Topographie de la Germanie inférieure, chaussées romaines, Limes et situation des Tongres, Ubiens, Bataves, Cannefates, Trévires, Nerviens et Frisaviones

La Civitas Tungrorum ou cité des Tongres était un municipium — cellule administrative et religieuse de l'Empire romain — constitué dans la période finale (Bas-Empire) sur le territoire des Germains cisrhénans. Son chef-lieu était Atuatuca Tungrorum. En 89, à la formation de la province de Germanie inférieure, elle fut fixée dans cette province, qui était auparavant incluse dans la Gaule belgique.

Article détaillé : Germanie inférieure.

Topographie

Chaussées romaines - Germanie inférieure, Hypothèses
Ex-voto gallo-romain de la déesse Viradectis retrouvée à Strée-lez-Huy

Organisée de part et d'autre de la Meuse, elle couvrait un vaste territoire allant de la mer du Nord jusqu’aux sources des rivières ardennaises (la Lesse, l’Ourthe, la Vesdre) comprenant la Toxandrie (ou Campine), la Hesbaye, les Ardennes et Aix-la Chapelle. Ce territoire correspond plus ou moins avec le territoire des Tungri ou des Éburons, des Condruses, des Pémanes, des Sègnes et des Atuatuques, c'est-à-dire des tribus celtes qualifiées par César de Germains cisrhénans, avant la conquête romaine. La civitas était divisée en sous-districts (pagi), dénommés à partir du nom de tribus. Certains de ces noms ont survécu jusqu'à ce jour, comme celui du Condroz, d'après la tribu des Condruses. Les Tongres sont à l'origine de la dénomination d'une série de villes comme Tongres, Tongerlo, Tongrinne, Tongelre. La Chaussée romaine de Bavay à Cologne qui reliait la civitas Bagacum Nerviorum, capitale des Nerviens - aujourd'hui Bavay à la capitale de la Germanie inférieure et Civitas des Ubiens, Colonia Claudia Ara Agrippinensium - aujourd'hui Cologne - traversait ce territoire d'ouest en est passant par Tongres et traversant le fleuve à Trajectum ad Mosam - aujourd'hui Maastricht - où une autre chaussée rejoignait la civitas des Bataves, Ulpia Noviomagus Batavorum - aujourd'hui Nimègue. Pour faciliter le transport à la suite des crues irrégulières de la Meuse, un pont fut construit à Trajectum ad Mosam dès le Ier siècle. La Voie des Ardennes qui ralliait Aquae Granni - aujourd'hui Aix-la-Chapelle -, par le gué de Herstal à Jupille, se séparait sur le plateau de Herve le long de la crête par la chaussée Charlemagne et rejoignait Tectis (aujourd'hui Theux) - en passant la Vesdre au Fractam pontem - maintenant Fraipont.

Anthropologie

Les Tungri

Vase gallo-romain à bustes provenant de Jupille. Musée du Grand Curtius, Liège, Belgique
Aqueduc romain de Mettet

Le nord de la Cité des Tongres qui est constitué d'une grande zone marécageuse, connue aujourd'hui sous le nom de Campine, peu fertile et presque vide d'habitants romanisés, sera occupée par les Francs vers la fin de l'Empire romain. Au contraire, le centre qui contient les régions modernes de Hesbaye et le Condroz, est plus fertile et a une plus forte densité de population. La civilisation romaine y résistera mieux aux invasions de la fin de l'Empire, ce qui explique le tracé de la frontière entre les langues germaniques et les langues romanes[2]. À la fin de l'Empire romain, la partie nord de la civitas Tungrorum se dépeuplent progressivement et est occupée par les Francs saliens, qui la rebaptisent du nom de Toxandrie. La zone située le long du Rhin devient le territoire des Francs ripuaires. C'est à partir de cette région que les dynasties mérovingiennes et carolingiennes vont conquérir une grande partie de l'Europe occidentale.

