Réalisation | Lars von Trier |
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Scénario | Lars von Trier |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Zentropa Productions |
Pays de production |
Allemagne Danemark France Pologne Suède Italie |
Genre | Drame, horreur, thriller |
Durée |
104 minutes (version censurée) 108 minutes (version non censurée) |
Sortie | 2009 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Antichrist est un film d'horreur franco-germano-danois-polonais réalisé par Lars von Trier. Il est sorti le . Présenté en compétition officielle au festival de Cannes 2009, il a été récompensé par le prix d'interprétation féminine attribué à Charlotte Gainsbourg.
Le film est dédié au réalisateur Andreï Tarkovski (1932-1986).
Un couple perd son enfant dans un accident, alors qu'ils étaient occupés à faire l'amour. La femme se sent responsable. Son mari (psycho)thérapeute tente de la soigner. La thérapie les amènera à se rendre dans un chalet retiré dans les bois, où la femme et son fils avaient coutume de passer du temps.
Le film est divisé en quatre chapitres, encadrés par un prologue et un épilogue :
Le couple fait l'amour - scène filmée au ralenti, en partant de la douche vers leur chambre. Pendant ce temps, leur enfant sort lentement de son enclos. Il va dans la chambre de ses parents, les voit faire l'amour. Il monte sur une table contre un mur avec une fenêtre entrouverte, fait tomber des objets. Le couple continue ses ébats. Finalement l'enfant se met debout sur le rebord de la fenêtre, glisse et tombe par la fenêtre, dans la rue, dans la neige.
Un plan sur une machine à laver tournant nous indique peut-être que c'est son bruit qui a empêché les parents de se rendre compte de la gravité de la situation.
Lors de l'enterrement, la femme s'effondre. Un mois plus tard, son mari la sort de l'hôpital. Elle se sent terriblement coupable, sa souffrance est immense, tourne au cauchemar, à l'angoisse, au point qu'elle désire mourir aussi. Son mari tente une thérapie pour l'aider. Il reçoit en parallèle une lettre d'un médecin légiste, qu'il préfère ne pas ouvrir dans l'immédiat.
Il questionne sa femme sur ses peurs, mais elle n'est pas certaine d'en avoir de précises, sinon celle d'un lieu nommé Eden (mais pas au sommet de la pyramide de ses peurs cependant), sorte de chalet dans la forêt où elle avait pour habitude d'aller avec son fils. Ils décident de s'y rendre dans le cadre de la thérapie.
Elle décrit différents lieux, sur le chemin, qui lui font peur : un pont, un terrier de renard, un arbre mort. Arrivés sur les lieux, la femme fait une sieste dans les bois, et le mari voit alors une étrange apparition de biche, au faon mort-né encore accroché à son corps.
Plusieurs souvenirs reviennent à la femme dans ce lieu où ils ont été avec leur enfant. Elle compare les glands qui tombent du chêne sur le toit de la cabane à des enfants de l'arbre qui tombent et meurent par milliers, et elle en conclut que la nature est terrible, semblable à Satan. Le mari suppose alors que ce qu'elle nomme « Satan » pourrait être le sommet de la pyramide de ses peurs. Finalement, à force de thérapie, elle semble aller mieux. Cependant il reste dubitatif, et elle le prend mal.
Alors qu'elle part dans la forêt, en tentant de la suivre, il trouve dans les fougères un étrange renard, blessé ou mort, qui lui dit d'une voix grave « Le chaos règne ».
On découvre que par le passé elle a fait une thèse sur les sorcières et les souffrances infligées aux femmes. Il semble que sa grande culpabilité dans la mort de son fils pendant qu'elle faisait l'amour la conduit à donner raison aux tortionnaires qu'elle dénonçait dans sa thèse ; elle dit à son mari : « Les femmes ne contrôlent pas leur propre corps, c'est la nature ».
La lettre reçue par son mari plus tôt s'avère être une autopsie révélant que leur fils avait une légère malformation aux pieds. Elle trouve la lettre ; quant au mari, il trouve des photographies de son fils à Eden, avec les chaussures à l'envers (chaussure du pied droit au pied gauche, et inversement). Il lui montre ces photos, et elle semble étonnée. Dans l'atelier, il trouve d'autres photos aux chaussures inversées, et complète le sommet de la pyramide des peurs de sa femme, comme étant elle-même.
Elle l'agresse par surprise dans l'atelier. Ils font l'amour et elle lui donne alors un coup sur le sexe avec une bûche ; il s'évanouit, elle le masturbe et il éjacule du sang (toujours évanoui). Elle creuse un trou au vilebrequin dans son mollet, et y attache une meule en y passant une barre métallique, serrée d'un écrou, pour l'immobiliser. Elle sort et cache la clé à molette sous le chalet. Il finit par se réveiller, s'échappe en rampant.
