Camp de concentration de Natzweiler-Struthof
Camp du Struthof et mémorial (Natzwiller).jpg
Entrée du camp nazi.
Présentation
Nom local KL Natzweiler-Struthof
Type Camp de concentration de niveau III (Lagerstufe III)
Gestion
Date de création Mai 1941 (officiellement ouvert le 21 avril 1941)
Dirigé par Joseph Kramer
Friedrich Hartjenstein
Heinrich Schwarz
Date de fermeture Septembre 1944
Victimes
Nombre de détenus Environ 52 000
Morts Environ 22 000
Géographie
Pays Drapeau de la France France
Région Alsace
Commune de France Natzwiller
Coordonnées 48° 27′ 20″ nord, 7° 15′ 15″ est
Géolocalisation sur la carte : Bas-Rhin
(Voir situation sur carte : Bas-Rhin)
Camp de concentration de Natzweiler-Struthof
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Camp de concentration de Natzweiler-Struthof

Protection Logo monument historique Classé MH (1951, immeuble de la chambre à gaz)
Logo monument historique Classé MH (2011, ensemble du périmètre de l'ancien KL (hôtel du Struthof et annexe, double enceinte intérieure et extérieure, Kartoffelkeller, Villa Ehret, Ravin de la Mort, blocks, sablière, chemin des Déportés), carrière (vestiges des constructions, galeries creusées), tous les chemins terrassés, château d'eau, transformateur électrique)
Notes Le Struthof est avec Mauthausen l’un des camps les plus meurtriers du système concentrationnaire nazi, avec un taux de mortalité de plus de 40 %.

Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof[1] est un camp de concentration nazi sur le territoire de l'Alsace annexée à l'Allemagne et redevenue française après la guerre[2]. Il y a une annexe du camp en France, à Thil (Meurthe-et-Moselle). Le camp de concentration est édifié une fois que la Moselle et l'Alsace sont annexées par le Troisième Reich. Il est installé par l'ingénieur allemand Blumberg au Struthof, un lieu-dit sur les hauteurs de la commune de Natzwiller (Bas-Rhin), durant la Seconde Guerre mondiale. Son nom allemand est KL Natzweiler-Struthof et il se nomme à nouveau ainsi depuis 2014[3],[4]. Les initiales KL signifient Konzentrationslager.

Environ 52 000 prisonniers y auraient été détenus pendant son activité[5]. Les prisonniers appartenaient principalement aux mouvements de résistance des territoires occupés par les Allemands. C'était un camp de travail, un camp de transit et, au fur et à mesure de la guerre, un lieu d'exécution. Certains sont morts des efforts de leur travail et de la malnutrition. On estime à 22 000 le nombre de morts dans le camp, y compris son réseau de sous-camps[6]. De nombreux prisonniers ont été transférés dans d'autres camps. En 1944 en particulier, l'ancien chef du camp de concentration d'Auschwitz fut amené pour évacuer les prisonniers de Natzweiler-Struthof vers Dachau à l'approche des armées alliées. L’anatomiste August Hirt a mené une étude pour constituer une collection de squelettes juifs au camp. Un film documentaire a été réalisé sur les 86 hommes et femmes nommés qui ont été tués dans le cadre de ce projet. Certaines des personnes responsables des atrocités commises dans ce camp ont été traduites en justice après la fin de la guerre.

Un camp de concentration nazi en Alsace

Potence destinée aux exécutions.

Peu après l'annexion de l'Alsace et de la Moselle en 1940 par le Reich nazi, Himmler, alors chef de la Gestapo, et Oswald Pohl, chef principal d’économie de la SS eurent l'idée d'installer des camps à proximité de carrières afin d'y faire travailler les déportés dans le cadre de la Deutsche Erd- und Steinwerke GmbH (DEST), entreprise minière SS créée par Himmler. C'est au cours d'un voyage d'observation qu'Albert Speer, architecte et ministre du Reich, nota la présence dans la région d'un granit rose extrêmement rare. La décision fut alors prise d'y installer un camp visant à l'extraction du granit par les déportés. C'est le géologue colonel SS Karl Blumberg qui trouva le meilleur site pour l'extraction dudit granit et qui détermina l'emplacement du futur camp[7].

Sous le nom de « KL Natzweiler-Struthof », le camp est officiellement ouvert le . Environ 80 SS en assurent alors l'encadrement et l'administration[8]. À la fin de l’année, 539 détenus sont immatriculés à Natzweiler, venus de Sachsenhausen, Dachau et Buchenwald. Dans leur majorité, il s'agit d'Allemands (ou assimilés) déportés de droit commun et asociaux. Natzweiler-Struthof n'est encore qu'un Geschlossenes Lager (« camp fermé ») et ne peut recevoir d’autres détenus que ceux déjà internés dans un autre camp.

En septembre 1942, il devient un « camp d’affectation » (Einweisungslager) : les détenus peuvent lui être directement affectés par les services de police. Les effectifs commencent à croître et un premier kommando (camp annexe) ouvre à Obernai le 15 décembre.

En 1943, les immatriculations quadruplent (4 089) et le camp est achevé dans sa construction en octobre. Toute l’Europe y est présente. Polonais et Soviétiques forment désormais 35 % de l’ensemble des détenus. Les Allemands et assimilés régressent (22 %) tandis que la part des détenus d’Europe occidentale augmente : Français, Norvégiens, Néerlandais. Les détenus politiques sont devenus largement majoritaires.

L'année 1944 connaît une forte envolée du nombre d'immatriculations : du 1er janvier au 31 août 1944, 23 199 arrivées sont enregistrées, et le KL reçoit désormais des convois de femmes. Natzweiler-Struthof devient avant tout un sas de passage et de tri avant une affectation dans un de ses camps annexes. De fait, la grande majorité des détenus alors immatriculés par le sigle administratif « KL-Na » ne connaissent pas le camp-souche. Au 2 septembre 1944, sur les 23 199 immatriculations enregistrées depuis le mois de janvier de la même année, 18 151 (dont 2 398 femmes juives) sont détenus dans un camp extérieur et on peut estimer à 12 000 ceux qui n’y sont jamais passés[9].

Alors qu'il était initialement prévu pour recevoir un total de 2 000 prisonniers, le camp-souche du KL en compte près de 7 000 à la fin du mois d'août 1944. Il se trouve au centre d'un complexe comprenant environ 70 kommandos (camps annexes) répartis en Alsace, en Moselle, et surtout en Allemagne.

Le camp-souche fonctionne jusqu'à son évacuation par les SS au début du mois de septembre 1944. Face à l'avance des troupes alliées est en effet prise la décision d'en transférer les détenus vers le camp de Dachau[10]. Le , la 6e armée américaine pénètre dans un KL totalement vidé de ses occupants. Le KL Natzweiler-Struthof est le premier camp de concentration nazi découvert par les forces alliées à l'Ouest de l'Europe.

Après l'évacuation du camp-souche, l'administration SS s'installe dans le camp annexe de Guttenbach. Les kommandos du Struthof situés à l'est du Rhin continuent de fonctionner, toujours sous la dénomination de KL Natzweiler-Struthof, et à recevoir de nombreux déportés jusqu'à la capitulation allemande[7].

Les détenus

À l'instar des camps de Mauthausen et de Gusen, le KL Natzweiler-Struthof était classé « Camp de niveau III » (Lagerstufe III)[11], ce qui signifiait qu'il était destiné à être l'un des camps les plus durs du système concentrationnaire. Son objectif était l'anéantissement des « ennemis politiques incorrigibles du Reich ».

Ils ont été arrêtés pour des motifs divers. Les premiers déportés du camp sont essentiellement allemands, déportés de droit commun, « asociaux », Roms ou déportés politiques. À partir de 1942, parmi les déportés on trouve des Soviétiques, parfois prisonniers de guerre, des Polonais et quelques déportés originaires des territoires annexés par le IIIe Reich : Tchèques, Alsaciens, Lorrains[12]. En 1943, arrivent en grand nombre des déportés luxembourgeois, puis des Résistants de différentes nationalités, venant de divers camps de concentration ou prisons en Europe : Belges, Néerlandais, Norvégiens et Français. Parmi ces derniers, de nombreux militaires, notamment membres de l'Armée secrète et de l'Organisation de résistance armée, sont aussi déportés au camp de Natzweiler. Les résistants Alsaciens et Mosellans, tel que La Main Noire de Marcel Weinum, sont eux, principalement internés au camp de Schirmeck. En , le premier convoi de déportés NN français arrive à Natzweiler. Arrêtés comme Résistants, ces derniers tombent sous le coup des décrets allemands de 1941 dit « Nacht und Nebel » (« Nuit et brouillard »). Ces décrets visent à faire disparaître les Résistants et, de manière générale, tous les opposants à la force d'occupation allemande. Emprisonnés ou déportés, complètement coupés du monde extérieur, ils sont voués à une mort lente par le travail, l'épuisement, la faim, les maladies. Certains déportés passent ensuite en jugement devant le tribunal de Breslau ; d'autres sont maintenus dans les camps. Leur famille et connaissances n'ont plus aucune nouvelle d'eux.

Les juifs (déportés pour raisons raciales ou faits de résistance) représentent 11% du nombre total des détenus du Natzweiler-Struthof[13]. Pour la plupart originaires de Hongrie et de Pologne, ils arrivent à partir de 1944 et sont affectés dans des camps annexes[12].

Les conditions inhumaines de travail et de détention, la malnutrition, les sévices des kapos et des SS ainsi que les nombreuses exécutions par balle ou pendaison[14] ont provoqué la mort de milliers de détenus. L'évacuation des derniers kommandos du KL-Natzweiler, lors des « marches de la mort », a, elle, coûté la vie à environ 5 000 déportés.

Dirigé d' à par Joseph Kramer, de sinistre réputation, le Natzweiler-Struthof est avec Mauthausen l'un des camps les plus meurtriers du système concentrationnaire nazi, avec un taux de mortalité de plus de 40 %)[15] (à titre de comparaison, celui-ci est de près de 25% pour le camp de Buchenwald et d'environ 20% pour le camp de Dachau[réf. nécessaire].

Les exécutions massives

Le four crématoire du camp.
Plaque mémorielle dans le bâtiment du crématoire rappelant le massacre du Réseau Alliance le 1er septembre 1944.

Le camp a par ailleurs servi de lieu d'exécution pour de nombreux résistants issus de la majeure partie des pays occupés par l'Allemagne nazie et condamnés par la Gestapo. Le déporté Aimé Spitz témoigne : « Hors du camp, à quelque 100 mètres, se trouvait une sablière. C'est là qu'environ cinq cents camarades furent fusillés, soit à coups de mitraillette, soit à coups de revolver dans la nuque. Un soir de printemps 1944, après 18 heures, onze Luxembourgeois appartenant à la Résistance furent fusillés dans cette sablière. Ce genre d'exécution, ordonnée par le ministère de la Sûreté d'État de Berlin, avait lieu le soir après l'appel. Chaque fois que nous apercevions le soir des arrivants devant la Schreibstube (secrétariat du camp), nous savions qu'il s'agissait d'une Sonderbehandlung (traitement spécial). Ce genre de détenus ne figurait pas, la plupart du temps, dans le fichier du camp. Ils étaient amenés par la Gestapo pour être exécutés. Leurs corps étaient ensuite transportés au crématoire, de sorte qu'il n'y avait de trace nulle part[16]. »

Les exécutions de ce type ne sont en effet la majeure partie du temps pas répertoriées dans les registres du camp, ce qui rend difficile, voire impossible, le comptage rigoureux et l'identification des victimes[17].

Peuvent néanmoins être mentionnés les faits suivants :

Les « expériences médicales »

La plaque commémorative rappelant les noms des quatre-vingt-six Juifs gazés par le professeur Hirt en août 1943 pour ses « expériences » pseudo-scientifiques.
La chambre à gaz située à 2 km en contrebas du camp.
Table de vivisection ou d'autopsie du camp.

