Zadig ou la Destinée
Image illustrative de l’article Zadig (livre)
Édition de 1748.

Auteur Voltaire
Pays France
Genre Conte philosophique
Lieu de parution Lyon[1]
Date de parution 1748
Nombre de pages 60

Zadig ou la Destinée est un conte philosophique de Voltaire, publié pour la première fois en 1747 sous le nom de Memnon. Allongé de quelques chapitres, il fut publié une nouvelle fois en 1748 sous son titre actuel.

Ce conte retrace les mésaventures d’un jeune homme, nommé Zadig, qui fait l’expérience du monde dans un Orient de fantaisie.

D’après Sébastien Longchamp, secrétaire de Voltaire, c’est au cours des soirées mondaines données à Sceaux, chez la duchesse du Maine, que l’idée d’écrire des contes inspire à Voltaire ce petit roman, qualifié aussi de conte philosophique, qui connaît plusieurs éditions à partir de 1747. Il s’est par ailleurs défendu d’en être l’auteur, le considérant comme une simple « couillonnerie »[2].[source insuffisante]

Cette œuvre est inspirée d'un conte persan intitulé Voyages et aventures des trois princes de Serendip[3]. Cependant Zadig va plus loin que les trois princes de Serendip en ce sens qu'il utilise la science de son temps, un « profond et subtil discernement », pour parvenir à ses conclusions. Il a acquis « une sagacité qui lui découvrait mille différences où les autres hommes ne voient rien que d'uniforme ». Voltaire n'évoque pas le hasard mais parle d'une « bizarrerie de la providence »[4]. Il introduit également le suspense dans son récit, alors que dans la tradition du conte oriental le lecteur est averti dès le départ que les trois frères n'ont pas vu l'animal, ce qui rapproche le raisonnement par déduction de Zadig de la méthode scientifique.

Résumé

Voltaire retrace les mésaventures d’un jeune homme, nommé Zadig[a], qui fait l’expérience du monde dans un Orient de fantaisie.

Tour à tour favorable ou cruelle, toujours changeante, la fortune du héros passe par des hauts et des bas qui rythment le texte : tantôt victime d'injustices, tantôt accusé à tort, Zadig échappe plusieurs fois à des amendes ou à la prison. Quand il devient Premier ministre du roi de Babylone, celui-ci l'apprécie fort, car Zadig mène une politique équitable, et ses décisions ou jugements ne prennent pas en compte la richesse de ses administrés.

Malheureusement pour lui, l’amour compromettant qu’il porte à la reine Astarté est découvert par la Cour. Zadig, craignant que le roi n'assassine la reine par vengeance, se résout à fuir le royaume de Babylone.

Durant son voyage à travers le monde, Zadig rencontre de nombreux personnages hauts en couleur, se trouve parfois en proie au désespoir ou à la souffrance, doit faire face à l’injustice et à la superstition, ainsi qu’à tous les dangers d'une telle errance, mais ne perd pas l'espoir de retrouver un jour Astarté. Il revient finalement à Babylone, défie le roi et, vainqueur, prend sa place.

C'est du chapitre VI qu'est extraite la célèbre citation « il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent »[5].

Résumé par chapitre

Personnages

Zadig est le personnage principal et éponyme du conte. Son nom signifie « le véridique » (ṣādiq) ou « l’ami » (ṣadīq) en langue arabe et « le juste » (ṣaddīq) en hébreu. Il est présenté dès le premier chapitre comme un homme très vertueux, sans aucun défaut pour la société de Voltaire. Son meilleur ami Cador est un beau jeune homme, dont le portrait n’est pas précis. En arabe, Cador signifie « le tout puissant » (qaddūr).

Le premier amour de Zadig, auprès de laquelle celui-ci croit vivre dans le bonheur, se nomme Sémire. Mais celle-ci se révélera infidèle ainsi que sa deuxième épouse, Azora. La femme du roi Moabdar, son dernier amour, et qui lui fait perdre la raison s’appelle Astarté, une femme très belle avec qui il se mariera à la fin du roman.

Depuis le premier chapitre, Voltaire fait référence aux principes de Zoroastre, que Zadig observe. Dans ceux-ci, le principe du mal est appelé Ahriman – comme le courtisan envieux appelé Arimaze au chapitre IV –, opposé au principe du bien Orzmud. L’archimage de Zoroastre est appelé Yébor, anagramme de Boyer, nom de l’évêque de Mirepoix et ennemi de Voltaire.

Zadig est avant tout une satire féroce de la société française de son époque, transposée dans un orient imaginaire, peuplé de personnages outrés, sans nuance. Elle est peuplée d'hypocrites, dont les actions vont à l'encontre de l'amitié, de l'amour, ou des nobles principes religieux qu'ils professent en public. Les rois n'y sont pas mauvais, mais ils sont incapables de régler leurs problèmes, et le résultat ne sera bon que s'ils écoutent le héros, alors qu'ils écoutent tout autant les trompeurs. Le peuple suit bêtement la tradition, mais il est prêt à y renoncer si on lui montre qu'elle est mauvaise.

Toute l'habileté du héros le met plus souvent en mauvaise posture qu'elle ne le sauve, il ne doit son salut qu'à plusieurs miracles. La vertu et les bonnes actions du héros lui attirent les mauvais sentiments de ses contemporains (jalousie, vengeance, etc.) et lui valent une suite ininterrompue d'avanies bien plus crédibles que les miracles qui le sauvent par la suite. Le monde de Zadig annonce déjà celui du Candide et la conception de Voltaire face au problème du mal : être vertueux ne vous protège pas du mal, au contraire, cela vous expose à la méchanceté, et vous en aurez quand même subi les conséquences même si finalement un miracle survient qui vous sauve. Cependant, le méchant ne triomphe pas, il finit mal, même si ça prend du temps.

