Si ce bandeau n'est plus pertinent, retirez-le. Cliquez ici pour en savoir plus. Cet article ne cite pas suffisamment ses sources (avril 2011). Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références » En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
Dagmar de Danemark
(ru) Marie Fedorovna
Description de cette image, également commentée ci-après
L’impératrice Marie Fedorovna.

Titre

Impératrice consort de Russie


(13 ans, 7 mois et 18 jours)

Prédécesseur Marie de Hesse-Darmstadt
Successeur Alix de Hesse-Darmstadt
Biographie
Titulature Princesse de Danemark
Dynastie Maison de Glücksbourg
Nom de naissance Marie Sophie Frédérique Dagmar
Naissance
Palais jaune à Copenhague (Danemark)
Décès (à 80 ans)
Hvidovre (Danemark)
Sépulture Cathédrale Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg
Père Christian IX de Danemark
Mère Louise de Hesse-Cassel
Conjoint Alexandre III de Russie
Enfants Nicolas II de Russie Empereur de Russie
Alexandre Alexandrovitch de Russie
Georges Aleksandrovitch de Russie
Xenia Alexandrovna de Russie
Michel Alexandrovitch de Russie Empereur de Russie
Olga Alexandrovna de Russie
Religion Luthéranisme danois puis Christianisme orthodoxe russe

Description de cette image, également commentée ci-après

Marie Sophie Frédérique Dagmar de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glucksbourg, princesse de Danemark, née le à Copenhague et morte le à Hvidovre, est un membre de la famille royale de Danemark, devenue par son mariage avec le tsar Alexandre III, grande-duchesse puis impératrice de Russie sous le nom de Marie Fedorovna (Maria Feodorovna ou Maria Fiodorovna, en russe Мария Фёдоровна).

Dagmar est la deuxième fille et la quatrième enfant du roi Christian IX de Danemark (surnommé le « beau-père de l'Europe » à cause des brillants mariages de ses enfants) et de la reine Louise de Hesse-Cassel. Ainsi, son frère aîné est roi de Danemark sous le nom de Frédéric VIII ; son frère cadet, Guillaume, devient roi des Hellènes sous le nom de Georges Ier en 1867 et sa sœur Alexandra épouse Édouard VII en 1863 et devient ainsi reine du Royaume-Uni. Cela explique notamment pourquoi il y a une ressemblance frappante entre son fils le tsar Nicolas II et son neveu, le roi George V.

En 1864, elle est d'abord fiancée à l'héritier du trône de Russie, le grand-duc Nicolas, mais le jeune prince meurt en 1865. L'année suivante, elle épouse le frère de son premier fiancé, le nouveau tsarévitch Alexandre Alexandrovitch. Au préalable, étant de confession luthérienne, elle se convertit à l'orthodoxie. Par l'assassinat de son beau-père, l'empereur Alexandre II, en 1881, son époux devient empereur et elle-même impératrice de Russie. Jolie et populaire, elle intervient rarement dans la politique, préférant vouer son temps et son énergie à sa famille, à des œuvres de charité et à la vie mondaine et culturelle. La seule exception à cette neutralité est sa haine de la Prusse du fait de l'annexion, en 1866 après la guerre des duchés, des duchés de Schleswig et de Holstein, propriétés personnelles des rois de Danemark.

Malgré le renversement de la monarchie en 1917, l'impératrice refuse de quitter la Russie. Ce n'est qu'en 1919 qu'elle quitte la Russie, lui évitant ainsi le sort tragique de la famille Romanov. Après une brève visite à Londres, elle retourne dans son Danemark natal. Refusant jusqu'à la fin de reconnaître la mort de son fils, elle y reste jusqu'à sa mort en 1928. Longtemps enterrée au Danemark, la dépouille mortelle de l'ancienne impératrice est rapatriée en Russie en 2006.

Biographie

Premières années (1847-1864)

Le , Dagmar voit le jour à la résidence de ses parents, le palais Jaune, situé juste à côté du palais d’Amalienborg, résidence principale de la famille royale de Danemark dans le quartier de Frederiksstaden, au centre de Copenhague[1]. Elle est le quatrième enfant et la seconde fille du prince Christian de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg et de la princesse Louise de Hesse-Cassel[2]. La princesse a cinq frères et sœurs : Frédéric, Alexandra, Guillaume, Thyra et Valdemar. La jeune princesse est baptisée au palais Jaune dans la foi luthérienne avec la reine danoise Caroline-Amélie de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg comme marraine[3]. Elle porte les noms de sa grande-tante, la reine douairière danoise Marie-Sophie de Hesse-Cassel, ainsi que celui de la reine danoise médiévale Dagmar de Bohême, conformément à la mode du nationalisme romantique de l'époque. En grandissant au Danemark, elle est connue sous le nom de Dagmar, tandis qu'au sein de la famille elle est surnommée Minnie tout au long de sa vie [4].