Le camp est aussi connu pour des « expériences » pseudo-scientifiques qui y furent pratiquées sur des détenus[24]. À cet effet avait été aménagée une salle de dissection.

Une chambre à gaz était située en contrebas du Struthof ; elle a été construite entre le 3 et dans une dépendance de l'ancien hôtel[25],[26]. Elle est utilisée du 11 au 19 août 1943 pour l'exécution de détenus juifs : 57 hommes et 30 femmes, internés à Auschwitz, sont envoyés au camp du Struthof pour y être assassinés avec des sels cyanhydriques[27]. Une femme ayant été préalablement exécutée par balle pour rébellion, ce sont finalement 86 personnes de « race juive » qui sont gazées personnellement par le commandant SS du camp, Joseph Kramer. Lors de son procès, Kramer ne parle pas des classiques petits cailloux gris bleuâtre qui servent à décrire le Zyklon B, mais d'une poudre blanche dans un flacon que lui a donné un professeur de la Reichsuniversität de Strasbourg (August Hirt), et il a fallu un écoulement d'eau pour obtenir un dégagement gazeux ; selon Kogon[28],[29], il s'agit probablement d'un autre composé cyanhydrique concocté par ce professeur Hirt, cyanure de potassium ou de sodium avec un acide organique, cette composition dégageant de l'acide cyanhydrique en présence d'eau[30]. Le professeur August Hirt, SS-Hauptsturmführer et proche de Heinrich Himmler, avait pour objectif, à travers ces gazages, de constituer une collection de « crânes de commissaires bolcheviks juifs »[31] pour l'Institut anatomique de Strasbourg[32],[33], avant que « la race juive » ne soit anéantie[34] ; en effet, Himmler « faisait des études sur les crânes de « commissaires judéo-bolchéviques » destinés à permettre une définition typologique du « sous-homme » »[35].

Le professeur August Hirt mena aussi de nombreuses expérimentations sur l'utilisation du gaz moutarde[24]. En novembre 1942 notamment, il inocule des doses mortelles sur des détenus. Sur un premier groupe de quinze personnes, il teste un antidote sur dix d’entre elles, et laisse cinq « témoins » sans protection. Sept prisonniers meurent. Pour avoir un résultat statistiquement significatif, il recommence l’expérience sur 150 personnes dont près de quarante meurent selon les témoignages. On n’en sait pas plus sur ces expériences, tous les documents sur ses recherches furent brûlés avant la libération de Strasbourg[36].

La chambre à gaz a été par la suite utilisée pour quinze expériences de toxicité du gaz phosgène par un virologiste, Otto Bickenbach, sur des détenus de droit commun et des Roms[37].

Un autre médecin SS, le professeur Eugen Haagen, a pratiqué au Struthof des injections de lèpre, peste et autres maladies sur des détenus de manière à observer les effets de ces contaminations ; plusieurs traitements étaient essayés pour une même maladie. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas morts, ils étaient assassinés et incinérés.

Afin de mener à bien ses expériences sur le typhus, Von Haagen se fait aussi remettre environ 200 Roms arrivés directement d'Auschwitz au Struthof durant les mois de novembre et décembre 1943. Début 1944, les Tziganes sont mis à sa disposition. 150 d'entre eux sont immunisés contre le typhus exanthématique, les 50 restants étant réservés comme témoins. À l’ensemble des 200 cobayes est ensuite inoculé par scarification au bras le germe du typhus[30].

Les diverses séries d'expériences font des centaines de victimes parmi les déportés du camp. Elles entraînent en outre une épidémie de typhus en mai 1944[38].

Les déportés Nacht und Nebel (NN)

Un mirador de surveillance.

Le KL-Natzweiler reçoit à partir de juin 1943 de nombreux déportés "Nacht und Nebel" (ou "NN", Nuit et brouillard). Ceux-ci proviennent de toute l'Europe et sont soumis en tant qu'opposants à l'Allemagne nazie à un régime particulièrement cruel.

À titre d'exemple, on peut citer le cas des déportés Nacht und Nebel norvégiens du Struthof, arrivés au camp entre le et le mois d'août 1944. Sur un total de 504 déportés, seuls 268 ont survécu et pu rejoindre la Norvège après la guerre (8 d'entre eux devant par la suite décéder dans les jours qui ont suivi leur retour)[39].

Afin de les distinguer des autres détenus du camp qui portent la tenue de bagnard rayée, ces déportés "Nacht und Nebel" doivent revêtir d'anciens vêtements civils sur lesquels sont peints en couleurs vives les lettres "NN", ce qui les rend particulièrement vulnérables face à la brutalité des kapos et des gardiens SS[40].

À propos des déportés « Nacht und Nebel », le Dr Goude, rescapé du camp du Struthof, témoignera plus tard[41] :

« J'arrivai au camp du Struthof le 19 mai 1944 avec un groupe de sept intellectuels. À notre entrée nous fûmes tout de suite impressionnés par nos frères de misère. Leurs démarches d'automates, la fixité de leurs regards, leur aspect squelettique indescriptible et inégalé ailleurs. J'ai connu beaucoup de camps (Buchenwald, Natzwiller, Wesseling, Dachau, Auschwitz), nulle part je n'ai ressenti de pitié plus douloureuse qu'au Struthof. Ce qui nous intrigua dès l'abord, ce furent d'immenses lettres : N N barbouillées en rouge sur les vêtements… »

« ... C'étaient des hommes complètement retranchés du monde civilisé. Ils ne recevaient ni courrier, ni colis, ni nouvelles extérieures. C'était l'abrutissement complet, le travail forcené, la furieuse brutalité des kapos et des chefs de blocks. Les détenus ne bénéficiaient pas des cinq heures effectives de sommeil ; la vermine se chargeait de les troubler. Le repos dominical de l'après-midi était supprimé. Mais, en revanche, la schlague toute la journée — les chiens constamment sur les talons — la hantise de la moindre défaillance, la pitance diminuée, l'absence totale, au début, de soins médicaux, les redoutables expériences, dites scientifiques, les greffes humaines et les chambres à gaz[42]. »

Inversement, de l'intérieur du camp, le Tchèque François Kozlik (matricule 980), décrit ainsi l'étonnement des déportés lorsqu’arrive au camp, le 3 juillet 1943, le premier transport de NN Franzosen (Français Nacht und Nebel), déportés politiques, porteurs du triangle rouge :

« Ces Français Nacht und Nebel, c'étaient des prêtres portant la soutane, des officiers supérieurs, c'étaient, comme on le sut plus tard, des médecins, des ouvriers, des paysans. Presque sans exception des Français de la Résistance. Généralement chargés de bagages de bonne apparence. »

Puis, après avoir quelque temps observé ces prisonniers d'un nouveau genre, Kozlik ajoute :

« Il est presque incroyable [de constater] de quelles réserves de forces l'être humain dispose. [...] Car la tenue de ces Français, la manière dont ils serraient les dents, le courage avec lequel ils se chargeaient de travaux impossibles à exécuter, la discipline avec laquelle ils sortaient par le portail, tous en rang, le corps redressé, le visage décomposé, d'une pâleur mortelle, enflé et ensanglanté, mais tenant droit la tête dans un effort farouche, émurent même le plus endurci des internés, qui ne pouvait cacher son admiration.[43] »

Le 24 septembre 1943, Himmler donne l'ordre aux commandants des KL de transférer au Struthof tous les déportés NN qu'ils détiennent. Cet ordre est renouvelé le 20 mai 1944, mais ne sera jamais complètement exécuté, la procédure Nuit et brouillard étant abandonnée peu après par le régime nazi[44].

De juin 1943 à l'arrivée du dernier convoi Nacht und Nebel au camp (en août 1944), ce sont 2 443 déportés "NN" qui sont passés par le KL-Natzweiler[45],[46].

Détenus notables

Porte d’accès au chemin de ronde.

Ont été déportés au Natzweiler-Struthof :

Ont été internés au camp-souche avant d'être évacués en 1944 vers d'autres camps :

Le camp après la guerre

La guerre finie, le Struthof devient un centre provisoire de détention pour des prisonniers de guerre, des Alsaciens suspectés de collaboration pendant l'annexion, et des collaborateurs condamnés par la justice française. L'un des premiers directeurs de ce centre fut Jean de Poligny, alias capitaine Rivière, qui était un ancien résistant jurassien, l'un des fondateurs du Groupe Mobile Alsace (GMA) Vosges.

Y sont retenus environ 2 000 détenus : des anciens de la Légion des volontaires français, de la Division Charlemagne, des membres de partis collaborationnistes (Parti populaire français, Rassemblement national populaire, Parti francisteetc.), des auxiliaires français de la Gestapo, mais aussi des fils de dignitaires du Régime de Vichy et de collaborateurs. Parmi ces détenus, on peut citer Pierre Sidos, le futur créateur des mouvements d'extrême droite Jeune Nation, Occident et l'Œuvre française.

En 1957, une scène du film Le Bal des maudits avec Marlon Brando y est tournée. Certains des figurants étaient d'anciens détenus du camp.

Procès postérieurs à la guerre

Entre le mois de juin 1954 et le mois de mai 1955 se déroule devant les tribunaux militaires de Metz puis de Paris le procès du Struthof, durant lequel sont jugés les principaux responsables SS du camp. Plusieurs autres procès ont lieu après la guerre pour juger d'autres dirigeants du Struthof et de ses kommandos[47].

Sont notamment jugés :

Au terme du procès de Rastatt sont condamnés à mort, le , dix-neuf dirigeants SS des kommandos du KL Natzweiler-Struthof[47].

Le 20 décembre 1952 s'ouvre devant le Tribunal militaire français de Metz le procès des médecins SS Otto Bickenbach et Eugen Haagen. Tous les deux sont condamnés le 15 mai 1954 à 20 ans de travaux forcés, puis amnistiés l'année suivante. Le professeur August Hirt y est condamné à mort par contumace le 23 décembre 1953 (considéré comme en fuite depuis la fin de la guerre, il s'est en fait suicidé le 2 juin 1945)[48].

Lors du procès de Wuppertal (mai-juin 1946) sont jugés les SS impliqués dans l'assassinat en juillet 1944 au Struthof des quatre femmes membres du SOE. À l'issue du procès seront notamment condamnés à mort puis exécutés :

Les transformations du camp après la guerre

Les kommandos du KL-Natzweiler

De nombreux kommandos et camps de travail annexes dépendaient du KL-Natzweiler[53]. Ils étaient situés tant en Alsace et Moselle annexées qu'en Allemagne[54].

En août 1944, il y avait près de 7 000 prisonniers au camp-souche et plus de 20 000 dans ses kommandos[55]. Les effectifs de certains de ces camps annexes dépassaient parfois ceux du camp-souche.

A noter parmi ces kommandos celui de Thil en Meurthe-et-Moselle, qui a la particularité d'avoir été le seul camp de tout le système concentrationnaire nazi à avoir été installé en territoire français non occupé.

Les kommandos dépendants du KL-Natzweiler :

  1. Asbach
  2. Audun-le-Tiche (Deutsch-Oth)
  3. Auerbach
  4. Bad Rappenau
  5. Baden-Baden
  6. Baden Oos
  7. Balingen
  8. Bernhausen
  9. Bensheim
  10. Binau
  11. Bisingen[56].
  12. Brüttig
  13. Calw
  14. Cernay (Sennheim)
  15. Colmar
  16. Darmstadt
  17. Daudenzell
  18. Dautmergen[56]
  19. Dorlisheim
  20. Dormettingen
  21. Leinfelden-Echterdingen
  22. Ellwangen
  23. Ensingen
  24. Frommern
  25. Geisenheim
  26. Geislingen an der Steige
  27. Gross-Sachsenheim
  28. Hailfingen
  29. Haslach
  30. Hayange (Hayingen)
  31. Heidenheim
  32. Heilbronn
  33. Heppenheim
  34. Hessental
  35. Iffezheim
  36. Kaczawa
  37. Kochem
  38. Kochendorf
  39. Leonberg
  40. Mosbach
  41. Mulhouse
  42. Metz
  43. Neckarbischofsheim
  44. Neckarelz (deux camps)
  45. Neckargartach
  46. Neckargerach
  47. Neckarzimmern
  48. Neunkirchen
  49. Nuttenbach
  50. Obernai (Oberehnheim)
  51. Obrigheim
  52. Offenbourg
  53. Peltre (Pelters)
  54. Rastatt
  55. Rothau
  56. Schwäbisch Hall
  57. Sainte-Marie-aux-Mines (Markirch)
  58. Sandweier
  59. Sandhofen
  60. Schömberg[56]
  61. Schörzingen[56]
  62. Schwindratzheim
  63. Spaichingen
  64. Strasbourg
  65. Tailfingen
  66. Thil
  67. Treis
  68. Unterriexingen[56]
  69. Urbès - Husseren-Wesserling
  70. Vaihingen-sur-l'Enz
  71. Walldorf
  72. Wasseralfingen
  73. Zepfenhahn
  74. Zuffenhausen
Site d'Urbès (68) connu sous le nom de KL Natzweiler - Block W - Baustelle U, un des 70 camps dépendant de Natzweiller Struthof (67) est, à l'origine, un tunnel de 4,5 kilomètres destiné à relier la vallée de St Amarin à Saint Maurice. Il a servi de camp de travail pour la fabrication de pièces de moteurs d'avions pour le compte de Daimler-Benz.

