Un cordage est un terme générique de marine désignant les filins qui sont utilisés pour les manœuvres des bateaux, grelins, amarres, drisses, écoutes, haubans, etc. Dans la marine à voile ancienne, certains cordages, surtout les manœuvres dormantes, étaient goudronnés.
La première attestation de cordage, dans le sens de corde robuste, date de 1358. Le terme provient du latin chorda, au multiple sens de boyau (tripes), corde d'instrument de musique, ficelle ou filin, voire corde résultant du tressage de divers filins. Le cordage, le plus souvent en matière végétale ou métallique, sert au gréement des navires, et, par extension, à la manœuvre des machines embarquées. Sur les galères, le mot dérivé de l’occitan gordin, apparenté à vieux chorda se prononçait en français gourdin.
Depuis plusieurs siècles, la tradition veut que, sur un navire, il n'y ait guère qu'une seule « corde », celle de la cloche de quart, ou mieux de la clochette, nommée dans ce registre[note 1],[1],[2]. Le lexique maritime, adapté à une tâche précise, distingue chaque cordage en fonction de son utilisation : grelin, amarre, attache, filin, garcette, drisse, écoute, hauban... Le mot générique actuellement plus fréquemment utilisé, est celui de « bout », avec prononciation du "t" final.
Le mot corde, évoquant la corde utilisée pour pendre les mutins, n'était toutefois pas tabou dans la marine, et était utilisé pour les cordages situés à l'extérieur du bateau. Il en était ainsi des « défenses de cordes », amas de cordage utilisés en guise de pare-battage[3], ou des « cordes de retenue », utilisées lors du chargement de la cargaison[4]. « Fuir à mâts et à cordes » (lorsqu'on se met en fuite, "à sec de toile"), avec la pression du vent portant seulement sur les mâts et le gréement, est elle aussi une expression attestée depuis le XIXe siècle[1].
À la grande époque de la marine à voile, chaque navire réclame une grande quantité de cordage, de toutes natures. Un vaisseau de 74 canon va ainsi emporter près de 84 tonnes de cordages[5],[note 2].
Les cordages nécessaires pour la marine royale sont fabriqués dans des bâtiments spécialement conçus, les corderies. Chaque arsenal comprend une corderie.
Pour la marine marchande, des cordiers assurent la fabrication. Il n'y a pas de normalisation des productions.
Au cours du temps, de nombreuses matières ont été utilisées pour réaliser les cordages nécessaires à la mise en œuvre d'une embarcation. En premier lieu, des matières d'origine animale, comme du cuir, du crin, des tendons ou des boyaux. En second lieu des matières végétales choisies parmi les espèces présentant des fibres longues. Selon les pays, ces matières végétales ont varié (par exemple, le sisal, le coton, la fibre de coco, le chanvre)[5].
En Europe, le chanvre va devenir la principale fibre utilisée pour confectionner les cordages[6], de par sa facilité de culture et, surtout, son prix modique. Les fibres de chanvre atteignent une longueur de 60 à 80 centimètres et se prêtent bien à la fabrication de fil.
Le chanvre arrive sur les lieux de fabrication des cordages en ballots de fibre, après avoir été préparé localement. Duhamel du Monceau, dans son traité sur la confection des cordages, donne des appréciations sur les qualités et les défauts des chanvres de différentes origines.
Le produit de base est le "fil de carret". Certains gros cordages comprendront plus de 2 000 fils de carret[7]. Le fil est produit à partir de fibres, d'une manière similaire à celle utilisée dans la confection d'un fil de laine.
Pour les cordages, il y a, en gros, deux méthodes principales. La première fait appel à une quenouille, la seconde voit le fileur porter autour de la taille la masse de fibres qu'il va mettre en forme. C'est cette seconde méthode qui est illustrée dans l'image ci-contre.
Le fil créé est enroulé autour d'un dispositif qui va lui donner son nom, le carret[6].