Les peuples avoisinants

Muraille de Atuatica Tungrorum

Villae de la Civitas des Tungri

Reconstitution de la capitale Atuatica Tungrorum

Unités auxiliaires romaines

Autel de Jupiter de la cohors II Tungrorum, Castlesteads

Dès les premiers temps de l'Empire romains, des troupes auxiliaires ont été recrutées par l'armée romaine dans la région des Tongres :

Ces cohortes servaient le long du mur d'Hadrien en Grande-Bretagne. Selon Tacite c'étaient des troupes d'élite. Une inscription retrouvée dans le camp romain de Blatobulgium sur le mur d'Hadrien, aujourd'hui Birrens en Écosse, montre que des soldats du pagus Condrustis ont servi au sein de la deuxième cohorte de la Civitas Tungrorum et qu'ils possédaient un autel à leur déesse Viradectis[6]. La première cohorte est mentionnée dans les Tablettes de Vindolanda. Au IIIe siècle, la deuxième cohorte, en partie montée, était en garnison au fort de Camboglanna, aujourd'hui Castlesteads, en Cumbria.

Chronologie

Décor d'une fontaine dédiée à Mithra , datant de la fin du IIe début du IIIe siècle découverte à Angleur
Materne de Cologne

Postérité

Saint-Servais prêche en grec aux habitants de Tongres qui le comprennent. Bibliothèque Royale.
Cette carte représente l'ancien diocèse de Liège (en jaune) qui a évolué à partir de la Civitas Tungrorum et qui avait probablement les mêmes frontières. Les provinces de Liège et du Limbourg sont indiquées (en gris). La ligne rouge représente la frontière linguistique entre le Néerlandais et le Français. L'orange représente les frontières nationales modernes.

Comme d'autres cités et régions des provinces gallo-romaines, la civitas Tungrorum servira de base à la constitution d’un diocèse de l’Église catholique qui prendra vers le VIIe siècle le nom de sa nouvelle capitale Liège. On parlera dès lors dans les textes du Moyen Âge de Civitas Leodium ce qui se traduit par évêché ou diocèse de Liège dont les frontières persisteront jusqu’en 1559, date de la réforme des diocèses voulue par Philippe II d'Espagne, qui verra naître un diocèse très réduit par rapport à l’antique Civitas Tungrorum. Le diocèse de Liège issu du concordat de 1801 n’a lui vraiment plus rien de commun, si ce n'est le lieu de son siège épiscopal. Les villes importantes de ce diocèse sont : Louvain, Looz, Aix-la-Chapelle, Limbourg, Namur, Bouillon. Le diocèse de Liège est le berceau de l'art mosan et la base de départ de l’indépendance politique de Liège, ce qui peut expliquer le caractère roman de la Wallonie. À son apogée, l'art mosan a eu une forte influence sur les régions limitrophes, notamment en Rhénanie (Cologne, Bonn)[8]. Le diocèse de Liège a favorisé le développement du style gothique mosan, style mosan et baroque mosan. L'ancien diocèse de Liège, en sa partie wallonne (dans le sens de roman ou de « francophone », pas de la langue régionale), a des limites qui coïncident de manière frappante avec celle du wallon, langue régionale que l'on peut qualifier de langue des Tongres. L’Atlas linguistique de la Wallonie a bien mis en valeur cette très ancienne trace possible de l’influence des subdivisions de l'Église. À la période carolingienne, le pouvoir territorial d'une ancienne civitas est démembré entre plusieurs comtes qui règnent sur différents pagi tandis que la cohérence du diocèse est maintenue sur l'ensemble de la civitas. La Cité des Tongres est divisée en différents pagi :

Notes et références

  1. Tacite Mœurs des Germains, II
  2. Sandra Seibel et Thomas Grünewald, Reallexikon der germanischen Altertumskunde, , 435 p. (ISBN 978-3-11-017688-9, lire en ligne)
  3. (en) M. Gechter, « Early Roman military installations Ubian and settlements in the Lower Rhine », dans Th. Blagg & M. Millett (éd.), The early Roman empire in the West, Oxford, , p. 97-102
  4. Mertens, Arch, p.81, 1969 & p.90 1970
  5. Faider-Faytmans, Les fouilles du site romain de Fontaine Valmont, Mém. Hainaut, LXXI, 1957, p. 13-66.
  6. Proceedings of the Society of Antiquaries of Scotland, 30(1895-96), p. 142-144
  7. M. Suttor, Vie et dynamique d'un fleuve : La Meuse de Sedan à Maastricht des origines à 1600, De Boeck Université, 2006
  8. Benoît Van den Bossche (dir.), L'Art mosan. Liège et son pays à l'époque romane du XIe au XIIIe siècle, Liège, Éditions du Perron,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie