Classé MH (1951, immeuble de la chambre à gaz) Classé MH (2011, ensemble du périmètre de l'ancien KL (hôtel du Struthof et annexe, double enceinte intérieure et extérieure, Kartoffelkeller, Villa Ehret, Ravin de la Mort, blocks, sablière, chemin des Déportés), carrière (vestiges des constructions, galeries creusées), tous les chemins terrassés, château d'eau, transformateur électrique)
Notes
Le Struthof est avec Mauthausen l’un des camps les plus meurtriers du système concentrationnaire nazi, avec un taux de mortalité de plus de 40 %.
Environ 52 000 prisonniers y auraient été détenus pendant son activité[5]. Les prisonniers appartenaient principalement aux mouvements de résistance des territoires occupés par les Allemands. C'était un camp de travail, un camp de transit et, au fur et à mesure de la guerre, un lieu d'exécution. Certains sont morts des efforts de leur travail et de la malnutrition. On estime à 22 000 le nombre de morts dans le camp, y compris son réseau de sous-camps[6]. De nombreux prisonniers ont été transférés dans d'autres camps. En 1944 en particulier, l'ancien chef du camp de concentration d'Auschwitz fut amené pour évacuer les prisonniers de Natzweiler-Struthof vers Dachau à l'approche des armées alliées. L’anatomiste August Hirt a mené une étude pour constituer une collection de squelettes juifs au camp. Un film documentaire a été réalisé sur les 86 hommes et femmes nommés qui ont été tués dans le cadre de ce projet. Certaines des personnes responsables des atrocités commises dans ce camp ont été traduites en justice après la fin de la guerre.
Un camp de concentration nazi en Alsace
Peu après l'annexion de l'Alsace et de la Moselle en 1940 par le Reich nazi, Himmler, alors chef de la Gestapo, et Oswald Pohl, chef principal d’économie de la SS eurent l'idée d'installer des camps à proximité de carrières afin d'y faire travailler les déportés dans le cadre de la Deutsche Erd- und Steinwerke GmbH (DEST), entreprise minière SS créée par Himmler. C'est au cours d'un voyage d'observation qu'Albert Speer, architecte et ministre du Reich, nota la présence dans la région d'un granit rose extrêmement rare. La décision fut alors prise d'y installer un camp visant à l'extraction du granit par les déportés. C'est le géologue colonel SS Karl Blumberg qui trouva le meilleur site pour l'extraction dudit granit et qui détermina l'emplacement du futur camp[7].
Sous le nom de « KL Natzweiler-Struthof », le camp est officiellement ouvert le . Environ 80 SS en assurent alors l'encadrement et l'administration[8]. À la fin de l’année, 539 détenus sont immatriculés à Natzweiler, venus de Sachsenhausen, Dachau et Buchenwald. Dans leur majorité, il s'agit d'Allemands (ou assimilés) déportés de droit commun et asociaux. Natzweiler-Struthof n'est encore qu'un Geschlossenes Lager (« camp fermé ») et ne peut recevoir d’autres détenus que ceux déjà internés dans un autre camp.
En septembre 1942, il devient un « camp d’affectation » (Einweisungslager) : les détenus peuvent lui être directement affectés par les services de police. Les effectifs commencent à croître et un premier kommando (camp annexe) ouvre à Obernai le 15 décembre.
En 1943, les immatriculations quadruplent (4 089) et le camp est achevé dans sa construction en octobre. Toute l’Europe y est présente. Polonais et Soviétiques forment désormais 35 % de l’ensemble des détenus. Les Allemands et assimilés régressent (22 %) tandis que la part des détenus d’Europe occidentale augmente : Français, Norvégiens, Néerlandais. Les détenus politiques sont devenus largement majoritaires.
L'année 1944 connaît une forte envolée du nombre d'immatriculations : du 1er janvier au 31 août 1944, 23 199 arrivées sont enregistrées, et le KL reçoit désormais des convois de femmes. Natzweiler-Struthof devient avant tout un sas de passage et de tri avant une affectation dans un de ses camps annexes. De fait, la grande majorité des détenus alors immatriculés par le sigle administratif « KL-Na » ne connaissent pas le camp-souche. Au 2 septembre 1944, sur les 23 199 immatriculations enregistrées depuis le mois de janvier de la même année, 18 151 (dont 2 398 femmes juives) sont détenus dans un camp extérieur et on peut estimer à 12 000 ceux qui n’y sont jamais passés[9].
Alors qu'il était initialement prévu pour recevoir un total de 2 000 prisonniers, le camp-souche du KL en compte près de 7 000 à la fin du mois d'août 1944.
Il se trouve au centre d'un complexe comprenant environ 70 kommandos (camps annexes) répartis en Alsace, en Moselle, et surtout en Allemagne.
Le camp-souche fonctionne jusqu'à son évacuation par les SS au début du mois de septembre 1944. Face à l'avance des troupes alliées est en effet prise la décision d'en transférer les détenus vers le camp de Dachau[10].
Le , la 6e armée américaine pénètre dans un KL totalement vidé de ses occupants.
Le KL Natzweiler-Struthof est le premier camp de concentration nazi découvert par les forces alliées à l'Ouest de l'Europe.
Après l'évacuation du camp-souche, l'administration SS s'installe dans le camp annexe de Guttenbach. Les kommandos du Struthof situés à l'est du Rhin continuent de fonctionner, toujours sous la dénomination de KL Natzweiler-Struthof, et à recevoir de nombreux déportés jusqu'à la capitulation allemande[7].
Les détenus
À l'instar des camps de Mauthausen et de Gusen, le KL Natzweiler-Struthof était classé « Camp de niveau III » (Lagerstufe III)[11], ce qui signifiait qu'il était destiné à être l'un des camps les plus durs du système concentrationnaire. Son objectif était l'anéantissement des « ennemis politiques incorrigibles du Reich ».
Ils ont été arrêtés pour des motifs divers. Les premiers déportés du camp sont essentiellement allemands, déportés de droit commun, « asociaux », Roms ou déportés politiques. À partir de 1942, parmi les déportés on trouve des Soviétiques, parfois prisonniers de guerre, des Polonais et quelques déportés originaires des territoires annexés par le IIIe Reich : Tchèques, Alsaciens, Lorrains[12]. En 1943, arrivent en grand nombre des déportés luxembourgeois, puis des Résistants de différentes nationalités, venant de divers camps de concentration ou prisons en Europe : Belges, Néerlandais, Norvégiens et Français. Parmi ces derniers, de nombreux militaires, notamment membres de l'Armée secrète et de l'Organisation de résistance armée, sont aussi déportés au camp de Natzweiler. Les résistants Alsaciens et Mosellans, tel que La Main Noire de Marcel Weinum, sont eux, principalement internés au camp de Schirmeck. En , le premier convoi de déportés NN français arrive à Natzweiler. Arrêtés comme Résistants, ces derniers tombent sous le coup des décrets allemands de 1941 dit « Nacht und Nebel » (« Nuit et brouillard »). Ces décrets visent à faire disparaître les Résistants et, de manière générale, tous les opposants à la force d'occupation allemande. Emprisonnés ou déportés, complètement coupés du monde extérieur, ils sont voués à une mort lente par le travail, l'épuisement, la faim, les maladies. Certains déportés passent ensuite en jugement devant le tribunal de Breslau ; d'autres sont maintenus dans les camps. Leur famille et connaissances n'ont plus aucune nouvelle d'eux.
Les juifs (déportés pour raisons raciales ou faits de résistance) représentent 11% du nombre total des détenus du Natzweiler-Struthof[13]. Pour la plupart originaires de Hongrie et de Pologne, ils arrivent à partir de 1944 et sont affectés dans des camps annexes[12].
Les conditions inhumaines de travail et de détention, la malnutrition, les sévices des kapos et des SS ainsi que les nombreuses exécutions par balle ou pendaison[14] ont provoqué la mort de milliers de détenus. L'évacuation des derniers kommandos du KL-Natzweiler, lors des « marches de la mort », a, elle, coûté la vie à environ 5 000 déportés.
Dirigé d' à par Joseph Kramer, de sinistre réputation, le Natzweiler-Struthof est avec Mauthausen l'un des camps les plus meurtriers du système concentrationnaire nazi, avec un taux de mortalité de plus de 40 %)[15] (à titre de comparaison, celui-ci est de près de 25% pour le camp de Buchenwald et d'environ 20% pour le camp de Dachau[réf. nécessaire].
Les exécutions massives
Le camp a par ailleurs servi de lieu d'exécution pour de nombreux résistants issus de la majeure partie des pays occupés par l'Allemagne nazie et condamnés par la Gestapo. Le déporté Aimé Spitz témoigne : « Hors du camp, à quelque 100 mètres, se trouvait une sablière. C'est là qu'environ cinq cents camarades furent fusillés, soit à coups de mitraillette, soit à coups de revolver dans la nuque. Un soir de printemps 1944, après 18 heures, onze Luxembourgeois appartenant à la Résistance furent fusillés dans cette sablière. Ce genre d'exécution, ordonnée par le ministère de la Sûreté d'État de Berlin, avait lieu le soir après l'appel. Chaque fois que nous apercevions le soir des arrivants devant la Schreibstube (secrétariat du camp), nous savions qu'il s'agissait d'une Sonderbehandlung (traitement spécial). Ce genre de détenus ne figurait pas, la plupart du temps, dans le fichier du camp. Ils étaient amenés par la Gestapo pour être exécutés. Leurs corps étaient ensuite transportés au crématoire, de sorte qu'il n'y avait de trace nulle part[16]. »
Les exécutions de ce type ne sont en effet la majeure partie du temps pas répertoriées dans les registres du camp, ce qui rend difficile, voire impossible, le comptage rigoureux et l'identification des victimes[17].
Peuvent néanmoins être mentionnés les faits suivants :
les 17 et 24 février 1943, quatorze jeunes gens originaires de Ballersdorf dans le Haut-Rhin sont fusillés à la carrière pour avoir refusé leur incorporation de force dans la Wehrmacht et tenté de quitter la zone annexée[18] ;
Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1944, un avion anglais Lancaster s'écrase au pied du mont Sainte-Odile. Le sergent Frederic Harold Habgood (21 ans) a sauté en parachute de l'avion avant qu'il ne s'écrase et atterrit au Langen Weg, à Ottrott. Il est alors pris en charge par la population pour être remis à la Résistance. Dénoncé à la Gestapo, il est interné au camp de Schirmeck, d'où il parvient à s'échapper. Le SS Peter Straub le capture à Niederhaslach et le fait exécuter par pendaison le 31 juillet 1944 au KL Natzweiler-Struthof. Son corps n'a jamais été retrouvé[19] ; la découverte en 2018 de sa plaque d'identité dans la fosse aux cendres du camp confirme que celui-ci a été incinéré rapidement après son décès[20],[21].
Face à l'avancée des troupes alliées, les SS commencent à massacrer systématiquement certains détenus, particulièrement les résistants français, qui arrivent en grand nombre au camp du 31 août au 2 septembre 1944. Ainsi, dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1944, 107 résistants du Réseau Alliance et 33 membres du Groupe mobile Alsace-Vosges sont envoyés au Struthof pour y être exécutés d'une balle dans la nuque, puis immédiatement incinérés dans le four crématoire. En trois jours, ce seraient 392 prisonniers (92 femmes et 300 hommes)[22] qui auraient été assassinés au Struthof, parmi lesquels le maire de la ville de la Rochelle le colonel Léonce Vieljeux[23].
Le camp est aussi connu pour des « expériences » pseudo-scientifiques qui y furent pratiquées sur des détenus[24]. À cet effet avait été aménagée une salle de dissection.
Une chambre à gaz était située en contrebas du Struthof ; elle a été construite entre le 3 et dans une dépendance de l'ancien hôtel[25],[26]. Elle est utilisée du 11 au 19 août 1943 pour l'exécution de détenus juifs : 57 hommes et 30 femmes, internés à Auschwitz, sont envoyés au camp du Struthof pour y être assassinés avec des sels cyanhydriques[27]. Une femme ayant été préalablement exécutée par balle pour rébellion, ce sont finalement 86 personnes de « race juive » qui sont gazées personnellement par le commandant SS du camp, Joseph Kramer. Lors de son procès, Kramer ne parle pas des classiques petits cailloux gris bleuâtre qui servent à décrire le Zyklon B, mais d'une poudre blanche dans un flacon que lui a donné un professeur de la Reichsuniversität de Strasbourg (August Hirt), et il a fallu un écoulement d'eau pour obtenir un dégagement gazeux ; selon Kogon[28],[29], il s'agit probablement d'un autre composé cyanhydrique concocté par ce professeur Hirt, cyanure de potassium ou de sodium avec un acide organique, cette composition dégageant de l'acide cyanhydrique en présence d'eau[30]. Le professeur August Hirt, SS-Hauptsturmführer et proche de Heinrich Himmler, avait pour objectif, à travers ces gazages, de constituer une collection de « crânes de commissaires bolcheviks juifs »[31] pour l'Institut anatomique de Strasbourg[32],[33], avant que « la race juive » ne soit anéantie[34] ; en effet, Himmler « faisait des études sur les crânes de « commissaires judéo-bolchéviques » destinés à permettre une définition typologique du « sous-homme » »[35].
Le professeur August Hirt mena aussi de nombreuses expérimentations sur l'utilisation du gaz moutarde[24]. En novembre 1942 notamment, il inocule des doses mortelles sur des détenus. Sur un premier groupe de quinze personnes, il teste un antidote sur dix d’entre elles, et laisse cinq « témoins » sans protection. Sept prisonniers meurent. Pour avoir un résultat statistiquement significatif, il recommence l’expérience sur 150 personnes dont près de quarante meurent selon les témoignages. On n’en sait pas plus sur ces expériences, tous les documents sur ses recherches furent brûlés avant la libération de Strasbourg[36].
La chambre à gaz a été par la suite utilisée pour quinze expériences de toxicité du gaz phosgène par un virologiste, Otto Bickenbach, sur des détenus de droit commun et des Roms[37].
Un autre médecin SS, le professeur Eugen Haagen, a pratiqué au Struthof des injections de lèpre, peste et autres maladies sur des détenus de manière à observer les effets de ces contaminations ; plusieurs traitements étaient essayés pour une même maladie. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas morts, ils étaient assassinés et incinérés.
Afin de mener à bien ses expériences sur le typhus, Von Haagen se fait aussi remettre environ 200 Roms arrivés directement d'Auschwitz au Struthof durant les mois de novembre et décembre 1943. Début 1944, les Tziganes sont mis à sa disposition. 150 d'entre eux sont immunisés contre le typhus exanthématique, les 50 restants étant réservés comme témoins. À l’ensemble des 200 cobayes est ensuite inoculé par scarification au bras le germe du typhus[30].
Les diverses séries d'expériences font des centaines de victimes parmi les déportés du camp. Elles entraînent en outre une épidémie de typhus en mai 1944[38].
Les déportés Nacht und Nebel (NN)
Le KL-Natzweiler reçoit à partir de juin 1943 de nombreux déportés "Nacht und Nebel" (ou "NN", Nuit et brouillard). Ceux-ci proviennent de toute l'Europe et sont soumis en tant qu'opposants à l'Allemagne nazie à un régime particulièrement cruel.
À titre d'exemple, on peut citer le cas des déportés Nacht und Nebel norvégiens du Struthof, arrivés au camp entre le et le mois d'août 1944. Sur un total de 504 déportés, seuls 268 ont survécu et pu rejoindre la Norvège après la guerre (8 d'entre eux devant par la suite décéder dans les jours qui ont suivi leur retour)[39].
Afin de les distinguer des autres détenus du camp qui portent la tenue de bagnard rayée, ces déportés "Nacht und Nebel" doivent revêtir d'anciens vêtements civils sur lesquels sont peints en couleurs vives les lettres "NN", ce qui les rend particulièrement vulnérables face à la brutalité des kapos et des gardiens SS[40].