Bibliographie

Films

Notes et références

  1. À ne pas confondre avec le camp de concentration du Stutthof, un camp de concentration établi dès le 2 septembre 1939 sur le territoire de la ville de Gdańsk par le régime nazi, à 34 km de cette ville, le lendemain de l'invasion de la Pologne.
  2. Il est aujourd'hui situé sur le territoire de la commune de Natzwiller dans le Bas-Rhin.
  3. « Le KL-Natzweiler », sur struthof.fr (consulté le )
  4. Ministère de la défense, « Arrêté du 20 mars 2014 portant définition et fixant la liste des hauts lieux de la mémoire nationale du ministère de la défense - Version consolidée au 10 juin 2016 », sur legifrance.gouv.fr, (consulté le )
  5. Steegmann, « Le camp de Natzweiler-Struthof », ((Article)) : paramètre « périodique » manquant,‎ (DOI 10.14375/np.9782020956338, lire en ligne, consulté le )
  6. Ch. Brusten, « Charles le Téméraire au camp de Lausanne, 14 mars-27 mai 1476 », Publications du Centre Européen d'Etudes Bourguignonnes, vol. 14,‎ , p. 71–81 (ISSN 1016-4286 et 2034-6786, DOI 10.1484/j.pceeb.3.271, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Roger BOULANGER, « L'historique du camp de Natzweiler-Struthof », sur cndp.fr (consulté le )
  8. Au total, environ 250 SS ont été affectés au camp durant la guerre, parmi lesquels sept femmes dont on connaît aujourd'hui les noms : Maria Aichele, Berta Bommer, Maria Luise Merkle, Élisabeth Peschke, Else Rueck, Kreszenzia Ruf (qui servit aussi à Geislingen) et Anna Zengerle, qui servit comme Aufseherin à Ravensbrück.
  9. « journals.openedition.org », sur journals.openedition.org
  10. « L'historique du camp de Natzweiler-Struthof », sur cndp.fr
  11. Tiphaine Bacquet, « Natzwiller-Struthof : déportations, exécutions, expérimentations. La mémoire unique d’un camp de concentration en territoire Français par Alexandre Romance. », sur criminocorpus.hypotheses.org, (consulté le )
  12. a et b « Struthof histoire du camp | Chemins de Mémoire - Ministère de la Défense », sur www.cheminsdememoire.gouv.fr (consulté le )
  13. Noémie Rousseau, « Struthof: «Les déportés étaient là pour travailler et mourir» », sur Libération.fr, (consulté le )
  14. « La potence », sur cndp.fr (consulté le )
  15. Dans certains kommandos extérieurs au camp-souche, le taux de mortalité pouvait s'élever à près de 80 %.
  16. Cité par Joël Kotek, Pierre Rigoulot, Le siècle des camps, Jean-Claude Lattès, 2000, 805 p. (ISBN 9782709641555).
  17. « Le camp, lieu d'exécutions », sur http://www.struthof.fr
  18. « fusilles-40-44.maitron.fr », sur https://fusilles-40-44.maitron.fr
  19. « fusilles-40-44 », sur https://fusilles-40-44.maitron.fr
  20. « http://www.struthof.fr/actualites », sur http://www.struthof.fr
  21. « www.struthof.fr », sur http://www.struthof.fr
  22. « 10.3. Struthoh Natzweiler », sur encyclopedie.bseditions.fr (consulté le )
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  24. a et b « Médecine nazie et expérimentations », sur struthof.fr (consulté le )
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  31. Doc. Nuremberg NO-085, lettre de Hirt à Himmler, 9 février 1942, cité p.  323 dans l'ouvrage de R. Steegmann Le camp de Natzweiler-Struthof
  32. structure dépendant de la Reichsuniversität Straßburg, université mise en place par les nazis
  33. 60 ans après la guerre, l'identité des 86 victimes de Hirt sera dévoilée, grâce à leurs numéros d'immatriculation retrouvés par le journaliste-historien Hans-Joachim Lang ; selon le cercle Menachem-Taffel, celui-ci n'a jamais pu accéder aux archives françaises.
  34. Eugen Kogon, Hermann Langbein et Adalbert Ruckerl (trad. Henry Rollet), Les chambres à gaz, secret d'État, Paris, Éd. de Minuit, coll. « Arguments » (no 86), (réimpr. 1986), 299 p. (ISBN 978-2-7073-0691-3, OCLC 493457145, présentation en ligne), p. 246
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  36. Serge Janouin-Benanti, Si ce sont des hommes… – Les médecins du Struthof, 2016, 3e éd., 302 pages, pages 98-99
  37. Robert Steegmann (préface de Hamlaoui Mekachera), Le Struthof : KL-Natzweiler Histoire d'un camp de concentration en Alsace annexée 1941-1945, Strasbourg, Kalédiscope-La Nuée bleue, 2005. p. 36
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  42. « Sur les chemins de la mémoire : Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof », sur Centre national de documentation pédagogique, (consulté le )
  43. François Kozlik, Struthof, le mont de l'épouvante, horreurs vécues au camp du Struthof (Strasbourg, Éditions Sedal, 1945). Selon l’historien Robert Steegmann, Kozlik a été décrit par des déportés comme « très proche de Kramer et de Hartjenstein qui lui laissaient certaines libertés », Kozlik a occupé les fonctions de chef de l’orchestre du Struthof et de coiffeur des commandants successifs (le Camp de Natzweiler-Struthof, Paris, le Seuil, 2009).
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  54. à l'exception du camp de Thil, situé dans le département de Meurthe-et-Moselle
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  59. Notice no IA67013274, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Camp de concentration du Struthof
  60. Notice no IA67013283, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Chambre à gaz, ancien édifice agricole
  61. Notice no IA67013282, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Porte d'entrée du camp
  62. Notice no IA67013281, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture La Grande carrière
  63. Notice no IA67013280, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Ensemble de 8 miradors faisant partie de la clôture du camp
  64. Notice no IA67013279, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Prison dite Baraque des cellules
  65. Notice no IA67013278, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Monument aux morts, dit Fosse commune
  66. Notice no IA67013277, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Four crématoire
  67. Notice no IA67013276, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture Monument commémoratif, Flamme du souvenir
  68. Espace Découverte, « Struthof, le camp oublié », (consulté le )

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