Il est aussi à noter que les cordages fabriqués pour les navires du roi de France portent une marque distinctive pour éviter qu'ils ne se retrouvent sur des navires marchands. L'usage est de laisser un fil blanc, si le cordage est goudronné, ou un fil noir si le cordage n'est pas goudronné[9].
Les câbles de chanvre ou de chanvre de Manille sont remplacés au XIXe siècle par des câbles en fil de fer puis en acier. Les câbles en fil de fer galvanisé pour manœuvres dormantes des navires présentent de nombreux avantages par rapport au chanvre : ce matériau ne nécessite pas de décapage ou de réaménagement que le chanvre impose chaque année ; une fois installé, il évite l'attention et les problèmes causés par l'étirement et le rétrécissement du chanvre - Les câbles ne sont pas affectés par les changements atmosphériques, et par conséquent, ne s'allongent pas et ne rétrécissent pas par temps sec ou humide, ce qui évite la nécessité de la mise en place répétée comme pour le chanvre; de par sa légèreté extrême, n'étant que deux tiers le poids du chanvre - une corde de chanvre de Manille d'1 pouce d'épaisseur et de 1 000 pieds de long, pèse environ 2 200 livres à sec tandis qu'un câble en acier rond de même résistance et même longueur pèse 900 livres humides ou secs -, il augmente la capacité de chargement du navire; et l'avantage dérivé de la surface moindre opposée au vent - La câble de fil de fer étant la moitié de la taille du chanvre - en particulier lors de la remontée au vent, ne nécessite aucun commentaire. Pour le foc et le foc volant, sa petitesse et sa douceur permettent aux œillets (hanks) de glisser beaucoup plus librement. un gréement en câbles de fer, sauf en cas d'accident durera la vie du navire. Les câbles de fer en outre coûtent beaucoup moins cher que les chaînes ou les cordes de chanvre. Les câbles de cuivre sont employés comme paratonnerre et pour la mise à la terre, sur le mât d'un navire, les clochers, les grandes cheminées[10], etc.
Si l'on trouve toujours, de nos jours, des cordages réalisés à partir de fibres végétales, la majeure partie est désormais fabriquée à partir de fibres synthétiques (polyester, polyamides ou polypropylènes).
D'autres cordages, en particulier ceux utilisés pour les manœuvres dormantes, sont réalisés à partir de fil de fer ou d'acier. Dans ce cas, ils sont zingués ou galvanisés pour limiter la corrosion.
Certains cordages peuvent aussi associer une âme métallique à un corps en synthétique.
Le principal avantage de ces nouveaux types de cordages est une meilleure résistance. Si l'on compare un cordage en chanvre et un cordage en fibre synthétique d'un même diamètre de deux centimètres, le premier a une charge de rupture de trois tonnes, et le second, de quatorze tonnes[11]. Les cordages synthétiques sont également plus résistants au pourrissement, moins perméables à l'eau et plus légers. De ce fait, ils sont aujourd'hui largement majoritaires à bord des embarcations. Toutefois, le cordage de chanvre reste utilisé à bord de Vieux gréements, comme le Belem ; ou bien en restauration nautique à l'image de l'Hermione
Les différents types de cordages ont chacun un nom particulier et un emploi précis ; on peut en distinguer deux grandes familles : les cordages tressés (constitués d'une multitude de brins croisés, formant les fils de la gaine qui entourent d'autres fils désignés comme l'âme du cordage) et les cordages toronnés (constitués de fils de caret torsadés sur eux-mêmes pour former un ou plusieurs torons)[12]. Ces derniers peuvent être des cordages simples, appelés aussières (une seule opération permet de passer du fil de carret au cordage) ou des cordages composés réalisés en partant d'aussières[13].
Les cordages simples sont fabriqués directement à partir de fils de carret. Selon leur forme, ils portent des noms particuliers.
Les cordages composés sont fabriqués à partir de cordages simples. Il y a donc deux étapes dans leur fabrication.