Dragonfly
Sonde spatiale
Description de cette image, également commentée ci-après
Dragonfly à la surface de Titan (vue d'artiste).
Données générales
Organisation Drapeau des États-Unis NASA
Constructeur Drapeau des États-Unis Applied Physics Laboratory
Programme New Frontiers
Domaine Étude de la surface et de l'atmosphère de Titan
Type de mission Aérobot de type aérogire
Statut En cours de développement
Lancement 2028
Durée 2,7 ans (sur Titan)
Site dragonfly.jhuapl.edu
Caractéristiques techniques
Masse au lancement ~450 kg (aérogire uniquement)
Source d'énergie MMRTG (aérogire)
Puissance électrique 100 watts
Principaux instruments
DraMS Spectromètre de masse
DraGNS Spectromètre gamma et neutron
DraGMe Suite capteurs météo
DragonCam Suite de caméras

Dragonfly ("Libellule" en anglais) est une mission d'exploration du système solaire de l'agence spatiale américaine, la NASA, dont l'objectif est d'étudier Titan, le plus gros satellite naturel de Saturne. Les caractéristiques de cette lune — atmosphère épaisse, lacs de méthane et d'éthane liquides, substances organiques complexes, cryovolcanisme, pluie de méthane — en font un monde d'un très grand intérêt sur le plan scientifique.

La mission spatiale exploite la présence d'une atmosphère dense (1,5 fois celle de la Terre) et d'une gravité inférieure à celle de la Lune : elle met en œuvre un aérobot de type aérogire d'une masse de 450 kg, qui effectuera de multiples vols de courte durée pour étudier la basse atmosphère et la surface de Titan. Pour disposer de suffisamment d'énergie pour fonctionner et survivre à une température moyenne de -180°C, l'engin spatial dispose d'un générateur thermoélectrique à radioisotope.

Dragonfly est un des deux finalistes retenus en décembre 2017 pour la quatrième mission du programme New Frontiers, qui regroupe des sondes spatiales chargées d'explorer le système solaire avec un coût plafonné à un milliard de dollars. La NASA sélectionne cette mission en juin 2019. Celle-ci doit décoller en 2028 et se poser sur Titan en décembre 2034.

Contexte

Titan : un monde océanique unique

La mission Cassini-Huygens, qui a étudié Titan entre 2004 et 2017, a révélé un monde d'un grand intérêt scientifique. Une chimie complexe et diversifiée reposant sur le carbone se déroule à la surface de cette lune de Saturne. On retrouve les mêmes processus que sur Terre mais le cycle du méthane remplace celui de l'eau. C'est un laboratoire naturel unique pour étudier la chimie prébiotique et pour rechercher des signatures de formes de vie basées sur les hydrocarbures. Il se peut que les matières organiques interagissent avec de l'eau liquide à la surface ou non loin de la surface accroissant la possibilité de l'apparition d'une chimie prébiotique. Des échanges pourraient avoir lieu avec un océan intérieur. Les mesures effectuées par les instruments de la mission ont laissé beaucoup d'inconnues sur la composition des matériaux en surface. Par contre, les scientifiques ont la certitude que celle-ci est très variable selon les lieux. Il est donc essentiel de collecter des données sur différents sites pour déterminer dans quelle mesure la chimie prébiotique a pu progresser dans des environnements géologiques différents. Compte tenu de cet objectif, la mobilité d'un engin spatial est essentielle pour pouvoir effectuer les mesures sur les différents sites[1].

Projets d'exploration précédents

Montgolfière des projets TANDEM et TSSM.

Avant même l'arrivée de Cassini-Huygens dans le système saturnien, des groupes de travail préparant pour la NASA le plan décennal d'exploration du système solaire de 2003 avaient identifié à la fois l'importance scientifique de la chimie à l’œuvre à la surface de Titan et le potentiel d'une mission exploitant la mobilité d'un aéronef. Les premiers scénarios de mission reposant sur des engins plus lourds que l'air et sur des hélicoptères datent de cette époque. Depuis la réception des premiers résultats fournis par Cassini-Huygens, plusieurs projets aux caractéristiques et aux coûts variables ont été proposés sans qu'aucun soit retenu[2] :

Historique du projet

La réactivation du programme New Frontiers

Après une pause d'un an imposée par des contraintes budgétaires, le programme New Frontiers de la NASA, qui rassemble des missions d'exploration du système solaire à coût intermédiaire, est réactivé début 2015. Un appel à propositions est lancé fin 2016. Il est prévu à l'époque qu'une présélection débouchant sur des études approfondies soit finalisée en novembre 2017 puis que la sélection finale soit effectuée en juillet 2019. Les propositions de mission doivent porter sur un des six thèmes énoncés dans le plan stratégique et le plan scientifique de la NASA de 2014[3] :

Sélection de Dragonfly

12 projets sont proposés. Dragonfly est le fruit des travaux d'une équipe du laboratoire Applied Physics Laboratory (APL) de l'Université Johns-Hopkins dans le Maryland dirigée par la planétologue Elizabeth Turtle (en). Le laboratoire APL joue un rôle de pointe dans la réalisation des satellites scientifiques et des sondes spatiales d'exploration du système solaire lancées par la NASA avec des missions comme MESSENGER (2004), première sonde spatiale à s'être placée en orbite autour de la planète Mercure, New Horizons (2006) première sonde spatiale à avoir étudié in situ la planète naine Pluton l'observatoire solaire Solar Probe Plus lancé en 2018, Europa Clipper (2023) (partenariat avec le Jet Propulsion Laboratory) chargée d'étudier la lune Europe de la planète géante Jupiter et DART (2020)[4].

Dragonfly est avec CAESAR (Mission de retour d'échantillons de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko) une des deux missions retenues en décembre 2017 pour la sélection finale qui doit avoir lieu en 2019[5],[4]. La mission Dragonfly est finalement sélectionnée le 27 juin 2019 bien que Titan ne fasse pas partie des destinations retenues par le dernier rapport décennal sur les sciences planétaires sur lequel la NASA doit normalement baser son choix. En sélectionnant cette mission l'agence spatiale a voulu réagir rapidement aux dernières découvertes effectuées sur cette lune par la mission Cassini Huygens et le télescope Hubble sans attendre la prochaine actualisation de ce rapport[6]. Le lancement de la mission est programmé initialement en 2026 mais en septembre 2020 la date est repoussée en 2027 pour prendre en compte des facteurs exogènes comme l'épidémie de COVID en cours. Malgré ce report l'arrivée à la surface de Titan reste programmée en 2034[7].

Objectifs de la mission

Durant sa mission, Dragonfly doit collecter les données suivantes[8]. :

Conception et construction de la sonde spatiale

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Site d'atterrissage

Le site d'atterrissage retenu est un champ de dunes situé près du cratère d'impact Selk (7° N, 199° O) de 90 kilomètres de diamètre. La région fait partie de l'immense champ de dunes de Shangri-La où s'était déjà posé l'atterrisseur européen Huygens. La sélection de ce site résulte d'un ensemble de contraintes[9],[10] :

Caractéristiques techniques

Architecture de l'aérobot

Dragonfly est comme ce drone, un octorotor utilisant des paires de rotor. Cette formule mécaniquement simple et disposant d'une redondance satisfaisante permet d'obtenir un aéronef très manœuvrant.

Pour pouvoir explorer plusieurs sites à la surface de Titan distants de 10 à 100 km entre eux, différents scénarios ont été étudiés. Le recours à plusieurs atterrisseurs nécessite de développer plusieurs copies des instruments scientifiques et du système d'acquisition avec un impact fort en termes de masse et donc de coût. L'approche la plus favorable consiste à utiliser un seul ensemble instrumental et à le déplacer d'un site à un autre. Plusieurs architectures d'aéronef ont été étudiées : hélicoptère, ballon gonflé à l'hélium ou à l'hydrogène, montgolfière (ballon à air chaud) et avion. La solution retenue exploite le fait que Titan a une gravité sept fois plus réduite que celle de la Terre et dispose d'une atmosphère quatre fois plus épaisse. Ces deux caractéristiques sont favorables à la mise en œuvre d'un engin volant plus lourd que l'air. Les ingénieurs ont choisi la formule de l'octorotor, aéronef équipé de huit rotors de 1 mètre de diamètre (deux à chaque coin de sa structure). C'est l'équivalent d'un quadrirotor mais la présence de paires de rotors fournit une redondance essentielle dans un contexte où aucune réparation ne peut être envisagée. Les déplacements de l'aéronef sont obtenus uniquement en faisant varier la vitesse de rotation d'un ou plusieurs rotors. Cette architecture, rendue possible par les progrès de l'électronique chargée du pilotage de la vitesse des rotors, permet d'obtenir un ensemble mécanique plus simple que celle d'un hélicoptère. La facilité de sa mise en œuvre est illustrée par la multiplication récente des drones de ce type. Cette formule permet de mieux contrôler les phases de vol et d'atterrissage. Par ailleurs un engin de ce type peut être facilement testé sur Terre. Son encombrement est compatible avec le volume disponible dans le module de descente chargé de le protéger durant la rentrée atmosphérique dans l'atmosphère de Titan[1].

Dragonfly, dont la masse serait d'environ 450 kg, peut effectuer des vols de quelques heures en pilotage automatique en utilisant une batterie électrique comme source d'énergie. Celle-ci est rechargée au sol à l'aide d'un générateur thermoélectrique à radioisotope embarqué. Durant la phase de vol, le drone analyse la composition de l'atmosphère et établit le profil vertical de celle-ci. Lorsqu'il est au sol, il étudie la composition des matériaux organiques et des glaces de la surface en utilisant un spectromètre de masse et un spectromètre gamma à neutrons actifs. Le drone dispose également d'instruments pour étudier la météorologie et effectuer des études sismiques[11].

Il avait été envisagé initialement de munir Dragonfly d'un système de flottaison pour que l'aérobot puisse se poser sur les lacs de méthane de Titan. Mais cette option a été abandonnée au profit d'un système d'atterrissage constitué par deux patins ne permettant de se poser que sur le sol ferme. La forme et la taille de l'aéronef ont dû prendre en compte le volume disponible dans le module de descente (diamètre externe 3,6 mètres dans le scénario proposé en 2017) chargé de protéger l'engin durant la rentrée atmosphérique sur Titan. En position de stockage dans le module de descente, les patins sont repliés. Le corps de l'aéronef est de forme rectangulaire avec le MMRTG fixé à l'arrière en position inclinée dans une configuration analogue à celle du MMRTG du rover Curiosity. Une antenne parabolique grand gain, utilisée pour les communications avec la Terre, est fixée sur la partie supérieure de l'aérobot. Lorsqu'elle n'est pas utilisée, elle est repliée. Deux systèmes de prélèvement d'échantillons du sol de Titan (un par patin), de conception très simple, permettent d'alimenter le spectromètre de masse. Il s'agit d'une foreuse disposant d'un actuateur avec un seul degré de liberté. La densité de l'atmosphère de Titan permet de convoyer pneumatiquement l'échantillon de sol prélevé, quelle que soit sa nature, par un système d'aspiration jusqu'à l'instrument effectuant son analyse[12].

Énergie

Un MMRTG similaire à celui visible ici (au centre de la photo) à l'arrière du rover Curiosity sur Mars pourrait être utilisé pour fournir l'énergie de l'aérobot Dragonfly.

L'énergie constitue la principale contrainte à laquelle doit faire face un aérobot sur Titan. L'énergie solaire disponible au niveau de l'orbite de cette lune est 100 fois moins importante que sur Terre[Note 1]. Par ailleurs, l'atmosphère épaisse et brumeuse de Titan filtre le rayonnement du Soleil divisant encore par 10 cette faible quantité d'énergie solaire. Les besoins en énergie sont accrus par la température particulièrement basse (94 kelvin soit -179 °C en moyenne) qui nécessite de produire de la chaleur pour maintenir en fonctionnement de nombreux composants de l'aérobot. Dans ces conditions le recours à un générateur thermoélectrique à radioisotope (MMRTG), produisant de l'énergie électrique par conversion de l'énergie thermique résultant de la désintégration radioactive de plutonium 238 constitue la seule option disponible. Le programme New Frontiers met à disposition de la mission qui sera retenue trois MMRTG analogues à celui utilisé par le rover Curiosity sur Mars. Chaque MMRTG fournit en début de vie 2 000 watts thermiques convertis en 120 watts électriques. Compte tenu de leur masse unitaire, il ne peut pas être envisagé d'utiliser plus d'un MMRTG sur Dragonfly. La durée du transit entre la Terre et Titan (environ 9 ans) qui entraînera une diminution sensible de l'énergie produite et le retour d'expérience pour l'instant limité à 5 ans sur Curiosity, ont incité les concepteurs de Dragonfly à tabler sur la production de 70 watts électriques. L'énergie thermique non convertie en électricité sera utilisée pour maintenir l'intérieur de l'aéronef et en particulier les batteries à des températures suffisamment élevées. D'épaisses couches d'isolant thermique envelopperont le corps de l'aéronef. Seul le capteur de l'instrument DraGNS qui, dans des conditions normales nécessite un cryoréfrigérateur, sera exposé sans aucune protection thermique[13].

La consommation électrique générée par la collecte et l'analyse chimique des échantillons du sol est importante mais porte sur des durées relativement brèves. Ce sont les activités de collecte continue de données (données météorologiques et sismiques) qui, bien que nécessitant une puissance électrique faible, demandent le plus d'énergie en ce qui concerne la charge utile. Pour les télécommunications réalisées par l'intermédiaire d'une antenne parabolique à grand gain, 5 millijoules d'énergie sont nécessaires pour transmettre 1 bit d'information à la Terre. La transmission de 10 gigabits de données (soit 100 fois plus que ce que Huygens a envoyé à la Terre en utilisant le relais de Cassini) nécessite donc 140 kWh soit environ 80 jours de production du MMRTG. Le jour sur Titan dure 384 heures (16 jours terrestres). Au niveau de Titan, la Terre se trouve pratiquement dans la même direction que le Soleil (l'écart se maintient dans un angle compris entre 0 et 6°). Les communications avec la Terre se font donc uniquement de jour et la nuit est donc consacrée à la recharge des batteries. Malheureusement, du fait de sa durée (192 heures), il faudrait disposer d'une batterie de 140 kg pour stocker toute l'énergie produite ce qui dépasse largement les contraintes de masse de la mission. Les concepteurs de la mission ont donc accepté qu'une partie de l'énergie produite durant la nuit ne soit pas stockée pour son utilisation dans la journée[14].

Performances en vol et aérodynamisme

L'atmosphère de Titan est beaucoup plus dense (x 4,4) et plus froide que celle de la Terre. Elle est composée à 95 % d'azote ce qui abaisse sa viscosité. En conséquence, le nombre de Reynolds de Dragonfly sur Titan est plusieurs fois plus élevé que s'il volait sur Terre. Le profil des pales des rotors est adapté pour optimiser son efficacité et il est proche de celui adopté par les pales des éoliennes terrestres ce qui présente l'avantage d'accroitre sa robustesse. Dans l'atmosphère de Titan, la vitesse du son est de 194 m/s, contre 340 m/s sur Terre, ce qui limite à la fois la vitesse de rotation des rotors et la longueur des pales. En pratique, cette contrainte a un impact réduit sur les performances de l'aéronef. Compte tenu de ces caractéristiques, Dragonfly (masse environ 450 kg) pourra atteindre une vitesse maximale en vol de 10 m/s (36 km/h). Pour un vol sur une distance d'environ 40 km, la consommation électrique serait d'environ 2 kWh. Une batterie d'environ 30 kg, avec une densité énergétique de 100 Wh/kg, permettrait donc de franchir 60 km. L'énergie nécessaire pour un vol ne croît pas de manière linéaire par rapport à la masse de l'aéronef mais en portant cette valeur à la puissance 1,5 ce qui constitue une des caractéristiques limitant la masse de Dragonfly. Malgré la vitesse maximale modeste envisagée, les concepteurs de l'aéronef ont soigné son aérodynamisme qui constitue un facteur de consommation électrique significatif dans l'atmosphère épaisse de Titan. Pour limiter les forces de trainée, la face avant de l'aéronef présente une forme aérodynamique, un carénage enveloppe les foreuses fixées sur les patins et l'antenne parabolique est repliée à plat pont en vol. L'aéronef pourra être utilisé pour réaliser des sondages verticaux de la basse atmosphère jusqu'à une altitude d'environ 4 km. Le mode de propulsion permet une ascension verticale mais interdit une descente verticale. Le modèle de circulation atmosphérique de Titan établi à l'aide des données recueillies par la sonde spatiale Cassini prédit des vents dont la vitesse atteint au maximum de 1 à 2 m/s. Ceux-ci ne devraient donc avoir qu'un impact mineur sur la distance franchissable par Dragonfly[15].

Instruments scientifiques

L'aérobot embarque une charge utile qui reprend par bien des aspects, un sous-ensemble des instruments sélectionnés par la NASA dans le cadre du projet Titan Explorer de 2007. Il permet de recueillir des données géophysiques, de réaliser des photos et de collecter des données météorologiques ainsi que d'étudier les principales caractéristiques de la chimie de la surface. La mesure de l'hydrogène atmosphérique, indice éventuel d'une activité biologique, ainsi que la possibilité de déterminer rapidement les éléments chimiques présents à la surface sans avoir à prélever d'échantillon grâce à une mesure du rayonnement gamma stimulé par un bombardement de neutrons, constitue une nouveauté par rapport à la proposition de 2007[16]. La charge utile comprend quatre suites instrumentales[17] :

Déroulement de la mission

Arrivée sur Titan

Vers l'équateur de Titan, on trouve des champs de dunes (en bas sur l'image) similaires à ceux de Namib en Afrique du Sud (en haut sur l'image) qui pourraient constituer une zone d'atterrissage convenant à la fois aux contraintes techniques et aux objectifs scientifiques.

Titan dispose d'une atmosphère dense et épaisse qui impose une contrainte réduite sur l'angle d'arrivée de la sonde spatiale lorsqu'elle entame sa rentrée atmosphérique. En 2005, l'atterrisseur Huygens a plongé dans l'atmosphère de Titan avec une incidence de 65° (donc plus proche de la verticale que de l'horizontale) alors que les engins spatiaux atterrissant sur Mars sont obligés de pénétrer dans l'atmosphère peu dense et de faible épaisseur de cette planète avec une incidence rasante (angle d'environ 15°)[18]. Cette caractéristique permet de disposer d'une grande latitude pour sélectionner le site d'atterrissage qui sera situé dans une zone formée d'anneau de grande taille déterminé par le point d'entrée dans l'atmosphère. Pour limiter la vitesse d'arrivée et ainsi réduire l'épaisseur du bouclier thermique du module de descente, le scénario le plus favorable consisterait à atterrir sur la face arrière de Titan[Note 2], toutefois le gain de masse serait relativement faible. Si la sonde spatiale arrive au milieu de la décennie 2030, l'atterrissage devra se faire à une latitude basse pour que les communications avec la Terre puissent se faire dans de bonnes conditions. Compte tenu de la date d'arrivée, la sonde spatiale sera confrontée à des conditions météorologiques similaires à celles rencontrées par l'atterrisseur Huygens (saison et latitude identiques). Un atterrissage non loin de l'équateur est le scénario préféré à la fois des scientifiques et des ingénieurs. Cette région est caractérisée, selon les relevés (notamment radar) de Cassini Huygens, par des terrains peu accidentés donc limitant les risques à l'atterrissage. La région est couverte de dunes espacées atteignant une altitude maximale de 150 mètres avec des pentes douces (environ 5°) formant un paysage assez analogue à celui de la mer de sables de Namib en Afrique du Sud. Si ces caractéristiques sont complètement similaires, environ 95 % de la surface devrait comporter des pentes inférieures à 6 % laissant donc beaucoup de latitude dans le choix du site d'atterrissage pour un engin conçu pour accepter une pente pouvant atteindre 10°. Par ailleurs, durant la phase finale de l'atterrissage, l'aérobot fera fonctionner ses rotors ce qui lui donnera du temps pour sélectionner le site d'atterrissage le plus propice d'après les analyses de terrain effectuées à l'aide de son radar[19].

Exploration de Titan

Une fois au sol, Dragonfly utilisera progressivement sa capacité à se déplacer en augmentant à chaque fois la distance, la durée et l'altitude des vols. Il pourra commencer par des déplacements de quelques mètres vers des emplacements dont les caractéristiques sont connues par les images prises par ses caméras. En fonction de la diversité des sols autour du site, il pourra éventuellement ainsi analyser différents types de sol. Pour valider les performances des capteurs de l'aéronef, les premiers déplacements lointains pourront se faire d'abord en se basant sur des données fournies par les capteurs inertiels avant d'exploiter la navigation optique reposant sur l'analyse des images prises une fois qu'aura été dressé un catalogue de points de repères dans la région alentour[20].

La stratégie d'exploration combinera la prise de photos aériennes de zones d'atterrissage potentielles au cours de vols de reconnaissance et l'analyse des images par les équipes sur Terre pour identifier des sites à la fois intéressants et présentant un risque limité. À chaque fois qu'il atterrit, l'aérobot déploie son antenne parabolique grand gain et commence à transmettre en priorité les photos aériennes effectuées ainsi que ses paramètres de fonctionnement durant le vol. Dès l'atterrissage, la consistance du terrain est analysée à l'aide des capteurs fixés sur les patins. Au bout de quelques heures, le spectromètre gamma a déterminé la composition chimique du sol alentour permettant de classer le terrain dans une des grandes catégories identifiées sur Titan (par exemple dunes de sable organique, glace d'eau, hydrates d'ammoniac gelé...). À l'aide de ces données et des images du site prises par les caméras, l'équipe scientifique au sol déterminera s'il faut effectuer le prélèvement d'un échantillon du sol avec l'une des deux foreuses et son analyse par le spectromètre de masse. Cette activité consommatrice d'énergie pourra être effectuée de nuit si les batteries disposent de l'énergie nécessaire. Les autres activités pouvant être réalisées durant la nuit sont le recueil des données sismiques et météorologiques et la prise d'images du sol en utilisant les projecteurs. Les photos prises de nuit permettront de déterminer avec plus de précision la couleurs des matériaux en surface que les photos de jour éclairées par une lumière solaire filtrée par l'épaisse atmosphère et tirant sur le rouge[21].

La durée de la mission primaire est de 2,7 ans (année terrestre) au cours de laquelle l'aérobot devrait parcourir 175 km. La durée de vie de Dragonfly par son générateur thermoélectrique à radioisotope (MMRTG) dont la capacité à produire de l'énergie électrique diminuera au fur et à mesure de la désintégration radioactive du plutonium 238. Le MMRTG produira suffisamment d'énergie pour permettre à l'aérobot de fonctionner durant 8 ans sur Titan[6].

Notes et références

Notes

  1. L'énergie solaire disponible décroit proportionnellement au carré de la distance du Soleil : la Terre est à 1 Unité Astronomique (U.A.) de cet astre tandis que Saturne et ses lunes se trouvent à une distance comprise entre 9 et 10 U.A.
  2. Titan est en rotation synchrone autour de Saturne c'est-à-dire que la face tournée vers cette planète est toujours la même (comme notre Lune par rapport à la Terre). Il y a donc une face avant (celle située dans la direction du déplacement) et une face arrière. En atterrissant sur la face arrière, la vitesse d'arrivée de la sonde spatiale est diminuée de la composante, parallèle à sa trajectoire, de la vitesse de déplacement de Titan sur son orbite.

Références

  1. a et b (en) E.P. Turtle, J.W. Barnes, M.G. Trainer, R.D. Lorenz, S.M. MacKenzie, K.E. Hibbard, D. Adams, P. Bedini, J.W. Langelaan, K. Zacny, « Exploring Titan's Prebiotic Organic Chemistry and Habitability », sur Lunar and Planetary Science Conference, The Planetary Society, .
  2. Lorenz 2017, p. 4.
  3. (en) « NASA New Frontiers Program AO released », Lunar and Planetary Institute, .
  4. a et b (en) Nola Taylor, « 'Dragonfly' Drone Could Explore Saturn Moon Titan », sur space.com, .
  5. (en) « NASA Invests in Concept Development for Missions to Comet, Saturn Moon Titan », NASA, .
  6. a et b (en) Jason Davis, « NASA Greenlights Dragonfly, a Quadcopter Mission to Titan », The Planetary Society,
  7. (en) Jeff Foust, « NASA delays Dragonfly launch by a year », sur SpaceNews,
  8. (en) Applied Physics Laboratory, « What Is Dragonfly? », sur Site officiel de la mission (APL) (consulté le ).
  9. Selection and Characteristics of the Dragonfly Landing Site near Selk Crater, Titan, p. 1-4
  10. (es) Daniel Marin, « Dragonfly: estudiando los mayores campos de dunas del sistema solar », sur Eureka,
  11. (en) Van Kane, « Here's what we know about the 12 proposals for NASA's next New Frontiers mission », The Planetary Society, .
  12. Lorenz 2017, p. 3-4.
  13. Lorenz 2017, p. 5.
  14. Lorenz 2017, p. 5-6
  15. Lorenz 2017, p. 6-7
  16. Lorenz 2017, p. 4
  17. Lorenz 2017, p. 6
  18. (en) Robert D. Braun et Robert M. Manning, « Mars Exploration Entry, Descent, and Landing Challenges », Journal of Spacecraft and Rockets, vol. 44, no 2,‎ , p. 310-323 (DOI 10.2514/1.25116, lire en ligne).
  19. Lorenz 2017, p. 6-7
  20. Lorenz 2017, p. 7.
  21. Lorenz 2017, p. 8-9

Sources

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

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