemblable est donc que cette femme en bonnet, épouse — pourquoi pas ? — d'un certain Henri qui n'était pas roi et qui partageait peut-être sa tombe, était une bienfaitrice de l'abbaye ayant vécu au XIIIe siècle et qui fut accueillie à sa mort dans l'église des religieuses.[réf. souhaitée]

L'article du Journal des savants ainsi qu'une traduction de la notice latine des bénédictins ont été republiés avec soin à la fin du Recueil de Labanoff. Une autre copie de ce petit dossier se trouve parmi les annexes d'une traduction de la Chronique de Nestor donnée par Louis Paris en 1834.[réf. souhaitée]

Dans la fiction

Notes et références

Notes

  1. Dans cette fresque du mur sud de la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev restaurée durant les années 1950-1960, l'historien d'art soviétique Victor Lazarev croit reconnaître « les quatre filles cadettes » du grand-prince Iaroslav le Sage, « Anne en tête » (Lazarev 1971, p. 236).
    Toutefois, dans une étude parue à Kiev en 1978, l'épigraphiste ukrainien S.A. Vysoc'kyj remet en cause cette identification. S'appuyant sur le texte de Vysoc'kyj, l'historien médiéviste français Robert-Henri Bautier souligne que l'« [l']interprétation [de Lazarev] doit être abandonnée » puisque la tradition byzantine réservait la partie méridionale aux hommes ; les quatre figures de la procession représenteraient donc les fils de Iaroslav. Anne et ses sœurs devaient probablement figurer dans les fresques du mur septentrional, qui ne subsistent qu'à l'état de fragments (Bautier 1985, p. 541, no 5).
  2. Traduction française habituelle de "Rus", l'appellation originale de la principauté de Kiev.
  3. Selon le professeur d'histoire Christian Bouyer, « Anne cumule dans les sources de nombreux patronymes. Les historiens en recensent à son égard une bonne demi-douzaine : Anne de Russie, Anne de Ruthénie, Anne d'Ukraine, Anne d'Esclavénie, Anne de Kiev et quelques autres très imprécis », (Christian Bouyer, Les Enfants Rois, Paris, Pygmalion, , 280 p. (ISBN 978-2-7564-0511-7, BNF 42783920, lire en ligne)).
  4. Le père de Iaroslav le Sage, lui-même père de Anne.
  5. Selon F. Guérard (Guérard 2005), Emma serait morte à quelques mois.
  6. Cette filiation est controversée (voir supra).
  7. Ou 1062 selon Bouyer 1992.
  8. Toutefois, selon Françoise Guérard (Guérard 2005), elle serait retournée mourir à Kiev. Christian Bouyer (Bouyer 1992) évoque également la même hypothèse, une « tradition [qui] veut qu'elle soit retournée dans son pays. »
  9. Le décret du 14 août 1792 indiquait notamment, dans son paragraphe 3, que « les monumens restes de la féodalité, de quelque nature qu'ils soient, existant encore dans les temples et autres lieux publics, et même à l'extérieur des maisons particulières, seront, sans aucun délai, détruits à la diligence des communes ». Texte complet en page 359 de Jean-Baptiste Duvergier (éditeur scientifique), Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens et avis du Conseil-d'État : De 1788 à 1824 inclusivement, par ordre chronologique (…), Tome quatrième, Paris, A. Guyot et Scribe, , 570 p. (lire en ligne), p. 359.

Références

  1. Olivier Piot, « Kiev la doyenne », sur www.lemonde.fr, 1er octobre 2009, mis à jour le 20 avril 2010 (consulté le ).
  2. a et b Françoise Guérard, Dictionnaire des Rois et Reines de France, Vuibert, ..
  3. Henri Fleury & Louis Paris (dir.), La chronique de Champagne, Reims, 1837, t. II, p. 90.
  4. Christian Bouyer, Dictionnaire des Reines de France, Librairie Académique Perrin, (ISBN 2-262-00789-6). Christian Bouyer nuance : le mariage « a sans doute lieu le 19 mai 1051 ».
  5. (de) « Edigna von Puch - Ökumenisches Heiligenlexikon », sur www.heiligenlexikon.de (consulté le ).
  6. « Edigna von Puch - Gestalt und Verehrung », sur www.edigna-puch.de (consulté le ).
  7. Claude Quétel, Il était une fois la France, Paris, Buchet-Chastel, (ISBN 978-2-283-03398-2, lire en ligne), p. 94.
  8. Bouyer 1992.
  9. Guérard 2005.

Voir aussi

Bibliographie

Sources primaires

Études historiques

Vue d'artiste d'Anne de Kiev, d'après une effigie de l'abbaye Saint-Vincent de Senlis fondée par la reine. Gravure extraite de l’Histoire de France de François Eudes de Mézeray, Paris, 1643.
Statue d'Anne de Kiev érigée en 2005 à Senlis.
Vue d'artiste par les sculpteurs ukrainiens Myhkolay et Valentyn Znoba.

Articles connexes

Liens externes

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