L'avortement au Canada est légal, sans restriction, à tous les stades d'une grossesse depuis 1988. Il présente la particularité de ne pas être encadré légalement.
L'article 251 du Code criminel interdit l'avortement au niveau fédéral à partir de 1892[1]. Le médecin ou la personne qui pratique l'avortement ou aide une femme à interrompre une grossesse encourt la prison à vie, tandis que la femme qui avorte risque deux ans de prisons[1]. Cependant, les poursuite sont rares, et l'avortement y est tout de même pratiqué[2].
La loi est modifiée en 1969 par le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau pour légaliser l'avortement dans les situations où la santé de la femme est mise en danger par la grossesse[1],[2]. L'avortement est autorisé seulement dans des hopitaux agréés et après approbation par un comité de médecins[1]. La légalisation de l'avortement est réclamée depuis 1967 par l'Association médicale canadienne, tandis que la Société des obstrétiens et gynécologues du Canada (SOGC) ne s'exprime pas à ce sujet[2]. La commission royale d'enquête sur la situation de la femme émet un rapport en 1970 qui préconise la légalisation de l'avortement jusqu'à 12 semaines de grossesse dans le cas de grossesses régulières et la possibilité d'interrompre la grossesse à tout stade si la grossesse est pathologique pour la mère ou l'enfant[1].
Les effets de la loi sont estimés insatisfaisants en 1975 par un comité. Le rapport Badgley qui en découle établit qu'il existe d'importantes inégalités dans l'accès à l'avortement au Canada, notamment entre les centres urbains et les régions moins dotées, et que les délais moyens d'accès à un avortement sont de huit semaines[2].
Le médecin Henry Morgentaler est plusieurs fois poursuivi pour la réalisation d'avortements non autorisés[1]. Il est condamné à de la prison en 1975[1]. Il fonde une clinique d'avortements à Montréal (Québec) et revendique la pratique d'avortements en dehors du cadre légal. Poursuivi, il est acquitté[2]. L'ouverture de cliniques similaires dans les provinces du Manitoba et de l'Ontario le mène jusqu'à la Cour suprême qui l'acquitte ; un nouveau procès en appel aboutit à nouveau à son acquittement par la Cour suprême[3].
En 1988, l'arrêt Morgentaler contre Sa Majestée la Reine invalide l'article 251 du Code criminel relatif à l'avortement, le déclarant inconstitutionnel et contraire à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui assure la sécurité de la personne[3]. Aucune loi ne remplace cet article depuis, rendant l'avortement légal depuis[1]. La Cour ne statue cependant pas sur le droit du foetus dans sa décision[4].
L'affaire Chantal Daigle contre Guy Tremblay statut sur la statut du foetus pendant une grossesse. Ayant l'intention d'avorter, Chantal Daigle quitte Guy Tremblay mais celui celui obtient une injonction interdisant à son ancienne compagne d'avorter, sur la base du droit à la vie du foetus[3]. L'injonction est dans un premier temps confirmé par la Cour d'appel du Québec. Chantal Daigle réalise finalement un avortement aux États-Unis durant le procès, mais la situation pouvant concerner d'autres femmes, la Cour décide de statuer malgré tout et annule unanimement l'injonction, en considérant que le foetus n'est pas un être humain selon la Charte canadienne des droits et libertés et qu'il ne bénéficie donc pas d'un droit à la vie[3]. Par cette décision, la Cour statue sur le fait que le père n'a pas de droit de propriété sur un foetus à naître[1].
Une proposition de loi pour criminaliser l'avortement est proposée par le gouvernement de Brian Mulroney en 1990 et adoptée par la Chambre des communes[2],[1]. Elle vise à limiter l'avortement aux cas où la santé de la femme est en danger et à criminaliser les autres cas. Le Sénat s'oppose au projet de loi qui n'entre pas en vigueur[2],[1].
L'avortement est un service financé par l'État, à travers la loi canadienne sur la santé[1]. Les avortements peuvent être réalisés dans des cliniques publiques ou privées.
L'avortement est possible durant toute la grossesse, dans un hôpital, une clinique spécialisée ou un centre local de ressources communautaires[5]. Les médecins et les établissements qui refusent de pratiquer un avortement à un stade avancé de grossesse sont tenus d'adresser leurs patientes à d'autres structures[5].
Les mineurs à partir de 14 ans n'ont pas besoin de permission parentale pour accéder à l'avortement[5], même si entre 14 et 17 ans la personne doit les informer de son séjour dans un établissement médical[6]. En deçà de 14 ans, la personne doit disposer de l'accord de son tuteur ou de ses parents[6]. La personne majeure inapte peut exprimer son souhait d'avorter, mais elle doit disposer de l'accord de ses parents, de son tuteur ou de son conjoint pour y avoir accès[6].
L'avortement est généralement gratuit[5],[7].
L'avortement médicamenteux par administration mifépristone et misoprostol est autorisé depuis 2015 et possible depuis 2017, jusqu'à 9 semaines de grossesse[7]. Le Moifegymiso peut être délivré par une infirmière ou un médecin[7].
L'avortement chirurgical est réalisé à tout stade.
L'accès à l'avortement est cependant inégal en fonction des provinces, les régions rurales et certaines provinces moins peuplées étant moins dotées que d'autres[1],[7]. L'Île du Prince Édouard ne dispose en 2016 d'aucun service assurant un avortement[1] tandis que la province du Nouveau-Brunswick ne permet qu'à trois cliniques de réaliser des avortements en 2022[8] et n'assure pas les avortements chirurgicaux hors d'un hôpital[7].
Environ 100 000 avortements sont pratiqués au Canada chaque année[7]. Une Canadienne sur trois est concernée par un avortement au cours de sa vie[7]. La majorité des avortements ont lieu au cours du premier trimestre de grossesse[7].
Plusieurs médecins font l'objet de violences en raison de leur engagement en faveur de l'avortement[2].