Avrom Sutzkever
Avrom Sutzkever en 1950.
Biographie
Naissance
Décès
(à 96 ans)
Tel Aviv (Israël)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
אַבֿרהם סוצקעווערVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Абрам Герцевич СуцкеверVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Activités
Autres informations
Membre de
Conflit
Distinctions
Prix Israël ()
Prix Itzik-Manger (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Avrom Sutzkever, Abraham, Avrohom Sutzkever, né à Smarhon (Empire russe) le et mort à Tel-Aviv (Israël) le , est un poète juif yiddish israélien. Il est considéré comme le plus grand poète yiddish survivant de la Shoah avec Chava Rosenfarb.

Biographie

Avrom Sutzkever naît le à Smarhon, ville de l'actuelle Biélorussie. Durant la Première Guerre mondiale, sa famille se réfugie en Sibérie puis s'installe à Vilnius en 1922. À l'époque, la ville s'appelle Wilno et se situe en territoire polonais. À la fin des années 1930, Avrom Sutzkever fait partie du mouvement littéraire et artistique Yung Vilne à Vilnius. Il publie son premier poème en 1934. Lorsque Vilnius est occupé par l'Allemagne nazie, Sutzkever est enfermé dans le ghetto de Vilnius comme les autres juifs de la région. Il parvient à rejoindre les partisans après s'être échappé du ghetto avec sa femme et le poète Shmerke Kaczerginski, le . Pendant la Seconde Guerre mondiale, il écrit plus de 80 poèmes qu'il parvient à conserver en vue d'une publication après la guerre. Il s'installe ensuite en Union soviétique. Appelé à témoigner au procès de Nuremberg, il souhaite s’exprimer en yiddish mais seules les langues des puissances victorieuses sont admises, il est donc contraint de témoigner en russe.

Avrom Sutzkever est aussi un des témoins du Livre noir, un recueil de témoignages réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman. Il y livre le témoignage suivant sur le ghetto de Vilnius :

« Au-dessus des portes du ghetto, les Allemands avaient mis une pancarte : “Attention. Quartier juif. Danger de contagion. Entrée interdite aux non-juifs. Il est interdit aux juifs de regarder par les fenêtres donnant sur les rues à l'extérieur du ghetto. Ces fenêtres doivent être complètement camouflées avec du papier ou de la peinture./ Il est interdit aux juifs de parler allemand./ Il est interdit aux juifs de parler politique./ Tout juif qui parlera ou entretiendra des relations avec des non-juifs sera fusillé./ Il est interdit aux juifs de porter la moustache./ Il est interdit aux juifs de consommer des matières grasses./ Il est interdit aux femmes juives de se teindre les cheveux et de se farder les lèvres/ Il est interdit de prier./ Il est interdit d'étudier./ À partir de l'âge de six ans, tous les juifs doivent porter l'étoile jaune, à l'intérieur comme à l'extérieur du ghetto. Devant chaque Allemand qui pénètre dans le ghetto, il faut se découvrir./ Il est interdit d'accoucher./ Les femmes qui accouchent seront mises à mort avec leur enfant[1] »

Après avoir vécu quelque temps à Lodz et à Paris, Avrom Sutzkever s'installe en 1947 en Israël, où il vécut jusqu'à la fin de sa vie. Il est l'auteur d'une œuvre poétique d'une grande force, hantée par la mémoire de la Shoah. Il a été le fondateur et directeur de la prestigieuse revue littéraire, Di goldene keyt, « La chaîne d'or » (Tel Aviv 1949-1995)[2]. Il est l'auteur du recueil Où gîtent les étoiles publié au Seuil en 1989.

Poèmes

Pain et sel

Broyt un zalts
Le soleil est à tout le monde, mais plus qu’à tous
Il est mien.
Les racines des ténèbres,
Je n’en ai nul besoin. Je suis
Un enfant du soleil.
Je suis la vie même,
Et la trace d’un renard argenté sur la neige
Est ma mémoire.
La hache qui viendra me déraciner
Devra et saura rester soumise à mon emprise.
Je suis le silence.
Suis son pain et son sel.
(traduction de Batia Baum)[3]

Sous tes étoiles blanches

Sous tes étoiles blanches
Tends-moi ta blanche main.
Mes mots se changent en larmes
Ils veulent reposer dans ta main.
Regarde comme leur scintillement s’estompe
Dans mon regard encavé.
Et je ne vois pas-du-tout
Comment te les restituer.
Je veux pourtant, Dieu fidèle,
Te confier tout ce que je possède.
Car un feu en moi réclame son dû
Et dans ce feu — les jours de ma vie.
Mais dans les caves, dans les trous,
Le repos assassin sanglote.
Je cours, plus haut, par-dessus les toits
Et je demande : où es-tu ?
Escaliers et cours me poursuivent
Sous les aboiements
Je pends comme une corde cassée
Et je chante :
Sous tes étoiles blanches
Tends-moi ta blanche main.
Mes mots se changent en larmes
Ils veulent reposer dans ta main.
(traduction de Gilles Rozier)

Œuvres publiées

En yiddish

En français

En anglais

Notes et références

  1. Le Livre noir, témoignages réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, Actes Sud, 1997, p. 531.
  2. Jean Baumgarten, Le yiddish : langue et littérature, Clio.fr, octobre 2002, [disponible sur http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_yiddish__langue_et_litterature.asp
  3. Yiddish ? Yiddish ! par Willy Estersohn

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