Naissance | |
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Décès | Paris |
Nom de naissance |
Francisco Vincenzo Seraphino Baltasar Piranesi |
Nationalité | |
Activités |
Dessinateur, graveur, architecte |
Autres activités |
céramiste (1807-1809) |
Formation | |
Maître |
Giovanni Battista Piranesi, Pierre-Adrien Pâris, Johann Gottlieb et Jacob Philipp Hackert, Domenico Cunego, Giovanni Volpato |
Lieu de travail | |
Mouvement | |
Père |
Giovanni Battista Piranesi |
Mère |
Angela Piranesi née Pasquini |
Fratrie |
Laura Piranesi, Pietro Piranesi (it) |
Francesco Piranesi (prononcé : [franˈtʃesko piraˈneːzi]), connu également sous le nom francisé de François Piranèse pour avoir fondé en 1798 avec son frère Pietro (it) la Calcographie Piranesi frères, au 296, rue de l'Université puis au 1354, place du Tribunat (actuelle place du Palais-Royal) à Paris, est un dessinateur, graveur aquafortiste, architecte et céramiste italien né à Rome « vers 1758 », année fort crédible de par son baptême le . Fils, élève et collaborateur de Giovanni Battista Piranesi (1720-1778), il est mort à Paris le .
Francesco Piranesi naît « vers 1758 » - Jacques-Guillaume Legrand énonce précisément en 1758[1], d'autres sources proposent des dates improbables allant de 1751 à 1761, la planche la plus ancienne qui lui soit attribuée étant datée de 1769 - dans le contexte d'une Rome qui est « le berceau naturel du mouvement et des théories néo-classiques qui détruisent le rococo, proclament la supériorité de l'antique et de l'art grec, mouvement qui envahit l'Europe » et dans lequel notre artiste baigne immédiatement parce que « le génial propagateur en est le lyrique Giovanni Battista Piranesi, le plus grand graveur du siècle, à l'imagination romantique et grandiose »[2], qui est son père et qui sera son maître.
Valeria Mirra, qui soutient d'autant plus la naissance en 1758 proposée par Jacques-Guillaume Legrand qu'elle a par ses propres recherches retrouvé l'acte de baptême, le à Rome, de Francisco, Vincenzo, Seraphino, Balthasar Piranesi[3], resitue l'éducation de Francesco dans son contexte en citant Legrand : « l'aîné des enfants né en 1758 commençait à devenir un peu grand et montrait un caractère grave et réfléchi qui contrastait parfaitement avec le feu de son père. Il ne négligea point son éducation et cet enfant savait à peine lire que Piranesi lui mit dans les mains l'histoire romaine à titre de récompense ; il ne l'entretenait que des hauts faits des Scipions, des Fabius et des Catons dont il voulait qu'il apprît la langue en même temps que les éléments du dessin et les principes de l'architecture et, comme il n'avait pas la patience de donner lui-même ces premières leçons, il l'envoyait assidûment à l'Académie de France et le félicitait chaque jour d'être né romain »[3]. Il est rappelé par là que la décennie 1760, galvanisée en cela par les premières grandes découvertes archéologiques que sont Herculanum et Pompei en 1748 et par les « fouilles très fructueuses » qui s'y poursuivent[4], est pleinement celle de la controverse concernant la primauté tant chronologique qu'esthétique de Rome sur la Grèce, thèse chauvine par son apologie des Étrusques dont Giovanni Battista est alors parmi les ardents défenseurs[5].
Également architecte et antiquaire, soucieux en cela des faveurs papales, Giovanni Battista, « cet autoritaire, ce furieux »[6], a en fait songé dans un premier temps pour son fils à une carrière ecclésiastique, perspective dont l'intérêt s'est relâché avec la mort de Clément XIII en 1769[3]. Francesco est ainsi élève à l'Académie de France de Pierre-Adrien Pâris en architecture, élève également des frères Johann Gottlieb et Jacob Philipp Hackert en paysage (artistes peintres, le second n'en possède pas moins une expérience de graveur pour avoir travaillé auprès de Jean-Georges Wille à Paris), de Domenico Cunego et Giovanni Volpato en gravure. Il accompagne son père à Pompei, Herculanum et Paestum en 1770 et 1778[7] : « son fils et son zélé compagnon, l'architecte Benedetto Mori, partageaient constamment les travaux et les fatigues de Giovanni Battista Piranesi. Toujours levés avec le soleil, contents d'un modeste repas et dormant sur un lit de paille au milieu de ces riches fragments »[8].
Francesco a vingt ans lorsqu'en meurt Giovanni Battista qui laisse cinq enfants, deux filles (Laura, graveur de même, la seconde revêtant l'habit monastique), trois garçons avec ses deux frères, Pietro dont les études demeurent à accomplir et Angelo qui meurt en nommant Francesco son légataire universel. L'administration de la maison, « ainsi que celle des planches de cuivre, des estampes, des marbres antiques et de toutes autres choses laissées par leur père » est, conjointement avec leur mère, assumée par Francesco qui emprunte à cette fin la somme de sept mille écus[8].
Le professeur John Wilton-Ely ne manque pas de relever que, dans l'œuvre ultime du père, les 135 gravures des Vedute di Roma qui paraissent en 1778, les deux dernières planches sont bien de Francesco[9]. La Raccolta de'Tempi Antichi sur laquelle Francesco est alors simultanément en train de travailler parait, dans une suite de vingt et une planches[10], deux années plus tard, l'affranchissant de son statut d'assistant pour une reconnaissance de sa dimension d'artiste créateur à part entière[11] à laquelle Pie VI souscrit lui-même : le Pape, à qui l'ouvrage est adroitement dédicacé, ordonne qu'il aille enrichir les collections Piranesi de toutes les bibliothèques publiques et qu'il soit « offert en présent aux souverains visitant ses états, ajoutant qu'il serait de même de tous les ouvrages publiés par la suite par Francesco Piranesi »[8].
Les noms du père et du fils se trouvent cependant toujours étroitement mêlés dans deux ouvrages postérieurs : d'une part dans Plan de la villa d'Hadrien, près de Tivoli, œuvre de Gian Battista ne paraissant qu'en 1781 avec une contribution de Francesco intitulée Pianta delle fabriche esistenti nella Villa Adriana[12], d'autre part et surtout dans le monumental recueil de deux cent vingt-trois eaux-fortes représentant, sous le titre Le antichita romane (Roma - Nella stamperia Salomoni alla piazza di San Ignazio), diverses vues d'édifices romains, plans et fragments de marbres, somme envisagée par Giovanni Battista dès 1750 et dont Francesco ne parachèvera l'édition posthume qu'en 1787, la dotant encore une fois de sa marque personnelle avec un portrait de son père gravé par lui d'après Joseph Cades, avec sa propre dédicace « au roi de Suède Gustave III, magnificentissime promoteur des beaux-arts », enfin avec deux planches signées par lui. « Le même ordre fut donc maintenu dans les ateliers de Piranesi, et les travaux qui en résultèrent ne furent point jugés inférieurs à ceux qui s'exécutaient sous la direction de Giovanni Battista : les amis et les correspondants de cet homme célèbre vouèrent au fils le même attachement et lui assurèrent le même crédit. Cette considération l'affermit dans le projet qu'il avait formé de soutenir un tel nom »[8].
Lors de sa visite à Rome en 1783, Gustave III de Suède, qui couronne ainsi toute une suite de missions diplomatiques ayant pour finalité le développement des relations artistiques et commerciales entre son royaume et les États pontificaux[7], se rapproche des artistes, en particulier de Francesco Piranesi et de Louis-Jean-Desprez, son collaborateur pour les rehauts à la peinture de ses eaux-fortes, qui acceptera le poste offert par le Roi d'architecte et de directeur scénographique de l'Opéra de Stockholm[13]. Francesco, pour sa part, sans attendre la venue à Rome du « magnificentissime », a en fait entretenu une correspondance préalable avec le chef de la chancellerie suédoise, Carl Fredrik Fredenheim (sv), y sollicitant dès 1783 la fonction d'agent spécial de Gustave III en Italie pour tout ce qui touche les beaux-arts[14]. Confirmé dans ce rôle, la première mission de Francesco consiste en la recherche dans les archives du Vatican des documents relatifs à la reine Christine de Suède[7] pour ensuite demeurer le permanent informateur et commissionnaire du Roi en acquisitions et expéditions de tout ce qui touche l'art et la culture à Rome, depuis les éditions de livres rares jusqu'aux découvertes archéologiques. Dans ce cadre, Francesco reçoit une pension royale pour l'envoi à Stockholm d'une part importante du fonds d'antiques de Giovanni Battista Piransesi[14].
Les fonds envoyés par la Cour de Suède, comme « le grand produit de bénéfice des anciens ouvrages et des nouveaux gravés par lui, le commerce des estampes ayant augmenté »[8], permettent à Francesco d'honorer dans l'aisance le remboursement des sept mille écus empruntés, « Pietro n'ayant qu'à se louer de la bonne gestion de son frère et l'approuver en son entier »[8].
Lorsque Gustave III est assassiné en 1792 sur un fond de noblesse hostile, favorable à l'encontre au duc de Sudermanie (futur Charles XIII) qui devient régent, ce dernier éloigne de Stockholm le proche confident de Gustave III, Gustaf Mauritz Armfelt, en le nommant en 1793 ambassadeur de Suède à Naples, missionnant Francesco Piranesi d'y espionner ses agissements. Dans le même temps, en , notre artiste est chargé par le régent d'accueillir à Rome la princesse Sophie Albertine de Suède, sœur de feu Gustave III, et d'y organiser son séjour. Francesco Piranesi en publiera dans les semaines qui suivent un journal narratif, Ragguaglio ossi giornale della venuta e permanenza in Roma di Sofia Albertina Principessa di Sveza, s'y restituant dans son accompagnement des visites romaines de la princesse à Tivoli, Albano Laziale, Genzano, au Lac de Nemi et à Castel Gandolfo[7].
Si Armfelt est rapidement accusé de complot - ses confidences épistolaires à l'Impératrice Catherine II cautionnent son intention d'un coup d'état - les agents de Piranesi à Naples sont arrêtés et emprisonnés (l'un d'eux, Vincenzo Mori, se suicidera en prison) sous accusation de plan visant à assassiner l'ambassadeur suédois. Par un pamphlet clandestin édité le , Lettera di Francesco Piranesi al Signor general D. Giovanni Alcon, écrit en réalité par Vincenzo Monti, Francesco réfute cette accusation.
Arrivé à l'âge de régner en 1796, Gustave IV Adolphe, fils de Gustave III, irrité par le resserrement des liens qu'il perçoit entre Francesco Piranesi et la France jacobine honnie (notre artiste devient en 1797 l'ami du nouvel ambassadeur de la France à Rome, Joseph Bonaparte et tente sans succès de se faire intercesseur diplomatique entre la Suède et la France), révoque Francesco de toutes ses fonctions.
En , Francesco Piranesi se rallie à la République romaine, cette République sœur de la France : il est successivement directeur de la police et commissaire à l'administration des finances.
Après « la capitulation qui livre Rome aux Anglo-Napolitains », Francesco et Pietro, contraints à la fuite, débarquent à Marseille. « Ils n'ont sauvé de toute leur fortune que les planches gravées par leur père » constate en La Décade philosophique, tout en pressentant déjà que « les Piranesi s'empresseront de publier de nouveau cette intéressante collection, dès qu'ils seront arrivés à Paris »[15].
La Décade philosophique, dans son édition du 5 nivôse an VIII (), annonce l'arrivée des frères Piranesi à Paris, ajoutant « qu'ils ont eu le bonheur de sauver des mains des Anglais et d'apporter en France les planches de l'ouvrage de leur père ». La même publication précise le 10 floréal suivant () que c'est le commissaire des guerres Walville qui a assuré le transport de Rome à Marseille de la chalcographie Piranesi en s'en déclarant acquéreur et propriétaire pour obtenir l'autorisation de son embarquement, relayé alors par Louis-Alexandre Berthier, ministre de la guerre pour l'acheminement de Marseille à Paris. Réactif au souhait que lui émet Talleyrand de voir « tout fait pour assurer la conservation d'un établissement précieux »[16], Lucien Bonaparte, ministre de l'Intérieur, procure à Francesco et Pietro le « local convenable » (le dépôt des machines) de la rue de l'Université en y ajoutant « les moyens de toute espèce pour l'exécution de leur entreprise »[17]. « Je saisis avec empressement cette occasion d'encourager les artistes recommandables qui, non contents d'adopter la France pour leur patrie, ont formé le projet de contribuer à sa gloire, en propageant par la gravure ses plus beaux monuments » augure Lucien Bonaparte avec l'acquiescement du Premier Consul, son frère Napoléon qui promet aux Piranesi « sûreté, protection, et les encouragements qu'un gouvernement éclairé sait appliquer convenablement et proportionner à l'importance des objets »[18].
C'est en que Francesco Piranesi apprend que le général napolitain Naselli a procédé à la saisie à Rome de tous ses biens restants, constitués de ses estampes, de sa bibliothèque de livres rares, de ses meubles, tableaux de maîtres et dessins, préjudice qu'il rapporte à Talleyrand dans une estimation de 150 000 francs[19]. Franceso propose que le gouvernement établisse une académie pour l'enseignement des beaux-arts et, en 1802, celui-ci lui accorde de s'établir à cet effet au Collège de Navarre, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève.
Francesco et Pietro Piranesi deviennent bientôt habitués de séjours au château de Mortefontaine où « le Prince Joseph Bonaparte, lorsqu'il n'est pas occupé de quelque mission politique ou militaire, vit habituellement au sein de sa famille. Il y rassemble des personnes distinguées dans les lettres et dans les sciences, et se plaît à oublier ainsi les soucis dans les jouissances de l'amitié et des arts »[20].
C'est en 1803, après qu'il a découvert dans le village voisin de Plailly une carrière d'argile rouge, que Francesco y fonde avec Pietro, « dans un vaste local accordé par le Prince Joseph Bonaparte et environné de bosquets et de jardins délicieux »[21], une fabrique de céramiques, produisant des pièces en biscuit, d'autres d'un « genre étrusque » ou d'une « forme Médicis ». Leur brochure-catalogue verse presque dans l'idéologie en énonçant que « ces découvertes tendent à rapprocher de toutes les classes du peuple les choses nécessaires à ses besoins, et à les lui fournir de meilleure qualité et à un moindre prix ; à lui enseigner des procédés économiques par le moyen desquels, en réduisant sa consommation, il obtient les mêmes résultats »[21]. De fait, témoigne une gazette parisienne en 1806, « il y a foule dans la boutique des frères Piranesi place du Tribunat. Ayant repris à leur compte l'idée de l'étalonnage, ils ont créé des objets usuels dont les unités de mesure servent aujourd'hui de calibre... Avec un zèle qui les honore, les frères Piranesi poursuivent leurs recherches. Propriétaires d'une maison à Plailly, aux environs de Mortefontaine (Oise), qui leur a été offerte par Sa Majesté le roi de Naples, ils viennent de découvrir une terre dont les qualités sont propres à faire de la poterie supérieure. Ils éditent maintenant une vaisselle dans le style antique, qui contribue à la diffusion du style Empire qui s'en inspire, et viennent dans ce but de fonder une manufacture de plastique »[22].
Alors que Pietro quitte Paris pour un retour à Rome en 1807, les apparences demeurent celles d'une vitalité quasi-insolente tant place du Tribunat qu'à l'Académie Piranesi du Collège de Navarre. La générosité manifeste d'un gouvernement qui semble ainsi privilégier des artistes italiens suscite les polémiques : « au lieu d'une académie, écrit en 1808 Le Cicerone parisien qui dépasse ainsi sa vocation de simple guide pour les visiteurs de la capitale, les Piranesi y établissent, uniquement à leur profit, une manufacture de toutes sortes d'objets d'art. Ce qui devrait être un établissement d'utilité publique se borne à une spéculation d'intérêt, à une entreprise purement commerciale »[23].
Ces apparences de floraison et d'enrichissement dissimulent la réalité économique d'une chalcographie croulant sous les dettes. La mort de Francesco le - on a pu lire des évocations de syphilis[24] et de folie, sans sources réelles - interrompt les propositions contractuelles de sauvetage, mandatées par Napoléon, par un rachat national de la Chalcographie Piranesi. Ce sont les huissiers qui s'en saisissent pour une vente liquidative que dirige le commissaire-priseur Bénou, le suivant au Palais-Royal. L'acquisition en 1835 de la Chalcographie Piranesi par Firmin Didot, pour une grande réédition des gravures, sera suivie d'un rachat en 1839 par le pape Grégoire XVI.
Les empreintes les plus visibles du Premier Empire demeurent celles d'une romanisation de Paris avec, entre autres témoignages, la colonne Vendôme qu'inspira la colonne Trajane, l'arc de triomphe du Carrousel copié sur celui de Septime Sévère, avec le Temple de la Gloire de la Grande Armée (devenu l'église de la Madeleine) ou encore le péristyle du Palais Brongniart. On ne peut là totalement occulter qu'il s'agit aussi de la marque persistante de Francesco Piranesi, admiré et protégé des Bonaparte, en ce que son œuvre gravé contribua, autour de 1800, à la romanisation des esprits, à « l'expression de ce Beau Idéal auquel les architectes croyaient encore »[25].