À propos des déportés « Nacht und Nebel », le Dr Goude, rescapé du camp du Struthof, témoignera plus tard[41] :
« J'arrivai au camp du Struthof le 19 mai 1944 avec un groupe de sept intellectuels. À notre entrée nous fûmes tout de suite impressionnés par nos frères de misère. Leurs démarches d'automates, la fixité de leurs regards, leur aspect squelettique indescriptible et inégalé ailleurs. J'ai connu beaucoup de camps (Buchenwald, Natzwiller, Wesseling, Dachau, Auschwitz), nulle part je n'ai ressenti de pitié plus douloureuse qu'au Struthof. Ce qui nous intrigua dès l'abord, ce furent d'immenses lettres : N N barbouillées en rouge sur les vêtements… »
« ... C'étaient des hommes complètement retranchés du monde civilisé. Ils ne recevaient ni courrier, ni colis, ni nouvelles extérieures. C'était l'abrutissement complet, le travail forcené, la furieuse brutalité des kapos et des chefs de blocks. Les détenus ne bénéficiaient pas des cinq heures effectives de sommeil ; la vermine se chargeait de les troubler. Le repos dominical de l'après-midi était supprimé. Mais, en revanche, la schlague toute la journée — les chiens constamment sur les talons — la hantise de la moindre défaillance, la pitance diminuée, l'absence totale, au début, de soins médicaux, les redoutables expériences, dites scientifiques, les greffes humaines et les chambres à gaz[42]. »
Inversement, de l'intérieur du camp, le Tchèque François Kozlik (matricule 980), décrit ainsi l'étonnement des déportés lorsqu’arrive au camp, le 3 juillet 1943, le premier transport de NN Franzosen (Français Nacht und Nebel), déportés politiques, porteurs du triangle rouge :
« Ces Français Nacht und Nebel, c'étaient des prêtres portant la soutane, des officiers supérieurs, c'étaient, comme on le sut plus tard, des médecins, des ouvriers, des paysans. Presque sans exception des Français de la Résistance. Généralement chargés de bagages de bonne apparence. »
Puis, après avoir quelque temps observé ces prisonniers d'un nouveau genre, Kozlik ajoute :
« Il est presque incroyable [de constater] de quelles réserves de forces l'être humain dispose. [...] Car la tenue de ces Français, la manière dont ils serraient les dents, le courage avec lequel ils se chargeaient de travaux impossibles à exécuter, la discipline avec laquelle ils sortaient par le portail, tous en rang, le corps redressé, le visage décomposé, d'une pâleur mortelle, enflé et ensanglanté, mais tenant droit la tête dans un effort farouche, émurent même le plus endurci des internés, qui ne pouvait cacher son admiration.[43] »
Le 24 septembre 1943, Himmler donne l'ordre aux commandants des KL de transférer au Struthof tous les déportés NN qu'ils détiennent. Cet ordre est renouvelé le 20 mai 1944, mais ne sera jamais complètement exécuté, la procédure Nuit et brouillard étant abandonnée peu après par le régime nazi[44].
De juin 1943 à l'arrivée du dernier convoi Nacht und Nebel au camp (en août 1944), ce sont 2 443 déportés "NN" qui sont passés par le KL-Natzweiler[45],[46].
Jacques Degrandcourt, résistant français fondateur du groupe Melpomène, y meurt d'épuisement le 15 février 1945 (dans le camp annexe de Vaihingen)
René Renard, résistant français membre des FTP, y décède le 26 juillet 1943
le résistant norvégien Trygve Bratteli. Libéré du camp annexe de Vahingen le 5 avril 1945 par les troupes alliées, il deviendra par la suite Premier Ministre de la Norvège de 1971 à 1972, puis de 1973 à 1976
Max Heilbronn, créateur des magasins Monoprix et résistant français de confession juive y a été interné en 1944 avant d'être transféré à Allach (kommando du camp de Dachau)
Roger Linet, syndicaliste membre des FTP, transféré au camp de Dachau d'où il sera libéré par les troupes alliées le 29 avril 1945
Gilbert May, résistant français du mouvement Libération-Sud, transféré à Augbsourg (dans un kommando de Dachau). Il est l'un des rares juifs alsaciens à avoir été déporté au Natzweiler-Struthof.