Alexandra et Dagmar par Elisabeth Jerichau-Baumann en 1856.

Lorsqu’elle voit le jour, son père n’est qu’un membre d’une branche cadette de la maison d'Oldenbourg, la famille royale de Danemark. Dagmar est donc la fille d'un prince secondaire dont l'épouse est apparentée à la famille royale danoise, mais sans véritable prétention au trône. Bien que de sang royal, la famille mène une vie relativement obscure. En effet, pendant son enfance, le Danemark se trouve confronté à une crise de succession, le roi Frédéric VII de Danemark n'ayant pas de descendance, et l'extinction de la lignée principale de la maison d'Oldenbourg semblant fort probable. Pour cette raison, après des négociations compliquées, le prince Christian est désigne officiellement comme successeur du roi par le traité de Londres de 1852. Lors de l'adoption de la nouvelle loi de succession datée du , le prince Christian et sa famille deviennent princes et princesses de Danemark portant la qualification d'altesses[5].

Dagmar, Guillaume et Alexandra avec leur père Christian IX en 1861.

Dagmar et ses frères et sœurs grandissent dans le palais Jaune et passent les étés au palais de Bernstorff, que la famille obtient après la nomination de son père comme héritier du trône. Les enfants grandissent dans ce qui a été décrit comme un environnement humble mais heureux, où la famille est étroitement liée. Pendant leur enfance, le père ne dispose que de son salaire d'officier et la famille mène une vie relativement simple selon les normes royales. Leur ménage ne compte que six employés et, pendant leur enfance, Dagmar et ses frères et sœurs sont libres de se promener dans les rues de Copenhague, aller au marché ou visiter des cafés. Les parents veillent à donner aux enfants une éducation bourgeoise mettant l'accent sur les devoirs royaux. Les enfants ne participent que très rarement aux cérémonies et doivent alors immédiatement retirer leurs beaux vêtements pour ne pas risquer de les salir. Plus tard, tous les enfants se sont fait connaître pour leur capacité à interagir avec les gens, leur sens du devoir et leur capacité à la représentation.

Dagmar et sa famille en 1862. De gauche à droite : Dagmar, Frédéric, Valdemar, Christian, Louise, Thyra, Guillaume et Alexandra.

Dagmar est proche de sa sœur aînée, Alexandra, et les deux filles entretiennent un lien fort l'une avec l'autre tout au long de leur vie. Les deux princesses partagent une chambre et sont élevées ensemble. Les sœurs reçoivent à peu près la même éducation, avec des éléments jugés appropriés pour les filles de l'aristocratie : elles apprennent à tenir un ménage par leur mère et à danser, à jouer de la musique, à peindre et à dessiner, et à parler français, anglais et allemand par des tuteurs. Cependant, leur père insiste également pour qu'elles apprennent la gymnastique et le sport, ce qui est plus inhabituel pour les filles de l'époque. De plus, Dagmar et Alexandra reçoivent des cours de natation par la pionnière suédoise de la natation pour femmes, Nancy Edberg (en)[6] ; Dagmar accueillera plus tard Edberg en Russie, où elle est venue grâce à une bourse royale pour donner des cours de natation pour femmes. Dagmar est décrite comme vive et intelligente, douce mais moins belle qu'Alexandra, et meilleure en peinture et en dessin que ses sœurs, qui, en revanche, sont plus douées en musique.

L'année 1863 est riche en événements marquants pour la princesse et sa famille, qui commence maintenant à se faire un nom dans l'Europe des rois. Le , sa sœur la princesse Alexandra épouse le prince de Galles. Le , son frère le prince Guillaume est élu roi des Hellènes et monte sur le trône grec en prenant le nom de Georges Ier. Et le , le roi Frédéric VII meurt et le père de Dagmar reçoit la couronne en prenant le nom de Christian IX.

Fiançailles et mariage (1864-1866)

Premières fiançailles

Dagmar dans les années 1860 par Andreas Herman Hunæus.

Dagmar, depuis 1863 fille du roi danois, sœur du roi grec et belle-sœur du prince de Galles, est maintenant l'une des princesses les plus convoitées d'Europe et le sujet d'intérêt des maisons princières européennes. Une proposition en mariage du prince héritier Humbert d'Italie est ainsi rejetée, Dagmar le trouve peu attrayant. Sa mère est également réticente à soutenir un tel mariage car elle ambitionne pour sa fille un plus grand statut avec la perspective d'un mariage avec la famille impériale russe[7]. Le soutien croissant à l'idéologie slavophile de l'Empire russe conduit l'empereur Alexandre II à rechercher une épouse pour l'héritier du trône, le tsarévitch Nicolas Alexandrovitch[note 1], dans d'autres pays que les petites principautés protestantes allemandes où les membres de la maison Romanov avaient traditionnellement trouvé leurs conjoints. La princesse Dagmar est l'une des candidates, et dès 1860 l'empereur fait ses premières enquêtes à la cour danoise. Il existe aussi déjà des liens familiaux entre les deux familles, puisque l'oncle de Dagmar a été marié à la sœur de l'empereur.

La princesse Dagmar avec son premier fiancé, le tsarévitch Nicolas, en 1864.

En 1864, l'impératrice russe Maria Alexandrovna annonce que son fils se rendra au Danemark. Le grand-duc Nicolas arrive pendant l'été au château de Fredensborg où séjourne la famille royale danoise. Nicolas, appelé Nixa au sein de la famille, n'a jamais rencontré Dagmar, mais collectionne depuis plusieurs années des photographies d'elle, et les deux familles désirent toutes deux ce mariage. Lors de leur rencontre, Dagmar et Nicolas montrent une sympathie mutuelle l'un pour l'autre, et le grand-duc écrit à sa mère : « Je suis venu ici comme dans une fièvre (...) Je ne peux pas vous décrire ce qui m'a pris lorsque nous nous sommes approchés de Fredenborg et que j'ai enfin vu le doux visage de Dagmar. Comment puis-je le décrire ? Elle est si belle, directe, intelligente, expérimentée et pourtant timide en même temps. Elle est encore plus belle en réalité que sur les photos que nous avons vues jusqu'à présent. »

La princesse Dagmar avec son premier fiancé, le tsarévitch Nicolas, en 1864.

Après être retourné en Russie pour obtenir la permission de son père, Nicolas demande Dagmar en mariage le dans les jardins du château de Bernstorff et obtient un oui[8]. Les fiançailles sont annoncées lors d'un banquet au plus tard dans la journée [3]. En cadeau de fiançailles, sa future belle-mère l'impératrice Maria Alexandrovna lui offre un collier de perles à six rangs, et Nicolas lui offre un bracelet de diamants [9]. Au total, les cadeaux offerts à Dagmar par sa future belle-famille coûtent près de 1,5 million de roubles[10]. Après les fiançailles, le grand-duc Nicolas continue son voyage vers l'Europe du Sud, tandis que la princesse Dagmar commence des cours de langue russe et d'instruction dans la théologie et pratiques de la foi orthodoxe. Pas encore confirmée, sa future conversion religieuse, nécessaire pour qu'elle puisse épouser l'héritier du trône russe, est facilitée.

Les fiançailles sont populaires dans les deux pays et assurent en même temps à la famille royale danoise une position encore meilleure dans l'Europe des rois. En fait, les fiançailles se déroulent en même temps que les négociations à Vienne après la seconde guerre des Duchés. Dagmar demande en vain à son futur beau-père, l'empereur russe, d'aider le Danemark contre la Prusse sur le territoire contesté du Schleswig-Holstein. Dans une lettre, elle écrit ainsi à Alexandre II : « Utilisez votre pouvoir pour atténuer les terribles conditions que les Allemands ont brutalement forcé papa à accepter... le triste sort de ma patrie, qui me serre le cœur, m'a inspiré à tourner vers vous.[9] » On pense qu'elle lui écrit avec le consentement de ses parents, mais on ne sait pas si c'est à leur demande. Son appel est en vain, mais à partir de ce moment, elle se fait connaître pour ses opinions anti-prussiennes.

Lit de mort du grand-duc Nicolas en 1865.

Alors que Nicolas poursuit son voyage vers Florence, les fiancés s'échangent des lettres d'amour quotidiennes pendant des mois. Lorsqu'il tombe malade, Nicolas envoie moins de lettres et Dagmar lui demande d'un ton taquin s'il est tombé amoureux d'une « Italienne aux yeux noirs »[11]. D'une santé fragile, Nicolas tombe en effet gravement malade de la méningite en avril 1865 lors de son voyage, et l'empereur envoie un télégramme à Dagmar : « Nicolas a reçu les derniers sacrements. Priez pour nous et venez si vous le pouvez »[12]. Dagmar lui rend visite avec sa mère et elle est présente avec la famille impériale quand le jeune grand-duc meurt, le , à Nice. Selon la tradition, sur son lit de mort, Nicolas réunit les mains de Dagmar et de son frère Alexandre pour signifier qu'ils ont sa bénédiction pour se marier après sa mort. Dagmar est bouleversée par la mort de Nicolas, et ses parents doivent se battre pour « éloigner la princesse Dagmar du corps et l'emporter ». Elle est tellement accablée de chagrin lorsqu'elle retourne dans son pays natal que sa famille s'inquiète sérieusement pour sa santé. Elle est déjà attachée à la Russie et pense souvent au pays qui aurait dû devenir sa maison. Beaucoup sympathisent avec Dagmar. La princesse Marie-Adélaïde de Cambridge écrit ainsi sur « le chagrin de la pauvre Minny et le fléau qui s'est abattu sur sa jeune vie ». La reine Victoria écrit aussi : « Comme c'est terrible pour la pauvre Dagmar... les pauvres parents et la mariée sont les plus profondément à plaindre »[13].

Deuxièmes fiançailles et mariage

La princesse Dagmar avec son deuxième fiancé, le grand-duc Alexandre Alexandrovitch.

Nicolas est remplacé comme tsarévitch par son frère d'un an et demi plus jeune, le grand-duc Alexandre Alexandrovitch, et les parents de Dagmar et d'Alexandre supposent que le mariage entre Dagmar et l'héritier du trône russe aura toujours lieu. Dans une lettre amicale à Dagmar, Alexandre II dit qu'il espère qu'elle se considérera toujours comme un membre de la famille impériale[14]. L'impératrice Marie Alexandrovna tente de convaincre la reine Louise d'envoyer immédiatement Dagmar en Russie, mais Louise insiste sur le fait que Dagmar doit d'abord « renforcer ses nerfs ... [et] éviter les influences émotionnelles »[15]. Dagmar, qui pleure sincèrement Nicolas, et Alexandre, qui est amoureux de la dame d'honneur de sa mère Maria Elimovna Mechtcherskaïa et envisage de renoncer à la succession pour l'épouser, sont tous deux réticents. Sous la pression de ses parents, Alexandre décide quand même de se rendre au Danemark pour faire sa demande à Dagmar[16].

Le mariage de Dagmar et d'Alexandre Alexandrovitch par Mihaly Zichy en 1867.

Une fois l'année de deuil terminée et après une longue correspondance entre les deux familles pour reprendre contact, le grand-duc Alexandre arrive au Danemark en juin 1866 accompagné de ses deux frères les grand-ducs Vladimir et Alexis. En regardant des photographies de Nicolas[17], Alexandre demande à Dagmar si « elle pouvait l'aimer après avoir aimé Nixa, à qui ils étaient tous deux dévoués »[18]. Elle lui répond qu'elle ne peut aimer que lui, parce qu'il a été si proche de son frère. Alexandre écrit : « Nous avons tous deux fondu en larmes... et je lui ai dit que mon cher Nixa nous avait beaucoup aidé dans cette situation et que maintenant, bien sûr, il priait pour notre bonheur »[18]. Alexandre propose le mariage à Dagmar le lors d'un pique-nique au village de Hellebæk situé au bord de l'Øresund et obtient un oui[19]. Les fiançailles sont déclarées lors d'un banquet au château de Fredensborg plus tard dans la journée [3]. Dagmar et Alexandre acceptent rapidement la perspective de se marier et sont vite décrits comme véritablement enthousiastes.

