La borne milliaire de Limoges était probablement une colonne itinéraire romaine, trouvée en France, connue au moins depuis le XVIIIe siècle et détruite en 1893 par la ville de Limoges.
Plusieurs auteurs ont cependant considéré cette pierre comme illisible, et mettaient même en doute son caractère milliaire.
« En terminant, M. le Président [François Arbellot[1]] exprime le regret, bien justifié, que le service des travaux publics de la ville ait cru devoir transformer en menus cailloux l'énorme borne milliaire qui, depuis tant de siècles, se dressait auprès de l'entrée de l'abbaye de la Règle aujourd'hui Grand Séminaire. La place de ce monument, à supposer qu'il gênât la circulation, était au musée Adrien Dubouché. »
— Société archéologique et historique du Limousin, 29 août 1893.
Description
Selon Charles-Nicolas Allou, cette colonne en « pierre du pays » (un granite blanchâtre) était « assez fortement inclinée par rapport à la verticale », et faisait environ 5 pieds de haut pour 15 pouces de diamètre[2]. Plus précisément, Florian Vallentin lui donnait 1,63 m de haut et 0,53 m de diamètre, et notait que sa base était enfoncée dans le sol.
Ce dernier, par ailleurs fondateur du Bulletin épigraphique de la Gaule, y aurait déchiffré les fragments d'une inscription sur un flanc très arasé par l'action des agents atmosphériques et mécaniques :
« [imp] CAES
[anto]NINO »
Que l'on pourrait restituer, en toute hypothèse, par Imperatori Caesari, Antonino, et traduire par « À l'empereur César, (...) Antonin ».
Pour sa part et avant les deux auteurs précédents, Charles-Nicolas Allou n'avait cru lire, en son sommet, qu'un grand :
« P[ »
Localisation
Avant sa destruction, le monument était situé non loin de la porte Panet[3], une extension du XIIIe siècle de l'enceinte de la Cité de Limoges, au milieu de la rue ou sur la place de la Règle[4], en face des entrées de l'ancienne abbaye de la Règle, transformée à ce moment-là en Grand séminaire[5].
Allou a mentionné l'hypothèse de certains auteurs, localisant son emplacement d'origine dans le bourg du Palais[6] (alors à une lieue de son emplacement à Limoges) où elle aurait signalé un point de départ de distances[7]. Cette localisation correspondrait plutôt à une autre pierre, un bloc de granit en forme de prisme triangulaire placé à l'entrée du cimetière du bourg en question, et déjà connue à cette date. Selon ce même auteur, celle-ci comportait « quatre petits cercles, creusés sur la base supérieure ».
Enfin, en 1893, la Société archéologique et historique du Limousin ne semblait pas envisager que la borne de Limoges n'ait jamais été déplacée[8].
Une autre borne à Limoges
La colonne en question ne doit pas non plus être confondue avec une autre inscription disparue, trouvée elle aussi à Limoges. Celle-ci publiée en 1884 par Antoine Héron de Villefosse[9], et gravée sur un fragment « engagé dans le soubassement de la tour d'entrée de la cathédrale, pilier N.-E. », était peut-être une borne milliaire[10].
Historique
Première mention et lectures
La pierre, très probablement connue précédemment, voire christianisée vu sa localisation devant l'abbaye, est représentée dans les dessins de « monuments d'origine romaine » par l'antiquairePierre Beaumesnil, entre 1774 et 1787. Comme d'autres à son époque, et Émile Espérandieu plus tard (pour qui cela est « hors de doute »), il la qualifie de borne milliaire.
De son côté, Charles-Nicolas Allou, en 1821, observe qu'elle « ne porte aucun des caractères ordinairement assignés aux milliaires », pourtant Florian Vallentin indique que son aspect est « exactement semblable » à celui du milliaire de l'année 243, trouvé dans l'abbaye de Moutier-d'Ahun[11] et dédié à Gordien III.
Suite à l'hypothèse de lecture ici en illustration et faite par Vallentin, en 1882, Espérandieu se déplace vainement sur place, en 1890, pour relire la pierre. On notera dans son ouvrage que, huit ans après Vallentin, Espérandieu (comme le chanoine J. Arbellot[1] avec lui) considérait plutôt ce milliaire comme anépigraphe, en dehors d'une lettre T possible, voire d'un TI ligaturé en forme de croix[12].
Les deux autres auteurs plus anciens n'avaient pu la déchiffrer : ni Charles-Nicolas Allou[13] (sauf un P gravé profondément dans la partie supérieure, dont la jambe a environ 6 pouces de longueur, soit 15 cm), ni Pierre Beaumesnil.
Destruction, classement, radiations
En 1900, Louis Guibert indique que la « pierre a disparu il y a cinq ou six ans, lors d'une réparation faite au pavé[14] ».