Histoire éditoriale

Une première version plus brève intitulée Memnon, histoire orientale est publiée pendant l’été 1747 en Hollande sans grand écho en France[c]. Séjournant à Sceaux chez la duchesse du Maine, Voltaire complète le conte, en y ajoutant les chapitres Le Souper, Les Rendez-Vous, Le Pêcheur, ainsi qu'une Épître dédicatoire. Il paraît en septembre 1747 sous le titre Zadig, ou la destinée[16].

Voltaire modifie encore plusieurs fois son texte. En 1752, pour une édition de ses Œuvres chez l'éditeur Georg Conrad Walther, il rajoute dans le chapitre L’Envieux l’anecdote à propos de Yebor. En 1756, pour une édition chez Cramer, le chapitre Les Jugements est complété et scindé en deux : Le Ministre et Les Disputes et les audiences. L'édition posthume de Kehl rajoutera en 1784 deux nouveaux chapitres : La Danse et Les Yeux bleus que Voltaire n'avait pas retenus de son vivant[16].

Zadig paraît d'abord anonymement et Voltaire, comme souvent, en dénie d'abord la paternité. Les réactions virulentes sont rares et le conte connaît un grand succès[16].

Analyse

L'organisation du texte est une accumulation d’aventures dans un mode de composition où le détail et l’intérêt de chaque épisode l’emportent sur celui de l’ensemble. Les fables sont indépendantes, mais leur sens global reflète une réflexion philosophique[17].

On retrouve dans Zadig les critiques habituelles de Voltaire envers la corruption politique, les flatteurs trop écoutés par les rois, l’avidité des prêtres jaloux de leur pouvoir, l’avarice des riches. Et un résumé de sa philosophie : déisme, tolérance, bon usage de la raison au-delà des croyances immédiates et des superstitions anciennes, exaltation des vertus sociales et du commerce, et de la politique éclairée par la philosophie[18].

La signification du conte est toujours discutée : « Faut-il prendre Voltaire au sérieux et croire que la leçon du conte est que nous sommes tous les marionnettes de la Providence et que nous devrions nous résigner à notre destin inaltérable ? Ou faut-il plutôt croire que Voltaire se moque de l'idée exprimée par Pope et Leibnitz et selon laquelle chaque événement fait partie de l'ordre de l'univers, et selon laquelle tout mal entraîne un plus grand bien ? Ou est-ce que le conte illustre le dilemme de Voltaire qui doit reconnaître l'existence ou la coexistence du mal et du bien sans pouvoir concevoir comment ils s'accordent ?[19] »

Dans son livre Le Plagiat par anticipation, en 2009, Pierre Bayard développe par jeu l'idée que Voltaire aurait plagié dans Zadig en 1747 les enquêtes de Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle parues quelque 150 ans après. C'est un moyen humoristique de montrer que Zadig est un précurseur des enquêtes policières à la Sherlock Holmes, fondées sur la recherche de preuves matérielles et une série de déductions ingénieuses.

Hommages

Zadig & Voltaire est une marque française de prêt-à-porter, créée en 1997 par Thierry Gillier. Son nom est tiré du conte de Voltaire, le personnage Zadig ayant marqué l'esprit du créateur, par son charisme, sa modernité et son courage[20].

Bibliographie

Éditions

Articles critiques

Dérivés

Notes et références

Notes

  1. La racine du nom Zadig pourrait être l'hébreu tsadik qui désigne le Juif juste et vertueux. Lire en ligne
  2. . Ce passage a été rapproché de la célèbre sourate La Caverne (S. 18. V. 60-82) du Coran, lorsque Moïse accompagne un être mystérieux (Al-Khidr) doué d'une grande connaissance à travers son périple, mais l'auteur de Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète a été accusé de copier quasiment mot pour mot la fable the hermit de Thomas Parnell, et il n'est pas possible de savoir si la transmission de ce conte oriental classique, préexistant au Coran, est passé par cette source ou par une autre.
  3. Voltaire reprendra ce nom dans le conte Memnon ou la sagesse humaine.

Références

  1. « Zadig, ou la Destinée, histoire orientale », sur BNF, consulté le=1 mars 2021.
  2. L’encyclopédie des énigmes - Docteur Mops, p. 151.
  3. Voltaire, Zadig, chapitre III.
  4. France culture - Émission Science publique, « La sérendipité : Quel rôle joue le hasard dans la science ? » (consulté le )
  5. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  6. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  7. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  8. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  9. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  10. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  11. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  12. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  13. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  14. Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  15. Voir la note : Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
  16. a b et c Œuvres complètes de Voltaire, volume 30B, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, p.69-74.
  17. Raymond Trousson, Jeroom Vercruysse [Dir], Dictionnaire général de Voltaire, Honoré Champion, 2020, p. 1233-1237
  18. Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau, Inventaire Voltaire, Gallimard, collection Quarto, 1995, p. 1413-1416.
  19. Roseann Runte, Répétition et instabilité : la signification de Zadig, in Man and Nature / L'homme et la nature, Volume 3, 1984, p. 63–76. Lire en ligne.
  20. « Zadig & Voltaire », sur tendances-de-mode.com, (consulté le )

Articles connexes

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