Avant le départ de Dagmar pour la Russie, de nombreuses festivités ont lieu à Copenhague. Le , Dagmar quitte Copenhague à bord du yacht royal danois Slesvig, accompagnée de son frère, le prince héritier Frédéric. Hans Christian Andersen, qui a parfois été invité à raconter des histoires à Dagmar et à ses frères et sœurs lorsqu'ils étaient enfants, fait partie de la foule qui se presse sur le quai pour l'accompagner au départ[20]. L'écrivain raconte dans son journal : « Hier, sur le quai, en passant devant moi, elle s'est arrêtée et m'a pris par la main. J'avais les yeux pleins de larmes. Quelle pauvre enfant ! Oh Seigneur, sois bon et miséricordieux envers elle ! On dit qu'il y a une cour brillante à Saint-Pétersbourg et que la famille du tsar est gentille ; pourtant, elle se dirige vers un pays inconnu, où les gens sont différents et la religion est différente et où elle n'aura aucune de ses anciennes connaissances à ses côtés ».

Dagmar est chaleureusement accueillie à Cronstadt par le frère de l'empereur, le grand-duc Constantin Nikolaïevitch de Russie, et est escortée à Saint-Pétersbourg, où elle est accueillie par sa future belle-mère et sa belle-sœur Maria Alexandrovna le 24 septembre. Le temps en cette journée de septembre est presque estival, comme le note le poète Fiodor Ivanovitch Tiouttchev dans le poème de bienvenue dédié à l'arrivée de la princesse Le ciel est bleu clair[21]. Le 29, elle fait son entrée officielle avec l'impératrice dans la capitale russe, vêtue d'un costume national russe bleu et or et voyage jusqu'au palais d'Hiver où elle est présentée au public depuis le balcon. Catherine Radziwill décrit la scène : « Rarement une princesse étrangère a été accueillie avec un tel enthousiasme… dès le moment où elle a posé le pied sur le sol russe, elle a réussi à conquérir tous les cœurs. Son sourire, sa manière délicieuse de s'incliner devant la foule a immédiatement jeté les bases de sa popularité »[22]. Dans les semaines suivantes, Dagmar est initiée à l'étiquette de la cour russe. Elle se convertit à l'orthodoxie le 24 octobre 1866 et devient le lendemain la grande-duchesse Maria Feodorovna de Russie. Cependant, à la cour de Russie, où le français est la langue la plus utilisée, on l'appelle souvent Marie.

La somptueuse cérémonie de mariage se déroule le 28 octobre 1866 à la grande église du palais d'Hiver. Des contraintes financières empêchent ses parents d'assister au mariage et son frère le prince héritier Frédéric est envoyé à leur place. Son beau-frère, le prince de Galles, se rend également à Saint-Pétersbourg pour la cérémonie ; une grossesse empêche la princesse de Galles d'y assister[23]. Après la nuit de noces, Alexandre écrit dans son journal : « J'ai enlevé mes pantoufles et ma tenue brodée d'argent et j'ai senti le corps de ma bien-aimée à côté du mien... Ce que je ressentais alors, je ne souhaite pas le décrire ici. Après nous parlé longtemps. »[24].

Tsarevna de Russie (1866-1881)

Marie en 1875 avec sa sœur la princesse de Galles.

Après le mariage, Marie et Alexandre s'installent dans la résidence habituelle de l'héritier du trône russe à Saint-Pétersbourg, le palais Anitchkov, situé sur la perspective Nevski. Ils y vivent pendant les quinze années suivantes, interrompues par des séjours de vacances au palais de Livadia, leur résidence d'été située dans la péninsule de Crimée au bord de la mer Noire. Le , Marie donne naissance à son premier enfant, le futur tsar Nicolas II, au palais Alexandre à Tsarskoïe Selo. Baptisé du prénom de Nicolas, traditionnel dans la famille Romanov, le jeune garçon est nommé en mémoire du défunt tsarévitch Nicolas, frère aîné de son père et le premier fiancé de sa mère[25].

Sa belle-mère l'impératrice Maria Alexandrovna souffrant d'une santé fragile et passant de longues périodes à l'étranger pour des raisons de santé, Marie doit souvent assumer le rôle de première dame de la cour dès le début de son séjour en Russie. Jolie et populaire, Marie intervient rarement dans la politique, préférant vouer son temps et son énergie à sa famille, à des œuvres de charité et à la vie mondaine et culturelle. La seule exception à cette neutralité est sa haine de la Prusse du fait de l'annexion en 1866 des duchés de Schleswig et de Holstein, propriétés personnelles des rois de Danemark, dont la famille royale danoise conservera une profonde prussophobie.

Impératrice de Russie (1881-1894)

Marie Feodorovna et son époux Alexandre III en 1893.

