Sarthois
Sarthais
Pays France
Région Maine
Typologie SVO
Classification par famille
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme[réf. nécessaire] (voir le texte en français) :

Les gâs et les fumelles naissant leibres tertous, ensement ils ayant drait et deignité daurà les oureines. L'houme a coume donaison un entendoir et eune cervalle ademintiers ceti-là dait terjoux aide aux autres quasiment coume pour un frâre.
Situation géographique de la langue

Le parler sarthois (ou haut-mainiot ou patois sarthois) est une langue d'oïl, parlée dans l'ensemble du Haut-Maine. Il est également appelé « parler Sapience », « parler cénoman »[1],[2],[3] ou tout simplement « manceau » (pour la variante de la région du Mans).

Géographie

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Le comté du Maine comportait le Haut Maine à l'est, devenu le département de la Sarthe et le Bas Maine à l'ouest devenu le département de la Mayenne.

Le haut-mainiot, comme toutes les langues régionales, comporte des variations locales dans la prononciation à l'intérieur de son périmètre géographique. Il est entouré par des parlers très proches : percheron (Perche), « bas-maine » (mayennais ou « bas-mainiot ») et angevin (sud de la Sarthe) dont il se différencie par quelques traits.

Histoire

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Origine

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Le parler du Maine est assez proche du gallo dans nombre de ses tournures (parlers du Nord-Ouest). Il sert souvent de référence intermédiaire pour des comparaisons de gallo à français.

Le tableau ci-dessous permet de comparer le gallo, le manceau et le français

Sarthois Gallo Français
anuit anaet aujourd'hui
aveille avett abeille (avette)
bié nair bié naïr blé noir
chaire chaèrr chaise
chapiaù un chapè/chapéü (dèz chapiaù) chapeau
pîtaù, fourmaige fourmaèjj fromage
sortie, dessort desort sortie
chair / choir cheir tomber (choir)
bicque biq chèvre (bique)
goule goull bouche (gueule)
paire / poire peirr poire
piée pié pluie
seille d'ève / d'iaù seilléy d'èv/iaw seau d'eau
roucher roucher ronger / mordre / dévorer

Pour la majorité, le parler du Haut-Maine est composé d'expressions se rapportant à la terre, au fruit du travail des hommes ruraux. Pour le vocabulaire manceau, on a affaire à une grande mixité. Le XIXe siècle a apporté son lot d'expressions techniques en rapport avec l'industrialisation galopante, ou encore au commerce, étant donné que la ville était le pôle d'échange économique de tout l'Ouest. À la confluence de nombreuses autres régions (Normandie et Bretagne surtout), les locuteurs ont également su s'inspirer ou emprunter à leurs voisins.

Le sarthois aujourd'hui

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Pourtant, la langue est largement restée dans les campagnes environnantes de la ville du Mans. Aujourd'hui, on remarque que la langue reste majoritairement parlée par les « anciens » du Mans, mais surtout d'une manière plus massive dans les régions de Ballon, Beaumont-sur-Sarthe, Bouloire, Ecommoy, Nogent-le-Bernard, Pezé-le-Robert, Roézé-sur-Sarthe et La Suze[4]. Aujourd'hui, la parole sarthoise est, comme toutes les langues regionales, dialectes ou patois en France, en voie de disparition. Cependant, le projet « Sauvegarde de la parole sarthoise » a été lancé en 2003 dans la ville de Sillé-le-Guillaume par la radio locale "Fréquence Sillé". L'objectif du projet est de transférer et sauvegarder de nombreuses sources sonores anciennes sur des supports numériques récents afin de garder une trace certaine de cette culture ancestrale. Par ailleurs, cela pourra à l'avenir faciliter et favoriser leur diffusion. D'autres associations comme les Trésors des parlers cénomans, La Gouline sarthoise, ou encore le Département de linguistique de l’Université du Maine et même l'Institut technologique européen des métiers de la musique, s'attellent également à la tâche. Le collectif a ainsi pu éditer en 2006 le Trésor du parler cénoman en reprenant en partie le travail de Roger Verdier, le Dictionnaire phonétique du parler manceau datant de 1951. Après l'avoir complété, les auteurs y ont ajouté un CD audio comprenant des démonstrations du parler. Au total, pas moins de 8 000 mots ont été référencés. Un DVD reportage sur la verrerie de Coudrecieux a également été réalisé et donc expliqué entièrement en langue sarthoise. Trois autres ont été réalisés sur diverses traditions de la région. Une grande phonothèque a été organisée et elle répertorie autant le parler que les coutumes culturelles sarthoises les plus diverses: contes et légendes, comptines et chansons ou encore les bobillonneries de Roger Verdier. L'association possède plus de 1 000 heures d'enregistrements à son actif, en regroupant également les sources retrouvées depuis 1950. Aujourd'hui, plus aucun quotidien n'est écrit en sarthois. Cependant, les nombreux Le bonhomme sarthois, journaux écrits exclusivement en patois sont trouvables aux archives départementales de la Sarthe ou encore à la Médiathèque Louis-Aragon du Mans. Signe de son succès, cette presse ne disparaitra qu'en 1940, à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. Des auteurs comme A. Dagnet nous ont cependant offert des grammaires entières et précises du parler manceau avec même une bobillonnerie[5] sarthoise fantastique : Houbilles et birouilles.

En , l'association "Heulâ!" se donne pour mission de sauvegarder le parler sarthois. Elle fédère plusieurs acteurs de la mise en valeur du patrimoine culturel du Maine[6] :

- Serge Bertin (président d’honneur) est ethnologue et auteur d’une vingtaine d’ouvrages régionaux dont un dictionnaire en patois et 3 albums de Tintin en patois sarthois.

- Jean Revers (co-président), anime (exercices de traduction, expression de contes, chansons, etc.) un groupe de patoisants à Malicorne depuis une vingtaine d'années.

- André Jaunay (co-président) a créé un jeu de cartes en patois, dit des « sept familles ». Jean Revers (co-président) est animateur d’un groupe patoisant aux Aînés Ruraux de Malicorne.

- Fernand Legeard (vice-président) est l’auteur de l’ouvrage « Et si on caôsait patois ! – Histouéres d’mon Paÿs mainiot » et créateur du groupe patoisant « Les Veillées à l’Ancienne ».

- Pilou Souchères (vice-président) intervient régulièrement au sein de la séquence patois sur "LMtv Sarthe".

- Fabrice Louvet (trésorier) est le créateur de deux jeux de cartes patoisants « Dekèktudi ».

- Jean-Yves Poignant (vice-trésorier) est à la tête du groupe patoisant "Les Chemineux".

La tradition littéraire

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Dès 1898, l'ouvrage de François Deslandes, Au bon pais de Sillé regroupe quelques contes populaires sarthois. Ces contes seront repris en version sonore en 1983 par Jean Dean-Laporte. Cet enregistrement audio, voulu au plus proche de la réalité dialectale se centrera cependant uniquement sur les contes manceaux, d'où son titre, Contes manceaux en patois. En 1988, René Langlais fait paraître en édition papier Les Contes phonétiques du Haut-Maine aux éditions du Racaud. Le petit livre de 32 pages est illustré de quelques figures pittoresques en noir et blanc. Puis Roger Verdier fait paraître sa dernière œuvre en 1993 : Les Contes phonétiques manceaux. Cet intellectuel dévoué à sa région meurt presque centenaire deux ans plus tard à l'âge de 96 ans. La plupart de son œuvre est en fait une reprise améliorée de contes populaires parus dans la Tribune de Saint-Calais, peu avant les années 1950. La Sarthe trouve un grand défenseur de sa langue en la personne de l'écrivaine Catherine Paysan, surnommée la « dame d'Aulaine ».

Voici un extrait de la fable Le corbeau et le renard de Jean de La Fontaine en parler sarthois :

La couâ et le r’nâ

Aun’ couâ bin neire, su eun’ terrouesse cruchée,
T’nait en son bé, un grous froumaige.
V’là qu’un gâs r’nâ, pa la sente appâté,
S’amène et, dans son parlement,
C’mince à déberteler son compliment :
« Bon l’bonjou, môssieur de la Couâ.
Ça qu’iest-i qu’jêtes dons vout nocial ?
Ou qu’censément, qu’jiriez au bal ?
Vous v’la, ma foé, tout pourri biau. […] »[7]

Phonétique

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Généralités

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Ses caractères principaux sont communs à certains des parlers du Grand Ouest :

Consonantisme

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Les consonnes du sarthois sont proches ou analogues à celle du français.

Vocalisme

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Exemples
ouest français
mai, tai, sai moi, toi, soi
fai, drait, véteüre foi, droit, voiture
nair, pesson, vésin noir, poisson, voisin
Exemples
groupement latin ouest français
au cal(ĭ)dus chaud [ʃaʊ] / [ʃoʊ] chaud [ʃo]
eau bellus biau [bjaʊ] / [bjoʊ] beau [bo]
eau rastellus râtiau [rɑː.ˈtjaʊ] / [rɑː.ˈtjoʊ] râteau [ʁɑ.to]
Exemples
bas latin ouest français
coda coue (cf. couard) queue
nodu noud nœud
gula goule (cf. goulot, goulet) gueule

Grammaire

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Généralités de prononciation

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Toutes ces généralités sont assez proches de l'ancien français qui avait lui-même un manque de règles avec beaucoup de divergences orthographiques entre plusieurs textes pour un seul mot. Ici, il faut savoir que même s'il ne s'agissait pas de règles, l'écrit manceau (lieu de production plus que Sarthois du fait par exemple du collège du Mans) en était très affecté.

Exemples de conjugaisons

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Les verbes du 1er groupe

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Les verbes du 1er groupe en -é-

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Les verbes du 2e groupe

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Les verbes du 3e groupe

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Le verbe faire

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Le verbe venir

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Le verbe être

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Le verbe avoir

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Lexique

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(n) : nom ; (n.f) = nom féminin ; (n.m) = nom masculin (adj.) = adjectif ; (v. tr) = verbe transitif ; (v. intr.) = verbe intransitif ; (v. pron) = verbe pronominal.

Les dictionnaires et ouvrages de référence

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Dictionnaire de vocabulaire du "haut maine" datant de 1859.

Tous les vocabulaires du Maine sont l'objet de classifications diverses depuis bien des siècles. On peut trouver par exemple le Vocabulaire du Haut-Maine par le comte Charles Raoul de Montesson comme l'un des dictionnaires les plus importants pour la compréhension de cet ancien dialecte. Il fut publié en 1857, puis une édition augmentée fut à son tour publiée en 1859. Ensuite le Verdier est un autre ouvrage très utilisé pour les analystes du parler Sarthois. Publié en 1959, il a connu un grand succès en son temps avant d'être oublié. Depuis, le parler purement Sarthois comme il se parle toujours aujourd'hui, a été analysé et surtout ordonné. Le Parler sarthois en deux tomes, œuvre collective sous forme de dictionnaire a été publiée en 1982 par un collectif de la revue Cénomane formé autour de Patrick Godard et d'Alain Mala. L'ouvrage fut réédité à deux reprises, symbole de l'intérêt qu'il suscite, une fois en 1998, une autre en 2003.

Notes et références

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  1. « Trésor du parler Cénoman - Serge Bertin », sur amazon.fr (consulté le ).
  2. (en) « Le saviez-vous ? Jean Jousse et la découverte du site néolithique de Gréez-sur-Roc », sur calameo.com (consulté le ).
  3. https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/bd-bientot-un-tintin-en-patois-sarthois-4112399
  4. Patrick Godard et Alain Mala, Parler sarthois, page 17 : « écrire patois ».
  5. Site sur lequel il est fait mention de "bobillonnerie" : « Fonds sonores - Archives sonores - Archives départementales de la Sarthe », sur archives.sarthe.fr (consulté le ).
  6. « VIDEOS. Sarthe : l’association « Heulâ ! » œuvre pour préserver le patois », sur actu.fr (consulté le ).
  7. d'après Edith Jacqueneaux, Fablemaine : Fables de La Fontaine en patois du Maine, Editions Le Fabuliste Averti, La découvrance

Voir aussi

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Liens internes

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Bibliographie

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Dictionnaires

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Ouvrages littéraires

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Liens externes

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