S'apercevant de sa fuite, elle cherche dans les bois. Il se cache dans le terrier de renard dont elle avait peur. Il y trouve un corbeau vivant, enterré, qui se met à crier. Sa femme le trouve, essaie de le faire sortir, cherche une pelle pour creuser. Elle finit par le frapper et l'ensevelir avec cette pelle.
Elle reprend ses esprits et déterre le mari, toujours vivant malgré les douleurs infligées. Elle le ramène avec sa meule au mollet a l'intérieur du chalet. Il lui demande si elle va le tuer, elle lui répond que pas encore, seulement quand les trois mendiants seront là ; car quand ils sont là, quelqu'un doit mourir. Elle sombre à nouveau dans une crise de démence, prend des ciseaux et se coupe le clitoris et une partie des lèvres (scène filmée en gros plan). Elle s'évanouit. Le mari voit à nouveau les trois animaux apparaître, les cris du corbeaux sous terre lui font fracasser le plancher, et il trouve la clé à molette.
Il essaie de se libérer de sa meule, mais sa femme se réveille et tente de l'empêcher, l'attaquant avec une paire de ciseaux. Il jette les ciseaux, puis se libère, et finalement il l'étrangle, la tue puis la brûle dans un grand feu devant la cabane.
Le mari s'en retourne avec une béquille. Il voit apparaître des centaines de femmes, visages floutés, qui se rassemblent (scène qui évoque le sabbat des sorcières).
Lars von Trier qualifie le style de ces scènes de « monumental », en comparaison avec le reste du film, qu'il voulait plus brut, à la façon d'un documentaire (utilisation comme souvent chez Lars von Trier d'une caméra à l'épaule)[2].
(« Je n'ai pas suivi ma méthode de travail habituelle sur ce script. Des scènes ont été ajoutées sans raison. Les images ont été composées sans pensée logique ou dramatique. Elles venaient souvent des rêves que j'avais pendant cette période, ou de rêves que j'ai eus plus tôt dans ma vie »).
Le film a été projeté en sélection officielle au Festival de Cannes le où il crée une polémique. Les principales critiques portent sur l'extrême violence de certaines scènes où se côtoient sexe et mutilation. À la conférence de presse, Lars von Trier refuse de se justifier sur sa vision. Devant l'insistance des journalistes et un moment de silence, il déclare : « I feel it's a very strange question that I have to excuse myself [ ... ] I am the best film director in the world »[4],[5]. (« J'ai le sentiment que c'est une étrange chose que j'aie à m'excuser [...] Je suis le meilleur réalisateur de films du monde »).
Le considérant comme un film misogyne, le Jury œcuménique lui attribue un « anti-prix »[6].
Les critiques français ont émis de grandes réserves sur le film. La presse a été (presque) unanimement assassine.
Jean-Michel Frodon dans Les Cahiers du cinéma et Pascal Mérigeau dans Le Nouvel Observateur ont pour leurs parts fortement défendu le film.
En , le film est interdit aux moins de 18 ans en France, à la suite des demandes de l'association Promouvoir au Conseil d'État.
Malgré les vives critiques et la controverse, le Prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes 2009 est décerné à Charlotte Gainsbourg. La rumeur en a même fait le film favori de la présidente du jury Isabelle Huppert qui aurait souhaité l'imposer pour la Palme d'or, créant ainsi des conflits au sein du jury, notamment avec le réalisateur américain James Gray[14],[15].
Il reçoit le Nordic Council Film Prize en 2009, le Grand Prix de l'Union de la critique de cinéma (UCC) en 2010 et le Robert du meilleur film danois.
Le visa du film a été attaqué devant le Conseil d'État par plusieurs associations de défense de la dignité humaine ou des mineurs, emmenées par l'association catholique « Promouvoir », qui a déjà obtenu par le passé l'annulation du visa du film Baise-moi ainsi que du film Ken Park. Ces deux films ayant obtenu un visa assorti d'une interdiction aux moins de 18 ans par la suite (non classé X). La haute juridiction a accueilli la demande d'annulation par un arrêt du , pour défaut de motivation du visa. Un nouveau visa (de mention identique au précédent) est accordé le lendemain au film par le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand. Peu de temps après, l'association « Promouvoir » attaque à nouveau le visa du film devant le Conseil d'État. Par un arrêt du , le Conseil d'État annule une nouvelle fois le visa du film de Lars von Trier pour défaut de motivation de visa. En , la ministre de la culture Aurélie Filippetti accorde un nouveau visa (de même mention que celui d'avant) au film après un avis détaillé de la commission de classification du CNC.
Le , la cour administrative d'appel de Paris a accédé à la demande de l'association « Promouvoir » et pris la décision d'annuler le visa d'exploitation du film pour les mineurs en raison de ses « scènes de très grande violence » et de ses « scènes de sexe non simulées »[18]. Ceci a été contesté par le ministère de la Culture mais confirmé par le Conseil d'État le [19].