Le , des terroristes de Narodnaïa Volia assassinent l'empereur Alexandre II en revenant au palais d'Hiver après un défilé militaire. L'empereur est mortellement blessé par la deuxième des deux bombes, et dans son journal, Maria décrit comment l'empereur blessé, toujours vivant, est emmené au palais : « Ses jambes ont été terriblement écrasées et déchirées jusqu'au genou ; une masse saignante, avec la moitié de sa botte sur le pied droit, et il ne reste que la plante du pied sur le gauche. »[26] Alexandre II meurt d'hémorragie quelques heures plus tard. Son mari accède au trône sous le nom de Alexandre III et Marie devient impératrice consort. Deux ans plus tard, le , le sacre du nouveau couple impérial est célébré dans la cathédrale de la Dormition, lieu traditionnel de sacre des monarques russes situé dans le Kremlin de Moscou. Un complot ayant été découvert au préalable, le sacre a lieu sous de strictes mesures de sécurité.

Dès son accession au trône impérial, Alexandre III éloigne sa famille de Saint-Pétersbourg, devenue dangereuse pour la sécurité de la famille impériale. Il s'installe avec son épouse et ses enfants au palais de Gatchina au sud-ouest de Saint-Pétersbourg. Ce château a été construit par le tsar Paul Ier, il est vaste, flanqué de tours et ceint de remparts et de hauts murs. Marie et Alexandre III y vivent dans une aile du château en sécurité mais coupés du monde pendant treize ans, et c'est ici que leurs cinq enfants survivants grandissent. Seulement sous bonne garde, Alexandre III et Marie font des séjours périodiques à la capitale pour participer à des fonctions officielles.

Impératrice douairière (1894-1917)

L'impératrice douairière avec son fils l'empereur Nicolas II à Peterhof en 1896.

Le , après un règne de treize années, Alexandre III meurt d'une néphrite à l'âge de quarante-huit ans seulement, à sa résidence d'été de Livadia, en Crimée. Son fils Nicolas Alexandrovitch lui succède sous le nom de Nicolas II, et Marie devient impératrice douairière.

L'exil (1917-1928)

L'impératrice Marie et le grand-duc Nicolas Nikolaïevitch quitta la Russie en 1919 à bord du cuirassé HMS Marlborough avec Yalta en arrière-plan.

Malgré le renversement de la monarchie en 1917, l'impératrice Marie, âgée de 70 ans, commence par refuser de quitter la Russie. Ce n'est qu'en 1919, sur l'insistance de sa sœur Alexandra, reine douairière du Royaume-Uni, qu'elle part à contrecœur. Marie quitte la Russie à bord du cuirassé HMS Marlborough envoyé par son neveu George V du Royaume-Uni, lui évitant ainsi le sort tragique de la famille Romanov.

Après une brève visite à Londres, elle retourne dans son Danemark natal, élisant domicile à Hvidøre, sa villa de vacances près du détroit d'Øresund, à Klampenborg au nord de Copenhague. Elle y reste jusqu'à sa mort en 1928.

Avant de mourir, l'impératrice de Russie émet le souhait d'être enterrée auprès de son époux Alexandre III.

Inhumation à Saint-Pétersbourg

Son corps, longtemps enterré à la cathédrale de Roskilde, est exhumé en dans l'attente d'être transféré en Russie. Le , les restes de l'ancienne impératrice douairière sont rapatriés en Russie. Les funérailles sont célébrées le à la cathédrale Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg. Ainsi, quatre-vingt sept ans après son exil en Angleterre puis au Danemark, l'impératrice est inhumée dans le tombeau de la famille impériale, en compagnie de son mari Alexandre III, son fils Nicolas II, sa belle-fille Alexandra et ses trois petites-filles, Olga, Tatiana et Anastasia. Viendront ensuite la rejoindre ses deux derniers petits-enfants, Maria et le tsarévitch Alexis Nikolaïevitch de Russie en 2008.

À l'inverse de ce que laissent croire films et pièces de théâtre, Marie Fiodorovna ne rencontra jamais aucune des femmes prétendant être sa petite-fille Anastasia ; en fait, à la fin de sa vie, elle refusait d'accepter l'idée que son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants eussent été sommairement exécutés par les bolcheviques.