François Faure, résistant français membre de la Confrérie Notre-Dame, transféré à Dachau d'où il fut rapatrié le 15 mai 1945. Il est le fondateur en 1950 de l'Amicale des déportés de Natzweiler-Struthof
le résistant belge Albert Guérisse, transféré à Dachau d'où il est libéré par les troupes alliées le 29 avril 1945
Henri Chas, chef de l'armée secrète de Haute-Loire puis des Corps francs de la Libération de la région R5, transféré à Dachau.
Le camp après la guerre
La guerre finie, le Struthof devient un centre provisoire de détention pour des prisonniers de guerre, des Alsaciens suspectés de collaboration pendant l'annexion, et des collaborateurs condamnés par la justice française. L'un des premiers directeurs de ce centre fut Jean de Poligny, alias capitaine Rivière, qui était un ancien résistant jurassien, l'un des fondateurs du Groupe Mobile Alsace (GMA) Vosges.
En 1957, une scène du film Le Bal des maudits avec Marlon Brando y est tournée. Certains des figurants étaient d'anciens détenus du camp.
Procès postérieurs à la guerre
Entre le mois de juin 1954 et le mois de mai 1955 se déroule devant les tribunaux militaires de Metz puis de Paris le procès du Struthof, durant lequel sont jugés les principaux responsables SS du camp.
Plusieurs autres procès ont lieu après la guerre pour juger d'autres dirigeants du Struthof et de ses kommandos[47].
Sont notamment jugés :
Joseph Kramer, commandant SS du camp d'octobre 1942 à mai 1944. Fait prisonnier par les Britanniques au camp de Bergen-Belsen dont il assurait le commandement après avoir quitté le Struthof ; condamné à mort au procès de Belsen à Lunebourg et pendu à la prison de Hamelin le 13 décembre 1945[47] ;
Friedrich Hartjenstein, qui avait repris la direction du KL-Natzweiler après le départ de Joseph Kramer ; condamné à mort, il décède en prison le 20 octobre 1954, avant son exécution ;
Heinrich Schwarz, dernier commandant du KL Natzweiler-Struthof (qu'il dirigea de février à avril 1945) ; condamné à mort et exécuté le 20 mars 1947.
Hans Hüttig, tout premier commandant du camp (d'avril 1941 à mars 1942). Condamné à la prison à perpétuité à Metz le 2 juillet 1954, il est amnistié en 1956.
Egon Zill, commandant du camp de mai à septembre 1942. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par un tribunal de Munich, sa peine a été réduite en appel à 15 ans en 1955.
Au terme du procès de Rastatt sont condamnés à mort, le , dix-neuf dirigeants SS des kommandos du KL Natzweiler-Struthof[47].
Le 20 décembre 1952 s'ouvre devant le Tribunal militaire français de Metz le procès des médecins SS Otto Bickenbach et Eugen Haagen. Tous les deux sont condamnés le 15 mai 1954 à 20 ans de travaux forcés, puis amnistiés l'année suivante. Le professeur August Hirt y est condamné à mort par contumace le 23 décembre 1953 (considéré comme en fuite depuis la fin de la guerre, il s'est en fait suicidé le 2 juin 1945)[48].
Lors du procès de Wuppertal (mai-juin 1946) sont jugés les SS impliqués dans l'assassinat en juillet 1944 au Struthof des quatre femmes membres du SOE. À l'issue du procès seront notamment condamnés à mort puis exécutés :
Peter Straub, le SS qui avait fait exécuter par pendaison le sergent F. H. Habgood au Struthof le 31 juillet 1944
Les transformations du camp après la guerre
Le Mémorial national aux martyrs et héros de la déportation.
Journée nationale du souvenir de la déportation le 28 avril 2013.
Journée nationale du souvenir de la déportation en présence de jeunes sapeurs-pompiers le 28 avril 2013.
Panorama du camp de concentration dans son état actuel.
1945 : Le site devient un centre pénitentiaire du Ministère de la justice, accueillant des détenus suspects de collaboration et des droits communs[49].
1949 : La gestion du site est placée sous la tutelle du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre.
1951 : Le bâtiment de la chambre à gaz est classé monument historique[50].
1954 : Les baraques qui menacent de s'effondrer sont détruites à l'exception de quatre d'entre elles situées en haut et en bas du site : en haut, la baraque no 1 et la baraque des cuisines ; en bas, la baraque du four crématoire et la baraque du bloc cellulaire.
Le , le Mémorial national de la déportation, ainsi que la nécropole nationale sont inaugurés par le Président de la République, le général de Gaulle.
: Inauguration du musée de la déportation de Natzweiler-Struthof, aménagé dans la baraque no 1 par le Ministère des Anciens combattants.
Nuit du 12 mai au : Destruction totale du musée par un incendie criminel perpétré par le groupe autonomiste alsacien « Loups Noirs » une croix de Lorraine est peinte sur un mur, ainsi qu’une inscription : « 27 janvier 1945 ». Les incendiaires voulaient sans doute rappeler que dans ce camp, 1 100 Alsaciens soupçonnés de collaboration avec l'occupant nazi avaient été enfermés à cette date, donc pendant la Liberation de l'Alsace[51]. Mais surtout, que la mémoire des résistants Alsaciens et Lorrains enfermés au camp de Schirmeck, a contrario, n'est pas perpétué[52]. Le Struthof sera reconstruit selon les plans d'origine.
: divers éléments du camp de concentration sont classés au titre des monuments historiques[50] (entre autres : l'hôtel du Struthof, les enceintes, la Kartoffelkeller, la villa Ehret, le Ravin de la Mort, les blocks encore en place, la sablière, le chemin des Déportés...).
Les kommandos du KL-Natzweiler
De nombreux kommandos et camps de travail annexes dépendaient du KL-Natzweiler[53]. Ils étaient situés tant en Alsace et Moselle annexées qu'en Allemagne[54].
En août 1944, il y avait près de 7 000 prisonniers au camp-souche et plus de 20 000 dans ses kommandos[55]. Les effectifs de certains de ces camps annexes dépassaient parfois ceux du camp-souche.
A noter parmi ces kommandos celui de Thil en Meurthe-et-Moselle, qui a la particularité d'avoir été le seul camp de tout le système concentrationnaire nazi à avoir été installé en territoire français non occupé.
Robert Steegmann (préface de Pierre Ayçoberry), Struthof - Le KL Natzweiler et ses Kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941-1945, Strasbourg, Kaléidoscope – La Nuée bleue, 2005 (ouvrage de référence)
Robert Steegmann, Le camp de Natzweiler-Struthof, Paris, Seuil, coll. « Univers historique », , 375 p. (ISBN978-2-02-095633-8, OCLC310392840).
Bruno Bailly, Le Struthof, contemplation et témoignage, édition Sceren. DVD 60 minutes, 2008.
Kristian Ottosen, Nuit et brouillard. Histoire des prisonniers du camp de Natzweiler-Struthof, éditions le Cri, 2002, 256 pages
Étiennette Gallon, Stéphanie Sédillot, La plume, le crayon et le bronze, sources de mémoire : Henri Gayot (mat. 11784), un résistant rochelais déporté au Struthof, La Rochelle, ONAC & UDCUR, 2002, 103 pages + 16 planches (épuisé)
Marcel Le Roy, Le prix de la liberté, récit de déportation au camp d'extermination du Struthof. L’oribus, 2000
Boris Pahor (trad. du slovène par Andrée Lück-Gaye), Pèlerin parmi les ombres : récit [« Nekropola »], Paris, La Table ronde, coll. « La petite vermillon » (no 53), , 253 p. (ISBN978-2-7103-0709-9, OCLC842458867).
Roger Leroy (mat. 4486), Roger Linet (mat. 4487), Max Nevers (mat. 4585) (préface du Dr Henri Laffitte), 1943-1945, la résistance en enfer, éditions Messidor, 1991, 375 pages
Henry Allainmat, Auschwitz en France : la vérité sur le seul camp d'extermination nazi en France, le Struthof, Paris, Presses de la cité, coll. « Presses pocket » (no 1245), , 301 p. (ISBN978-2-266-00005-5, OCLC901164677).
Aimé Spitz (mat. 4596), Struthof. Bagne Nazi en Alsace, Imprimerie Fetzer, Raon-l’Étape, 1970 (épuisé)
André Ragot (mat. 6163) (préface d'Edmond Michelet), NN - Nuit et brouillard, éditions Cooped, 1948 ; éditions Documents, 1958 ; Sens, Chevillon, 1964, 205 pages (épuisé)
François Kozlik (mat. 960), Struthof, le mont des horreurs, éditions Sédal, 1945, 52 pages (épuisé)
Albert Hornung, Le Struthof, camp de la mort, Nouvelles Revue Critique, Paris, 1945, 104 pages (épuisé)[57].
Bob Sheppard, Missions secrètes et déportation, 1939-1945, Bayeux, éd Heimdal, 1998
Dominique Toursel-Harster, Jean-Pierre Beck, Guy Bronner, Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace, Strasbourg, La Nuée Bleue, , 663 p. (ISBN978-2-7165-0250-4)
Natzwiller, Camp de Struthof pp. 263-264
Raphael Toledano, Les Expériences Médicales du Professeur Eugen Haagen de la Reichsuniversität Strassburg : Faits, Contexte et Procès d’un Médecin National-Socialiste, Thèse de doctorat en médecine, no 150, Université de Strasbourg, 2010 (Prix Auschwitz 2011).
Le Struthof - un camp de concentration nazi en Alsace, un film d'Alain Jomy et Monique Seemann, réalisé en partenariat avec France 3 Alsace - 1995 - durée : 52 minutes.
Le nom des 86, un film de Emmanuel Heyd et Raphael Toledano. Production Dora Films sas - Alsace 20 - Télébocal - Cinaps TV - 2014 - durée : 63 min.
↑À ne pas confondre avec le camp de concentration du Stutthof, un camp de concentration établi dès le 2 septembre 1939 sur le territoire de la ville de Gdańsk par le régime nazi, à 34 km de cette ville, le lendemain de l'invasion de la Pologne.
↑Il est aujourd'hui situé sur le territoire de la commune de Natzwiller dans le Bas-Rhin.
↑Ch. Brusten, « Charles le Téméraire au camp de Lausanne, 14 mars-27 mai 1476 », Publications du Centre Européen d'Etudes Bourguignonnes, vol. 14, , p. 71–81 (ISSN1016-4286 et 2034-6786, DOI10.1484/j.pceeb.3.271, lire en ligne, consulté le )
↑Au total, environ 250 SS ont été affectés au camp durant la guerre, parmi lesquels sept femmes dont on connaît aujourd'hui les noms : Maria Aichele, Berta Bommer, Maria Luise Merkle, Élisabeth Peschke, Else Rueck, Kreszenzia Ruf (qui servit aussi à Geislingen) et Anna Zengerle, qui servit comme Aufseherin à Ravensbrück.
↑60 ans après la guerre, l'identité des 86 victimes de Hirt sera dévoilée, grâce à leurs numéros d'immatriculation retrouvés par le journaliste-historien Hans-Joachim Lang ; selon le cercle Menachem-Taffel, celui-ci n'a jamais pu accéder aux archives françaises.
↑Joachim Fest (trad. de l'allemand par Simone Hutin et Maurice Barth), Les Maîtres du IIIe Reich [« Gesicht des Dritten Reiches »], Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche / Histoire » (no 32124), , 602 p. (ISBN978-2-253-13443-5, OCLC748702770), p. 197
↑Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 2016, 3e éd., 302 pages, pages 98-99
↑Robert Steegmann (préface de Hamlaoui Mekachera), Le Struthof : KL-Natzweiler Histoire d'un camp de concentration en Alsace annexée 1941-1945, Strasbourg, Kalédiscope-La Nuée bleue, 2005. p. 36
↑François Kozlik, Struthof, le mont de l'épouvante, horreurs vécues au camp du Struthof (Strasbourg, Éditions Sedal, 1945). Selon l’historien Robert Steegmann, Kozlik a été décrit par des déportés comme « très proche de Kramer et de Hartjenstein qui lui laissaient certaines libertés », Kozlik a occupé les fonctions de chef de l’orchestre du Struthof et de coiffeur des commandants successifs (le Camp de Natzweiler-Struthof, Paris, le Seuil, 2009).