Bien que détruite avant le 29 août 1893 par le Service des travaux publics de la ville, alors sous la responsabilité du maire François Chénieux[15], elle est classée par l'arrêté du 29 (ou 24) janvier 1894 au titre des monuments historiques comme objet mobilier[16]. La borne figure ensuite dans la liste immeuble de 1900[17], mais n'est pas classée à ce titre, contrairement à ce qui est indiqué dans la base Mérimée. Cette dernière liste est reprise par le Journal officiel du 18 avril 1914.
Le monument est ensuite rayée des listes objets mobiliers en février 1956, et radiée des listes immeubles en 1984, au titre desquels elle n'avait d'ailleurs jamais été protégée. La base Palissy signale toutefois qu'aucun arrêté de déclassement au titre objet n'a été pris depuis.
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Carte archéologique
Jean Perrier, avec la collab. de Jean-Pierre Loustaud et Dominique Dussot, La Haute-Vienne, Paris, Académie des inscriptions et belles lettres, 1993, p. 122 (Carte archéologique de la Gaule [Pré-inventaire archéologique], 87) (ISBN2-87754-020-0) [= CAG-87, p. 122].
Jean Perrier, Carte archéologique de la Gaule romaine. Carte et texte du département de la Haute-Vienne, Paris, CNRS Éditions, 1964, p. 66 (Forma orbis romani. Carte archéologique de la Gaule romaine, 14).
Corpus
Corpus Inscriptionum Latinarum [17]. Miliaria Imperii Romani, Pars secunda, Miliaria provinciarum Narbonensis Galliarum Germaniarum, éd. par Gerold Walser, Berlin, New York, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, 1986, inscr. no 361 p. 137 (ISBN978-3-11-004592-5) (en ligne) [= CIL XVII-2, 361].
Corpus Inscriptionum Latinarum [13]. Inscriptiones Trium Galliarum et Germaniarum Latinae. Partis secundae. Fasciculus II. Miliaria Galliarum et Germaniarum, éd. par Theodor Mommsen, Otto Hirschfeld, Alfred von Domaszewski, Berlin, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, 1907, inscr. no 8913 p. 659 (ISBN3-11-001408-4) [= CIL XIII, 8913] (en ligne) ; et CIL XIII, Fasc. 4 : Addenda ad partes primam et secundam, éd. par Otto Hirschfeld et H. Finke, 1916, p. 146 (en ligne).
Éditions de l'inscription
Émile Espérandieu, Inscriptions de la cité des Lémovices, Paris, E. Thorin, 1891 (extrait des Mémoires des antiquaires de l'Ouest, 1890, p. 42, inscr. no 11) (en ligne).
Florian Vallentin, Bulletin épigraphique de la Gaule, 2, Paris, 1882, p. 16.
Charles-Nicolas Allou, Description des monumens des différens âges, observés dans le département de la Haute-Vienne : avec un précis des annales de ce pays, Limoges, F. Chapoulaud, 1821, p. 77 (borne du Limoges) et 278 (pierre du cimetière de Palais) (en ligne).
Autres publications
Paul Ducourtieux, « Les voies romaines en Limousin, 2e partie », dans Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 56, Limoges, Société archéologique et historique du Limousin, 1907, part. p. 259 (ISSN0184-7651) (en ligne).
Alfred Leroux, « Procès-verbal de la séance du mardi 29 août 1893 », dans Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 42, Limoges, Société archéologique et historique du Limousin, 1894, p. 610 (en ligne).
Pierre Beaumesnil, Recueil. Mélanges d'antiquités et de monuments anciens dessinés ou recueillis par Beaumesnil, [rédigés vers] 1774-1787 (dessin, non localisé depuis, de la colonne itinéraire).
Selon Allou, ce dessin avait été intégré au Recueil de notes et dessins de Beaumesnil, 2e cahier (sur 4), p. 35. Mais, par la suite, le recueil est dispersé. Une copie du dessin, faite par Allou, est peut-être aux Archives départementales de la Haute-Vienne (cote 6 SAHL 7, selon Vergnolle 2006[18]), après avoir été précédemment conservée à la Société archéologique de Limoges (selon Louis Guibert, infra, 1900, p. 69). En 1857, la légende de la planche IV de l'Atlas des antiquités de la Haute-Vienne alors envisagé, indique Fig. 12 : Fragment d'une colonne, d'après Beaumesnil (p. 76). Ces illustrations ne furent cependant pas imprimées. Louis Guibert, en 1900, p. 74 (dessin n° 150, parmi ceux considérés comme perdus), note dans son inventaire que notre dessin est sur la planche III et dans le 3e cahier...
Références
↑ a et bÀ propos du savant, historien et archéologue, François Arbellot (1816-1900), voir Louis Guibert, Le chanoine Arbellot, Limoges, Vve H. Ducourtieux, 1901 (en ligne).
↑Cf. Éliane Vergnolle, « L'abbatiale romane : bilan documentaire », dans Saint-Martial de Limoges : ambition politique et production culturelle : Xe – XIIIe siècles : actes du colloque tenu à Poitiers et Limoges du 26 au 28 mai 2005, sous la dir. de Claude Andrault-Schmitt, Limoges, 2006, p. 202 n. 36 (ISBN9782842874001).