Citation

« Ah ! Quand donc enfin tout ceci finira-t-il chez nous et quand donc pourrons-nous vivre tranquillement ? Il est presque humiliant de voir comme on vit tranquillement et bien ici, chacun sait ce qu'il doit faire, accomplit son devoir consciencieusement et ne joue pas de mauvais tours aux autres. »

— Marie Feodorovna à Hvidøre.

Ascendance

Mariage et descendance

La famille impériale russe en 1888.

Le 28 octobre 1866 ( dans le calendrier grégorien), elle épouse à la grande église du palais d'Hiver le tsarévitch Alexandre Alexandrovitch de Russie, avec qui elle a six enfants :

Honneurs

Notes et références

Notes

  1. Le grand-duc Nicolas Alexandrovitch fut le premier tsarévitch du « tsar » Alexandre II ; l'usage français semblant réserver le titre de tsarévitch au seul fils héritier du tsar à l'exclusion de tout autre terme russe donné comme seul spécifique à ce fils héritier.

Références

  1. (en) Arnold McNaughton, The Book of Kings : A Royal Genealogy [« Le Livre des Rois : Une Généalogie Royale »], vol. 1, Londres, Garnstone Press, , p. 299
  2. (en) Hugh (ed.) Montgomery-Massingberd, Burke's Royal Families of the World, vol. 1, Londres, Burke's Peerage, , 69–70 p. (ISBN 0-220-66222-3)
  3. a b et c Hiort-Lorenzen 1890, p. 135.
  4. Hall 2001.
  5. (en) « Royal Ordinance settling the Succession to the Crown on Prince Christian of Glücksburg », sur Dag Trygsland Hoelseth, (consulté le ).
  6. (sv) J. N., « Nancy Edberg », Idun. Praktisk Veckotidning för Kvinnan och Hemmat., vol. 3, no 15,‎ , p. 173-74 (lire en ligne)
  7. Bramsen 1992, p. 314.
  8. Bramsen 1992, p. 316.
  9. a et b Gelardi 2011, p. 24.
  10. Julia P. Gelardi, From Splendor to Revolution, p. 27
  11. Simon Sebag Montefiore, The Romanovs, p. 403
  12. Bramsen 1992, p. 320.
  13. Julia P. Gelardi, From Splendor to Revolution, p. 25
  14. Korneva et Cheboksarova 2006, p. 55.
  15. Gelardi 2011, p. 26.
  16. (ru) A. N. Bokhanov, Император Александр III [« Imperator Alexandre III »], Moscou,‎ (ISBN 5-8253-0153-4, OCLC 49850407, lire en ligne)
  17. Modèle:Harvp
  18. a et b Julia P. Gelardi, From Splendor to Revolution, p. 81
  19. Bramsen 1992, p. 324.
  20. Johannes Nørregaard Frandsen, « A Time of Fairy Tales: Hans Christian Andersen, a Danish Princess, and the Telegraph Business », Syddansk Universitetsforlag,‎
  21. (ru) Fyodor Ivanovich Tyutchev, « Небо бледно-голубое », Литературная библиотека, vol. 1,‎ , p. 1–2
  22. Hall, Coryne, Little Mother of Russia: A Biography of Empress Marie Feodorovna, (ISBN 978-0-8419-1421-6)
  23. Modèle:Harvp
  24. Modèle:Harvp
  25. (ru) Evgeny Pchelov, « Династия Романовых: генеалогия и антропонимика » [« La dynastie des Romanov : généalogie et anthroponymie »], Вопросы истории, vol. 6,‎ , p. 76—83 (lire en ligne [archive du ])
  26. Lerche et Mandal 2003, p. 175.
  27. (pt) Jose Vicente de Bragança et Paulo Jorge Estrela, « Troca de Decorações entre os Reis de Portugal e os Imperadores da Rússia » [« Exchange of Decorations between the Kings of Portugal and the Emperors of Russia »], Pro Phalaris, vol. 16,‎ , p. 10–11 (lire en ligne, consulté le )
  28. Sergey Semenovich Levin, Order of the Holy Apostle Andrew the First-called (1699–1917). Order of the Holy Great Martyr Catherine (1714–1917), Moscow, , « Lists of Knights and Ladies », p. 25
  29. (es) Guía Oficial de España, , « Real orden de Damas Nobles de la Reina Maria Luisa », p. 239
  30. (ja) 刑部芳則, 明治時代の勲章外交儀礼, 明治聖徳記念学会紀要,‎ (lire en ligne), p. 157

Annexes

Bibliographie

Article connexe

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :